Le coup d’État militaire qui a commencé très tôt le matin du mercredi 26 juillet à Niamey, la capitale nigérienne avec tâtonnement, fut finalement confirmé le soir du même jour par les militaires putschistes.
Mohamed Bazoum, président démocratiquement élu, allié de la France au Sahel est tombé.
Que s’est il passé ?
C’est dans une déclaration lue à la télévision nationale à Niamey que les militaires nigériens ont affirmé mercredi soir avoir renversé le régime du président du Niger Mohamed Bazoum, venu au pouvoir en 2021 à travers les urnes.
Ils affirment dans cette déclaration qu’au nom du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP),
« toutes les institutions issues de la 7e république sont suspendues».
Cette déclaration est lue par le colonel-major Amadou Abdourahamane porte-parole des putischistes entouré de neuf autres militaires et il dit en ces termes « Nous, forces de défense et de sécurité, réunis au sein du CNSP, avons décidé de mettre fin au régime que vous connaissez » à t-il dit, annonçant la fermeture des frontières et l’instauration d’un couvre-feu de 22h00 à 05h00 « jusqu’à nouvel ordre ».
Ils expliquent que ce coup d’Etat militaire « est une suite logique à la dégradation continue de la situation sécuritaire, la mauvaise gouvernance économique et sociale ».
Toutes les institutions de la septième République sont suspendues. (…) Les forces de défense et de sécurité gèrent la situation », a déclaré face caméra le colonel major Amadou Abdramane, porte-parole du CNSP.
Le commandement militaire nigérien apporte son soutien aux putschistes
Si la communauté internationale notamment, la Cédéao, l’Union africaine, l’onu, l’Union européenne et les pays occidentaux tels que la France ou bien les USA ont condamné le putsch militaire au Niger.
Le commandement militaire des Forces armées nigériennes (FAN) » a cependant dans un communiqué signé du chef d’état-major le général Abdou Sidiki Issa « décidé de souscrire à la déclaration des Forces de défense et de sécurité ce jeudi », afin d’éviter une confrontation meurtrière entre les différentes forces ».
Et selon les médias nigériens, plusieurs centaines de personnes ont manifesté jeudi à Niamey et à Dosso, ville située à une centaine de kilomètres de la capitale pour apporter leur soutien aux auteurs du coup d’État militaire de ce mercredi.
Quel est le sort du président Bazoum ?
Selon les informations relayées par son ministre des affaires étrangères, il serait toujours séquestré à la présidence avec sa famille, il était hier « en bonne santé », et « son intégrité physique n’a pas été menacée.
Le désormais ancien dirigeant du Niger Mohamed Bazoum, qui a pu s’entretenir dans la nuit de mercredi à jeudi avec le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken, a publié un message sur Twitter. Il y affirme que les acquis démocratiques « seront sauvegardés ».
Les militaires nigériens accusent la France d’ingérence
Le Niger sous le régime de Bazoum était l’un des derniers alliés des pays occidentaux notamment la France dans une région du Sahel ravagée par la violence djihadiste et dont deux voisins, le Mali et le Burkina Faso, dirigés par des militaires putschistes, ont décidé de tourner le dos à l’ancien pays colonisateur.
Le gouvernement français qui a condamné le coup d’État militaire contre son allié Bazoum a selon la junte militaire nigérienne enfreint la fermeture des frontières en faisant atterrir un avion militaire à l’aéroport de Niamey. Suite à cet incident les militaires ont appelé « une fois pour toute au respect strict des dispositions » qu’ils ont prises.
Il reste à savoir si le gouvernement français va respecter la souveraineté nationale du Niger pour éviter de provoquer une énième crise aux conséquences incalculables.
Pourquoi la recrudescence des coups d’Etat militaires à répétition en Afrique de l’ouest ?
Un coup d’État est toujours une rupture, un recul démocratique, car il remet en cause les fondements de la République tels qu’ils avaient été institués par la volonté du peuple.
Le coup d’état est donc toujours en principe hors norme.
Mais il a été constaté que des coups d’état peuvent être salvateurs dans une certaine mesure:Rawlings, Sankara, même si on ne peut pas faire comme si tout a été parfait avec eux. Et même si le principe demeure que le domicile naturel des militaires s’est avéré être les casernes et la sauvegarde des frontières.
Il faut savoir que dans bien des cas,l’intervention des militaires est la conséquence des dysfonctionnements constatés au niveau de la gouvernance civile.
La récurrence des coups d’état militaire en Afrique de l’ouest pourrait s’expliquer certainement par le fait que ceux qui ont accède au pouvoir par les urnes ont tendance à croire que rien ne pourra plus leur résister.
Alors que leur accession est pour la plupart le résultat d’urnes truquées ou tronquées qui fatalement appellent à diverses formes de resistance (soulèvements populaires,insurrections,coup d’etat).
Cette recrudescence apparaît comme le fruit d’un mécontentement profond et récurrent face à des États africains dysfonctionnels, corrompus, mafieux et incapables, en la tête des préfet-sident soumis aux dictates des pouvoirs occidentaux, incapables de relever la multitude de défis auxquels sont confrontés les pays africains.
Ces présidents africains une fois au pouvoir ne veulent plus être à l’écoute du peuple. Ils veulent devenir de brave petit soldat d’un ordre mondial se vautrant dans la rapine et le crime de masse, vivant de la spoliation des peuples, au nom des droits de l’homme, de la démocratie et du progrès humain, sur fond d’une vision néo-impériale.
Nous avons aussi la problématique des putschs constitutionnels qui favorisent la recrudescence des coups d’Etat militaires à répétition. Car lorsque la Constitution fait l’objet de révisions frequentes’,elle finit par perdre sa sacralite et devient une norme ordinaire qui n’a pas la même transcendance.
Donc les citoyens n’y croient plus parce su »il s’agit en réalité d’une forme de coup d’état constitutionnel;il suffit de jeter un regard dans plusieurs pays africains pour se rendre compte que cette façon d’agir est presque souvent motivée par la volonté de se maintenir de façon indue au pouvoir,même si la tendance nouvelle est de solliciter un habillage referendaire qui constitue un simple paravent pour se couvrir d’une fausse légitimité que les populations ont du mal à admettre. Tel fut d’ailleurs le cas en Guinée.
Que faire pour mettre fin à ces putschs militaires?
Il faut une conscience citoyenne partagée pour pouvoir escompter des résultats plus ou moins positifs.
La CÉDÉAO doit impérativement arrêter d’être en déphasage profond avec le vécu des populations africaines. Il est peut être temps de donner un nouveau à ces différents organes communautaires qui ne semblent pas avoir pris conscience des enjeux contemporains de la démocratie et des exigences citoyennes.
La Cédéao apparaît dans les crises africaines sous le visage du médecin après la mort; elle réagit tardivement alors qu’elle aurait pu ( devrait) le faire en amont. Elle a été majestueusement amorphe lorsque Alpha Condé ,comme d’autres de ses pairs avant lui,modifiait outrancierement a son seul et exclusif profit la Constitution.
Enfin tant que nos dirigeants continueront à se comporter comme des suzerains, il ne faudrait pas être surpris par les coups d’état.
Et tant que ceux qui sont chargés de la transition eux mêmes tombent dans ces travers comme c’est le cas en Guinée, les États africains connaîtront des coups d’états militaires.
Aïssatou Chérif Baldé