L’arrivée au pouvoir de la junte militaire n’a pas permis de faire baisser la corruption organisée dans le pays.
Les scandales financiers, le laxisme dans la gestion des ressources de l’État, la dilapidation des fonds publics par les agents publics pour des intérêts partisans, l’aggravation de la corruption dans la gestion de la bauxite guinéenne sont depuis plus de deux ans les caractéristiques du régime militaire guinéen.
La Guinée est devenue plus que jamais une République bananière, un régime politique autoritaire et corrompu et qui doit son existence aux services qu’il offre aux multinationales étrangères présentes dans le pays.
Les putschistes offrent aujourd’hui aux guinéens une structure socio-économique hautement stratifiée, avec une petite classe, factionnelle, ethniciste, népotiste dirigeante qui contrôle l’accès à la richesse et aux ressources.
Une situation qui rend le pays politiquement instable.
En bientôt trois ans de règne, l’État guinéen sous l’actuel régime militaire reste aussi déterminé par l’arbitraire, l’autoritarisme, la privatisation du pouvoir, l’injustice et la corruption surtout.
Des scandales financiers choquants
Les révélations du journaliste français Thomas Dietrich sur un cas présumé de détournement de deniers publics par l’actuel directeur général de la société nationale des pétroles Amadou Doumbouya démontrent à quel point, le régime militaire est gangrené par la corruption.
Et le journaliste d’investigation d’origine française était présent cette semaine à Conakry où il a tenté de mener une enquête sur la corruption organisée au sein de la Société Nationale des Pétroles (SONAP) et l’achat par le directeur général Amadou Doumbouya d’une somptueuse villa aux États-Unis dont le prix s’élèverait à plus d’un million de dollars.
Sauf que le journaliste français n’a pas pu enquêter sur cette affaire à Conakry. Il a été aussitôt mis aux arrêts par les autorités guinéennes hostiles à toute forme de liberté de presse et d’opinion avant d’être expulsé vers la France.
Selon le site d’information guinéen (depeche224) c’est plus d’un milliard de dollars douteux du régime militaire qui serait bloqué à Dubaï.
Le site d’information révèle que malgré l’implication de l’actuel gouverneur de la banque centrale, les autorités Emiraties n’ont pas accepté de débloquer cette faramineuse somme.
Et il ajoute « qu’au centre de cette histoire complexe, on trouve Makan Doumbouya, expert dans les transferts de fonds douteux, déjà impliqué dans des transactions suspectes avec des personnalités du régime précédent de Condé. Il aurait agi en tant qu’instrument pour les barons, notamment Kassory Fofana, dans des transferts de fonds vers la Côte d’Ivoire et Dubaï».
L’orientation des actions publiques vers des intérêts particuliers
Et ce n’est pas tout, car ce week-end l’actuel ministre des postes et télécommunications et porte-parole du gouvernement Ousmane Gaoual Diallo, présent dans la préfecture de Gaoual, a aussi distribué aux différentes structures associatives et politiques de la préfecture de Gaoual une somme importante à hauteur de cent millions de francs guinéens.
Juste après, il annonce sur les réseaux sociaux avoir obtenu le soutien des sections de la formation politique (UFDG) dans sa conquête de la présidence du parti.
Une attitude d’un ministre d’un régime de transition inappropriée, car en temps réel l’action publique dans ces régimes de transition doit être plus consensuelle et moins orientée vers des intérêts particuliers.
Ousmane Gaoual Diallo est dans le rôle d’un entrepreneur politique et non d’un ministre d’un régime de transition. Il investit donc son temps, son énergie et les ressources de l’État pour promouvoir le clientélisme, en échange des bénéfices qu’il veut obtenir.
Le porte-parole du gouvernement de transition veut donc se saisir de l’ouverture des fenêtres d’opportunités qui lui sont offertes grâce à son poste pour influencer les décisions politiques au sein de son ancienne famille politique.
L’originalité du régime de transition remise en cause
Une absurdité qui remet en cause l’originalité du gouvernement de transition guinéen.
Le personnel politique d’un régime de transition ne doit pas s’inscrire dans la durée, puisque sa mission consiste principalement à organiser des élections.
Et c’est pourquoi pour la réussite de la transition, ces acteurs membres d’un gouvernement de transition doivent être, non professionnels de la politique et non identifiés à des partis politiques.
C’est pour éviter que des politiciens une fois présents dans le gouvernement de transition ne se transforment en obstacles au changement ou empêcher l’opération des changements rapides, incrémentaux, ponctués, voire radicaux pour la stabilité du pays.
Ousmane Gaoual Diallo de par ses attitudes donnent raison à ceux qui sont opposés à la participation des politiciens dans un gouvernement de transition.
Un régime de transition particulier
Une autre particularité de ce régime de transition est le fait que les fossoyeurs d’hier se mutent en donneur de leçons,les vizirs d’aujourd’hui tels que les ministres, Dafs et directeurs généraux plus voraces que les anciens ne veulent que se remplir les poches aussi.
Pendant ce temps, la misère s’accroît dans les foyers guinéens de manière exponentielle, l’insécurité, l’injustice, la corruption, la censure, le musèlement persistent…
De loin, peut-on apercevoir cette souffrance exsangue dans laquelle croupit le Guinéen et cela dans l’indifférence totale d’une caste de jouisseurs qui se fait appeler dirigeants.
La Guinée est donc malade de sa “classe” dirigeante.
Car malgré les ressources humaines, minières, énergétiques, c’est-à-dire les atouts pour faire évoluer la société guinéenne, la vie,la survie en Guinée relève au-delà d’un miracle.
Et la corruption organisée n’est pas en baisse
Selon transparency International « l’indice de perception de la corruption dans le secteur public était de 75 points en 2022 en Guinée». Un score très élevé, car la Guinée occupe ainsi la 148e place.
Depuis, aucun changement significatif n’a été observé dans la lutte anti-corruption annoncée par le régime militaire. Les scandales financiers à répétition surtout dans le domaine de la bauxite en font foi.
Ceci malgré la mise en place de la Cour de Répression des Infractions Économique et Financières (CRIEF) la corruption organisée n’a pas baissé ces trois dernières années.
La lutte anti-corruption n’a visé que les anciens dignitaires du régime déchu d’Alpha Condé.
Une procédure biaisée donc sur fond d’une justice sélective.
Pendant ce temps, selon la Banque mondiale, la Guinée perd officiellement chaque année, plus de 600 milliards de francs guinéens à cause de la corruption.
Aïssatou Chérif Baldé