Le devoir de toute jeunesse, de toute classe intellectuelle, de tout groupe d’artistes conscients est de contester la corruption et l’injustice .
Mais en Guinée la grande majorité des jeunes, de certains artistes et intellectuels pourtant victimes aussi de la corruption et de la mafia organisée au plus haut sommet de l’État ont fait le choix de ne pas agir contre ces maux qui gangrènent la société guinéenne.
Ils ont fait le choix de la stagnation qui est aussi une forme de corruption et par conséquent pire que la mort.
La jachère intellectuelle qui a gagné le sommet de l’État guinéen pousse aujourd’hui la classe dirigeante guinéenne en l’occurrence certains ministres, et militaires à faire de la corruption la règle de fonctionnement de l’Etat.
Et c’est pourquoi indirectement ou directement, l’Etat guinéen subventionne beaucoup de sociétés et entrepreneurs privés corrompus, des artistes partisans de l’arbitraire et de nombreux appareils satellites, des villas des dirigeants. L’État fait la promotion de l’évasion fiscale, de l’impunité, les féodalités locales et les pouvoirs parallèles, la corruption institutionnelle, l’autocratie à tous les étages. Et il donne le droit aux juges de punir qui ils veulent, les militaires de tuer tous ceux qui dérangent le pouvoir de la junte et la police à ramasser qui leur déplaît.
C’est grâce à ces facettes de l’État guinéen soutenus et entretenus par une grande partie de la jeunesse, de la classe intellectuelle, d’artistes véreux que la junte militaire peut se permettre de kidnapper par la force les leaders d’opinion comme Billo Bah, Oumar Sylla, et assassiner injustement les militaires tels que le Général Sadiba Koulibaly et intimider les voix dissidentes.
Les artistes et certains intellectuels ont choisi d’être la voix de la dictature militaire
Le publique a perdu de la voix. La crise politique et économique frappe de plein fouet. Les pénuries en eau, électricité n’en finissent pas.
Mais d’autres artistes ont choisi d’être le visage de la violence du pouvoir militaire de Mamadi Doumbouya.
Pour des artistes guinéens comme Takara Zion, il n’est plus question en tant qu’artiste reggeaman d’avoir le devoir de déconstruire l’appareil communicationnel de la junte militaire guinéenne.
Il faut plutôt faire sa propagande, se confondre en elle, malgré que la répression se durcit, les leaders d’opinion, les journalistes, les militaires devenus encombrants sont arrêtés, tués ou kidnappés.
Pour ce reggeaman guinéen habitué des couloirs, la sphère artistique n’a pas le devoir de combattre l’utilisation de l’image d’un peuple qui porterait la seule et même voix du pouvoir à l’unisson.
L’heure est plutôt de chanter les louanges d’un monarque absolu sans couronne, d’organiser des meetings, des rencontres pour disent-il supporter les actions du Psdt de la transition politique guinéenne, Mamadi Doumbouya.
Il a fait donc le choix d’être l’artiste officiel du pouvoir, d’être entretenu par le pouvoir en cautionant l’injustice pour des raisons de précarité matérielle.
Mais il oublie pourtant que cet argent qu’il perçoit de son Général autoproclamé, c’est avant tout l’argent du contribuable c’est-à-dire l’argent du peuple de Guinée, de tous ces hommes et femmes qui sont persécutés, tués et humiliés par le pouvoir militaire, dont il est devenu la caisse de résonance.
En effet, il y a une chose que l’on doit se représenter sur les intellectuels et les artistes du CNRD: c’est un groupe soigneusement sélectionné par la junte militaire. Le CNRD les a repéré pour favoriser leur carrière pas parce qu’ils sont les meilleurs, mais plutôt parce qu’ils sont les plus malléables, pour en faire des artistes « officiels », , des cadres collaborateurs, injustes, démagogues, médiocres et pour décourager ou dissuader les plus originaux ou les plus turbulents.
Le CNRD sélectionne et pousse les plus dociles, médiocres, pour pouvoir détruire systématiquement ceux qu’ils qualifient de « mauvaises herbes, d’ennemis de la République», avant que celles-ci ne se développent, et aient la force de leur résister.
Or ce sont justement ces « mauvaises herbes » qui auraient pu faire de grands artistes, des grandes personnalités capables de mettre fin à ce système du pouvoir des pires..
Les artistes « officiels » comme Takana Zion ou des cadres comme le premier ministre Amadou Oury Bah ont l’impression d’être à la pointe de la provocation et de l’insolence, sans se douter qu’ils ont été choisis justement pour leur modération, leur allégeance au pouvoi, leur amour pour l’argent pour accompagner le sale boulot du pouvoir.
Ils sont aussi censurés même s’ils ne ladmettent, car la censure imposée par la junte militaire est insidieuse et elle finit toujours par se muer en auto-censure : donc ces cadres et artistes qui accompagnent la junte dans son plan de confiscation du pouvoir n’osent plus faire des actions qui risqueraient de déplaire au pouvoir. Ils se limitent au « politiquement correct » pour des intérêts personnels, partisans égoïstes et egotiques au détriment de l’intérêt supérieur de la nation.
Donc ils obtiennent certes leur part du gâteau, mais ils ne sont pas libres.
Et nous qui avons décidé de refuser d’être la face hideuse du pouvoir militaire, nous sommes plus libres.
Car nous avons notre conscience et comme le disait Jean-Jacques-Rousseau « La conscience ne trompe jamais ; elle est le vrai guide de l’homme: elle est à l’âme ce que l’instinct est au corps. »
Aissatou Chérif Baldé-Diallo