Dissolution du gouvernement de transition en Guinée: la rupture s’impose.

Le gouvernement de transition du premier ministre Bernard Gomou est dissous par le président de la transition Mamady Doumbouya. 

Et l’annonce a été faite ce lundi 19 février via un communiqué lu à la télévision nationale par le Colonel Amara Camara membre du CNRD et ministre secrétaire général à la présidence.

Selon ce communiqué, les affaires courantes seront jusqu’à la mise en place d’un nouveau gouvernement, gérées par les secrétaires généraux, les chefs de cabinet et leurs adjoints, sous la supervision du Comité National du Rassemblement pour le Développement.

Cette décision quoique moins surprenante intervient dans un contexte marqué par une crise au sein du gouvernement guinéen mais aussi et sur fond de remous sociaux et de crise socio-économique et politique sans précédent. 

Une dissolution sur fond de crise 

Les guinéens qui peinent à joindre les deux bouts depuis l’incendie du plus grand dépôt de carburant à Conakry puisque les prix des denrées de première nécessité ont grimpé, assistent depuis des jours à des tensions entre le désormais ex premier ministre Bernard Gomou et son ancien ministre de la Justice Charles Wright. 

Des échanges de courriers entre les deux hauts responsables ont mis à nu le désaccord profond existant au sein du gouvernement de transition portant sur des questions pourtant très cruciales.

Le premier ministre a ordonné au ministre de la Justice de suspendre des injonctions emises par ce dernier à l’endroit des cadres de l’Administration publique, des services communaux devant aboutir à une poursuite judiciaire, au motif que cela avait des impacts sur le bon fonctionnement de État.

Alphonse Charles Wright a rétorqué de façon prompt que lesdites actions ne peuvent ni être arrêtées ni être suspendues. 

Tout porte à croire que ces dissensions avérées ajoutées à plusieurs scandales de corruption au sein de l’administration publique, ou encore les tensions sociales et politiques ont accéléré cette dissolution d’un gouvernement de transition incompétent, corrompu, népotiste et éthnique. 

Un gouvernement au bilan médiocre 

Pour rappel Bernard Gomou a remplacé  le 16 juillet 2022,  Mohamed Béavogui qui a dû quitter ses fonctions officiellement pour des raisons de santé. Une nomination surprenante puisque Gomou n’avait ni la carrure, ni les aptitudes interprofessionnelles pour être à la tête d’un gouvernement de transition. 

Ces résultats ou encore le bilan de son gouvernement en font foi. Car depuis qu’il fut nommé premier ministre, les crises politiques et sociales n’ont fait qu’empirer. 

La crise politique est devenue de plus en plus profonde, les scandales financiers se sont multipliés, le dialogue inter-guinéen inclusif plus que jamais compromis,les violations des droits de l’homme et des libertés se sont aggravées suivies de restrictions de médias, d’arrestations arbitraires de journalistes, de tueries de jeunes adolescents. 

Par ailleurs, sur le front social, les sources de mécontentement sont très importantes : il y a la cherté de la vie, le manque d’essence à la pompe, la confection des passeports sur fond de corruption, les restrictions imposées à Internet depuis le mois de novembre et  les coupures d’électricité récurrentes qui ont provoqué, ces dernières semaines, plusieurs manifestations à Conakry suivies aujourd’hui par exemple de perte de vie humaine à Cosa, dans la commune urbaine de Ratoma. 

Et déjà à la rentrée de septembre, des rumeurs disaient que Bernard Goumou était sur la sellette. 

Apparemment ils avaient raison, car le désormais ancien premier ministre n’a pas été à la hauteur. Il s’est transformé en moins de deux ans en chef de mafia organisée avec pour objectif dépouiller davantage l’État guinéen. 

La nouvelle équipe aura du pain sur la planche 

Selon le chronogramme établi par la Cédéao en commun accord avec la junte militaire, il reste dix mois à la junte avec à sa tête le colonel Mamadi Doumbouya, qui a pris le pouvoir fin septembre 2021, pour organiser des élections et transmettre le pouvoir aux civils. 

Le Conseil national de la transition a déjà annoncé que la nouvelle constitution sera disponible très prochainement. 

Les enjeux étant très importants, pour la réussite de la transition, la junte militaire doit impérativement opter pour une rupture avec ses méthodes et critères de nomination claniques et népotistes.

La rupture s’impose 

Il faut donc éviter à faire triompher à nouveau le camp de la médiocrité, du clanisme, de l’imposture, de l’inefficacité.

La junte doit opter pour un remaniement en profondeur qui privilégie la rupture, c’est-à-dire accepter dans le contexte actuel de fragilité institutionnelle du pays l’option la plus réaliste et moins violente, en refusant donc de  renoncer aux aspirations démocratiques et à la liberté pour trouver un socle commun pour construire une sortie viable à la crise actuelle. 

Il faut à tout prix éviter de mettre en place un gouvernement de transition à l’image de celui de Bernard Gomou derrière lequel s’était dissimulé  le déchaînement des luttes fractionnelles, qui parasitent non seulement les institutions politiques mais aussi les administrations publiques, les syndicats, les organisations de la société civile, les entreprises du pays. 

Car ce genre de gouvernement reste un problème de société amplifié par une médiocrité collective. 

La probité intellectuelle, critère de sélection par excellence 

Il faut impérativement faire de la probité intellectuelle sans faille des membres de la nouvelle équipe gouvernementale le critère de sélection par excellence. 

Et la junte militaire guinéenne doit prendre en compte les spécificités liées à leurs fonctions, lorsqu’ils sont dépositaires de l’autorité publique ou chargés de mission de service public telles que l’exemplarité, la transparence, résistance aux tentations qu’offre le pouvoir. 

On doit éviter de refaire les erreurs du passé en choisissant des gens qui sont l’incarnation de tous les manquements à la probité tels que la concussion, conflit d’intérêts, corruption, détournement de fonds publics, faux en écriture publique, favoritisme, fraude électorale, manque de transparence dans la déclaration de patrimoine, prise illégale d’intérêts, trafic d’influence.

Il n’est jamais trop tard pour bien faire 

Alors M Mamady Doumbouya, de par votre fonction d’un président de transition, vous êtes la première haute autorité pour la transparence de la vie publique. 

Par conséquent votre responsabilité pour la promotion de la probité des responsables publics est plus que jamais engagée. 

Vous devez donc faire de la moralisation de la vie politique pendant cette période exceptionnelle votre champ de bataille pour servir de base et de mode de gestion au gouvernement post-transitoire. 

Et cette moralisation de la vie politique doit impérativement porter sur: la déontologie de la vie politique,la prévention des conflits d’intérêts (déclarations d’intérêts),le contrôle des déclarations de patrimoine des principaux responsables publics, l’inéligibilité des élus ou cadres condamnés pour fraude fiscale ou pour corruption et l’indépendance de la justice et des magistrats.

Vous avez donc M Mamady Doumbouya la la chance d’être le premier président guinéen à avoir eu le courage d’enclencher de façon rigoureuse ce processus d’inculcation, d’apprentissage de normes et de valeurs morales intégrant les notions de droiture, de bon sens, d’intégrité morale pour mettre fin aux manquements à la probité dont souffre notre service public guinéen depuis plus de six décennies. 

À défaut vous sortirez sans doute par la petite porte et pour enfin finir comme cette autre énième déception programmée de l’histoire récente de la Guinée. 

Vous pouvez encore tourner dos à ce système de nomination clanique et ethniciste, en faisant preuve d’union, de bonté, de bon sens, d’humanisme et de solidarité, pour être ce leader patriote qui ne surfent pas sur la carte ethniciste et qui pourra  triompher sur la conspiration et la manipulation. 

Aïssatou Chérif Baldé 

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