GUINÉE/Un pouvoir militaire source du blocage de la consolidation démocratique

Pendant qu’au Liberia, on a assisté ce week-end à une énième alternance politique pacifique qui conduit Georges Weah à concéder sa défaite face à l’opposant Bokai. 

En Guinée, pays voisin du Libéria dirigé par une junte militaire depuis deux ans, la démocratie stagne et manque de substance. Elle est bloquée par une armée sans repère et discipline. 

Georges Weah sort par la grande porte de l’histoire 

On se demande pourquoi l’alternance politique devenue possible au Liberia voisin pourtant ravagé de par le passé par une guerre civile sans précédent, est toujours rendue lettre morte en Guinée. 

Le Liberia à travers son président sortant Georges Weah vient de marquer un grand pas vers la consolidation de la démocratie libérienne . 

Et le désormais ancien président Georges Weah qui a concédé sa défaite s’est exprimé en ces termes à la radio publique:  « Ce soir, le CDC (Coalition pour le changement démocratique), a perdu l’élection, mais le Liberia a gagné. C’est le temps de l’élégance dans la défaite. Les résultats annoncés ce soir, bien que non finaux, indiquent que Joseph Bokai a une avance que nous ne pouvons rattraper. J’ai parlé au président élu Joseph Boakai pour le féliciter pour sa victoire.»

George Weah, ancienne star du football ayant remporté le Ballon d’or en 1995, élu Président de la République du Libéria en 2017 n’a pas voulu céder à la tentation des putschs constitutionnels. 

Des putschs constitutionnels très répandus dans la sous-région ouest-africaine qui consiste à faire sortir la Constitution de sa finalité fondatrice qui est d’être un instrument de régulation au service des populations. 

Une pratique qui vise à instrumentaliser la constitution pour une cause inavouée, celle de vouloir faire prévaloir des intérêts partisans et individuels et pour le seul bénéfice de ses auteurs. 

Georges Weah sort donc par la grande porte de l’histoire de son pays et de la sous-région ouest-africaine. 

En Guinée, c’est le retour à la case de départ 

Mais en Guinée, où l’armée règne en maître absolu, c’est le retour à la case de départ. Un retour vers l’ordre ancien, désordonné. Un ordre fondé non seulement sur l’autoritarisme et l’arbitraire mais aussi et surtout sur les violations des droits et libertés, la corruption, la criminalité financière. 

Nous sommes loin du chemin de la démocratie, de l’Etat de droit et du respect de la vie et de la dignité humaine.

Le chef de la junte militaire Mamady Doumbouya nous offre une transition politique fondée sur le scellement de compromis et de compromissions louches, de règlements de compte, et de la chasse aux sorciers. 

À travers une justice sélective, parcellaire, on se sert de la lutte contre la corruption financière pour se livrer à une sorte de pression et de chantage politique contre les adversaires politiques tels que Cellou Dalein Diallo, Kassory Fofana.

D’où la nécessité pour l’actuel ministre de la justice Charles Wright en perte de repère de raviver l’affaire Air-Guinée qui touche l’opposant guinéen Cellou Dalein Diallo. 

Et à bien analyser cette poursuite, elle est parcellaire et sélective. Elle va agrandir davantage la fracture sociale. 

Car aujourd’hui, seul Cellou Dalein Diallo parmi les anciens premiers ministres de Lansana Conté sont mis en cause dans cette affaire d’enrichissement illicite, ce qui semble minime par rapport à l’ampleur de ce qui avait été annoncé aux Guinéens.

L’ancien légionnaire français mise sur la surdité politique 

La Guinée prétendument « libérée » le 05 septembre 2021 est « dirigée » par un homme mystérieux, avide du pouvoir qui ne soucie pas de l’avenir des guinéens et de leur bien être. Dépourvu désormais de l’onction populaire et de toute légitimité, il ne se voit pas obligé de sortir de son palais présidentiel pour rassurer la population. Il n’a aucun compte à rendre au peuple de Guinée et préfère surfer sur la surdité politique et sociale avec une arrogance démesurée. 

Pourquoi devrait t-il le faire d’ailleurs ? 

C’est un homme en mission qui ne connaît qu’un seul langage. Celui de la force brutale. Et la Guinée doit rester à genou pour que ses parrains soient debout.

C’est un adepte de la démocratie de façade 

La démocratie de façade n’est rien d’autre qu’une  déconfiguration de la démocratie, c’est-à-dire une démocratie dont le pouvoir émane des dirigeants par les dirigeants et pour les dirigeants, et non du peuple à travers des élections libres et démocratiques.

C’est aussi une démocratie sans démocrates.

D’où la facilité pour le chef de la junte militaire Doumbouya de procéder au blocage de la transition politique, puisqu’il a hérité d’un État en lambeau, défaillant dû à une élite guinéenne décérébrée au cerveau importé. 

Et depuis la promulgation de la loi fondamentale de 1990 qui est l’essence même de la démocratie guinéenne, le pays se trouve toujours dans un contexte caractérisé par des maux qui rongent sa démocratie et qui ne favorisent pas la mise sur pied d’un État véritablement de droit et par conséquent la consolidation de sa démocratie. 

Et 65 ans après son indépendance, la société guinéenne est toujours à la recherche de voies et moyens pouvant permettre d’asseoir la démocratie dans le pays, à travers d’institutions républicaines, issues d’élections crédibles et démocratiques et ce, pour la conquête de sa véritable identité aussi bien sur le plan politique que sur le plan économique et social. 

Après 65 ans toujours embarquée dans une espèce de bourbier 

Mais 65 ans après son indépendance, elle est toujours embarquée dans cette espèce de bourbier qui, en fait, est un perpétuel recommencement émaillé de coups de force à répétition.

Car dans ce pays, l’armée, la classe politique et la société civile s’avèrent être des vrais ennemis de la démocratie.

Elles sont depuis 65 ans incapables de surmonter les crises institutionnelles et politiques qu’elles génèrent pour enfin consolider la démocratie guinéenne. 

De par leur attitude antidémocratique, elles contribuent souvent à la recrudescence des coup d’État militaires et civils dans le pays et à un rétrécissement de l’espace civique. 

Et c’est ce qui explique la facilité avec laquelle l’ancien légionnaire français Mamady Doumbouya a pu faire son coup d’État militaire sans contrainte. 

Car le régime d’Alpha Condé n’a pas été en mesure d’établir ou de consolider un système de gouvernance démocratique. 

Mamady Doumbouya étant lui-même issu du système Alpha Condé soutenu aujourd’hui par la mafia françafrique ne peut faire autre chose que de dénaturer les exigences fondatrices de la démocratie. 

Il a prouvé à travers ses nominations et agissements qu’il est aussi sous l’influence du système mafieux et clanique existant depuis 65 ans. Et il est surtout à la solde des puissances néocolonialistes. Ces mains sont loin donc d’être libres.

Nous sommes dans un changement dans la continuité 

Nous sommes gouvernés par des personnes sans compétence et aptitudes interpersonnelles, sans humilité, sans conscience de soi, sans vertu, sans intégrité. 

C’est pourquoi, elles ouvrent des voies à de nouvelles crises sans précédent qui prolongeront le maintien de la junte militaire à la tête de l’État. 

Le fait d’avoir refusé de doter le CNT (Conseil national de la transition) des personnages qui mettent l’intérêt de la nation guinéenne au-dessus des intérêts claniques et fonctionnels est un signe avant-coureurs de cette envie de la junte militaire de se pérenniser au pouvoir. 

Le combat politique étant d’abord clanique, factionnel, ethniciste, mafieux, régionaliste, l’objectif de la junte militaire est de se partager le butin qui est la Guinée à part égale. 

Alors qu’on ne soit pas étonné que cette transition n’aboutisse pas à l’organisation d’élections générales. 

La Guinée a de nouveau renoué avec les démons de 2009. 

Les arrestations arbitraires, les intimidations, les humiliations, les détentions au secret et disparition forcée_Risques de torture et mauvais traitements illustrent cet état de fait. 

Aïssatou Chérif Baldé 

Un commentaire

  1. J’avoue tu as tout retracé ici, c’est exactement ça ma Braves et combattante Aissatou Chérif.
    Tu es très différente de beaucoup de nos compatriotes qui se trouvent en occident.Toi tu es à féliciter, à remercier pour ton engagement inlassable, car le combat que nous sommes entrain de mener est très noble. Sache que nous vaincrons au bout de l’effort. Incha allah !

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