Guinée: ce pays où la culture d’assistanat est la règle d’or des dirigeants.

L’inauguration ou la remise officielle des clés de la grande mosquée fayçal de Conakry aux autorités guinéennes, après sa rénovation totale par les autorités saoudiennes, a eu lieu le vendredi 15 décembre 2023

La rénovation qui remonte sous l’ère Alpha Condé a été réalisée par une entreprise locale sur financement de l’Arabie Saoudite. Le montant de la rénovation s’élève à cinq millions de dollars US.

Cette mosquée est l’un des plus prestigieux symboles de la ville de Conakry. 

Ces dons qui témoignent de la culture d’assistanat de l’élite guinéenne! 

Le palais des Nations bombardé en 1996 lors d’une mutinerie de l’armée guinéenne contre l’ancien président Lansana Conté fut rénové sous l’ère Alpha Condé grâce à la contribution financière des autorités marocaines. 

L’hôpital de l’amitié Sino-Guinéen construit en 2010 est un don de la Chine à la Guinée. La remise et l’inauguration de la deuxième phase de l’hôpital de l’Amitié Sino-guinéenne ont eu lieu au mois d’août 2023 à Conakry.

Le plus grand stade de Conakry situé dans le quartier Nongo en haute est aussi un don de l’État chinois. 

Dans le cadre de la lutte contre Ebola en 2014 les autorités guinéennes avaient reçu beaucoup de dons matériels et financiers venant de plusieurs pays. 

Dans les temps, le commissaire du gouvernement chinois pour la lutte contre Ebola en Afrique Xu Shuqiang avait offert un don de matériels et de médicaments d’une valeur d’un million USD à l’hôpital de l’amitié sino-guinéen.

L’ONG hambourgeoise Guinée-Solidaire-Organisation e.V avait aussi offert dans le cadre de la lutte contre Ebola un don matériel d’une valeur 50 milles € pour ne citer que ceux-là. 

Des dons qui ont rendu plusieurs responsables de la gestion de la pandémie Ebola très riches. 

Depuis l’incendie meurtrier survenu à Conakry dans la nuit du dimanche 17 à lundi 18 décembre cette semaine, les dons ne font que affluer aussi. 

Et ces dons risquent de connaître le même sort que les dons reçus au temps d’ebola. 

En outre, Lansana Kouyaté fut le seul premier ministre guinéen ayant fait du collecte des dons l’un de ses projets phares. Car étant premier ministre, il passait son temps dans les avions pour demander des dons au pays du moyen orient et à la Libye de Kadhafi. 

La Guinée est pourtant très riche en ressources naturelles 

Ce pays de l’Afrique de l’ouest, sources de plusieurs cours d’eau, possède une biodiversité exceptionnelle, le tiers des réserves mondiales de bauxite, d’importantes mines d’or et de diamant ainsi que des gisements pétroliers. 

Alors pourquoi un pays immensément riche comme la Guinée verse dans la culture de l’assistanat et de la dépendance économique? 

Comment développer un pays avec des élites ambivalentes qui n’ont de foi qu’en l’argent et attendent, dans la jouissance, l’avis et l’assistance de l’extérieur ?

À l’évidence, les dirigeants guinéens à l’image de beaucoup de dirigeants africains qui brillent par leur mimétisme et tricherie permanente continuent de croire mordicus que la solution aux problèmes africains se trouverait dans les mains des autres pays. 

Et c’est pourquoi après six décennies d’indépendances, on parle de sommet Afrique-Russie, Afrique-Chine, Afrique-Inde, Afrique-France, Afrique-Turquie, Afrique-États-Unis. 

Des sommets où des chefs d’États africains partent tendre la main, comme des éternels enfants assistés, versant ainsi dans l’auto-infantilisation et l’humiliation de plus d’un milliards d’africains. 

Or, Il faut vraiment être aveuglé par l’auto-infantilisation ou l’esclavage mental pour penser que ces États qui pour la plupart sont source de pillage systématique du continent africain depuis plusieurs siècles et parrain des présidents despotes, dévots peuvent aider les africains à trouver des solutions aux problèmes africains. 

Par ailleurs comment des États surendettés, confrontés à une inflation record, sans ressources, à l’image de la France peuvent trouver des solutions adéquates liées aux questions de financement et de  développement de l’Afrique?

Cette culture d’assistanat et ce syndrome de dépendance économique encouragés depuis six décennies par l’élite dirigeante guinéenne, les institutions de Bretton-Woods, tuent tout simplement le développement de la Guinée. 

Ces dons d’hôpitaux, de mosquées dont ils sont même incapables d’entretenir après détérioration, prouve que L’État a en effet renoncé aux tâches régaliennes simples, comme de protéger, instruire et soigner les guinéens. Donc tout va à vau-l’eau.  La preuve est qu’il y a de plus en plus d’orphelins, d’enfants mendiants dans les rues de Conakry, par centaines. 

L’élite dirigeante guinéenne sans vision, et conviction, croit que la solution aux problèmes de développement socio-économique du pays doit venir d’ailleurs et surtout de l’aide extérieure qui constitue un frein au développement économique du pays. 

Elle se fie au discours enthousiaste des institutions de Bretton-Woods (FMI et Banque mondiale) sur la croissance économique en Guinée. 

Or quand on parle de croissance économique à deux chiffres en Guinée , qu’est-ce qui revient aux guinéens ?

Rien ! Il y a un énorme problème de redistribution des ressources. 

Dans l’un des plus grands pays pourvoyeurs de migrants la corruption est endémique, le budget n’est exécuté qu’à 20 % parce que chaque ministre n’accepte de signer un marché que si un pourcentage tombe dans sa poche. Résultat, rien ne se crée, ne se réalise, tout reste à faire.

On ne peut pas développer la Guinée dans ces conditions 

Ceci dit, on ne peut pas développer la Guinée en restant  fidèles aux idéologies dont les fondements sont le paternalisme, l’infantilisation et l’impérialisme.

Des idéologies selon lesquelles, l’homme africain incapable de tout faire, doit continuer d’être l’éternel enfant assisté qui ne veut donc pas grandir. 

On ne peut pas non plus développer la Guinée en versant dans des contradictions et dans une politique de l’autruche et de l’auto-infantilisation qui font des ravages sur le continent africain.

C’est une attitude plus que ambiguës.  Car les dirigeants guinéens savent se montrer virulents envers l’Occident, mais sans doute pour amuser la galerie, tout en singeant, dans leurs faits et gestes, cette partie du monde dont ils attendent pourtant leur salut.

Et d’ailleurs, elle ne brandit la carte de souveraineté que  lorsque l’occident pose la question taboue de la responsabilité du gouvernement guinéen dans les malheurs du pays tels que les assassinats d’enfants adolescents, les injustices. 

Or les dirigeants préfèrent eux-mêmes sombrer dans l’auto-infantilisation.

Le colonel Doumbouya qui voulait devenir le Rawlings guinéen 

Mais ne peut pas être Jerry Rawlings qui le veut. L’homme qui a moralisé la fonction publique ghanéenne a consenti beaucoup d’efforts pour redresser son pays. 

Il m’avait confié dans une interview qu’il m’avait accordé en 2006 en Allemagne avoir opéré comme suit: « Je vois un agent de l’État qui a 15 villas qui coûtent chacune 80 ou 100 millions, il a des 4×4, je le convoque et je lui donne 15 jours pour s’expliquer. S’il ne peut pas, je le fais fusiller ». Il en a tué beaucoup comme ça, à commencer par des personnes de son entourage me dira t-il. 

Et ses méthodes ont mis le pays sur les rails.

La corruption n’a certes pas été complètement éradiquée au Ghana, mais elle a énormément reflué. 

À son départ de la tête de l’État, le Ghana avait réussi à payer toutes ses dettes. Il a fallu le retour d’un président néolibérale à la tête de l’État ghanéen Nana Akufo Addo pour surendetter encore le Ghana. 

Mais Mamady Doumbouya étant lui-même devenu le premier pilleur des caisses de l’État ne peut en aucun cas être le Rawlings guinéen. 

S’il était vraiment déterminé à moraliser la fonction publique, il n’allait peut-être pas faire usage des méthodes de Rawlings. 

Mais il aurait pu donc agir comme au Botswana en utilisant la force de conviction en misant sur l’éducation, l’agriculture et une alternance apaisée. 

L’éducation demeure l’un des principes de base pour instaurer une démocratie.

Et l’agriculture est la priorité des priorités pour favoriser le développement du pays. 

En effet, on  peut soutenir son propre développement sans être assisté, sans sombrer dans le dirigisme, l’élitisme, la bureaucratie

Pour cela, il faudra changer les mentalités et ce ne sera pas une mince affaire. 

La déviation du Colonel Doumbouya le prouve. 

Il ne pouvait pas scier la branche sur laquelle il est assis. Pas du tout !

Alors les drames de ce pays, tels que l’immigration mortelle, sous-développement anachronique, sous-emploi, injustice vont malheureusement perdurer. 

Or développer la Guinée, rompre avec la culture de l’assistanat, le syndrome de la dépendance économique avec les dettes extérieures inutiles, ne relèvent pas d’un miracle. 

Le pays a tous les atouts en son sein pour sortir de ce cul de sac habituel où aucun espoir n’est permis. 

N’est ce pas il n’y a pas longtemps, la Chine, la Malaisie, l’Inde ou encore le Brésil étaient au même niveau de développement économique que certains pays africains ?

Or aujourd’hui, grâce à un travail remarquable de leurs élites, ils font partie des grandes puissances économiques de ce monde. 

Pour ce faire l’élite guinéenne doit arrêter de rendre les autres responsables de ses turpitudes, de ses ambivalences, de son auto-infantilisation et irrationalité. 

Et savoir surtout qu’aucun développement, aucune dignité n’est possible sur fond d’assistanat, de mendicité éhontée. 

Comme le disait l’ancien président malien Amadou Toumani Touré « la main qui reçoit est toujours en dessous de celle qui donne. La principale ressource en Afrique n’est pas dans le sous-sol, elle est sur son sol, ce sont ses hommes et ses femmes qui méritent bien mieux que le discours ambiant sur le « toujours plus d’aide » et qui méritent surtout bien plus de considération et d’attention de la part de leurs propres dirigeants». 

Pour l’heure la seule chose que le peuple de Guinée mérite aux yeux de ses dirigeants: C’est la souffrance. 

Aïssatou Chérif Baldé 

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