Cet article de grande importance a été écrit après la sortie du ministre Mory Condé sur le chronogramme de la transition Guinée. Près de trois mois après sa publication, ce texte a toujours sa valeur car les faits et évènements qui se sont succédés en Guinée et la récente sortie du porte-parole du gouvernement, Ousmane Gaoual Diallo sur twitter n’ont pas dérogé ma vision (et prévision) . J’ai trouvé utile de le ‘’réchauffer’’ pour le publier.
Bonne lecture
Ce vendredi 28 avril 2023, le ministre de l’administration du territoire et de la décentralisation était face aux partis politiques et les organisations de la société civile à l’hôtel Kaloum de Conakry pour présenter les 10 points du chronogramme de la transition politique enclenchée le 05 septembre 2021 en Guinée.
Lors de sa présentation, il a rassuré ses interlocuteurs en ces termes: « le délai de 24 mois, sollicité par le CNRD auprès de la CEDEAO sera respecté ».
Mory Condé a rappelé aussi que « sans Constitution, il n’y aura pas d’élection et sans fichier électoral, il n’y aura pas d’élection ».
Et il a aussi annoncé que la mise en œuvre des dix points du chronogramme de la transition, s’élève à 5 mille 812 milliards 456 millions 180 mille 661 francs guinéens tout en demandant l’assistance financière des Partenaires internationaux et de la sous-région ouest-africaine.
Quel est l’apport financier du gouvernement guinéen?
Le ministre Mory Condé à l’annonce de cette faramineuse somme, n’a pas fait cas de l’apport financier des autorités guinéennes. Il a juste annoncé le coût total de la mise en œuvre des dix points du chronogramme de la transition politique, en sollicitant le soutien des partenaires techniques et financiers.
Si l’on comprend donc le ministre Mory Condé, le gouvernement guinéen ne demande pas un appui en complément à ses ressources propres, mais plutôt un appui financier total, sans budget propre qu’il demande aux partenaires étrangers.
Une situation inadmissible du moment où après six décennies d’indépendances, on ne peut pas continuer à être un État éternellement assisté.
Mieux, le porte-parole du gouvernement de transition M Ousmane Gaoual Diallo avait annoncé dans un passé récent que les caisses de l’État étaient pleines.
Par conséquent, la Guinée doit être en mesure de financer ce chronogramme de la transition devant faciliter le retour à l’ordre constitutionnel.
L’autre question soulevée par la déclaration du ministre de la décentralisation et de l’administration du territoire Mory Condé est de savoir quels sont les critères sur lesquels, il s’est appuyé pour présenter une telle somme exorbitante devant financer ce chronogramme de la transition?
Car le retour à l’ordre constitutionnel en Guinée ne doit en aucun coûter si cher, du moment où l’on ne se trouve pas dans un contexte sécuritaire critique et instable comme c’est le cas au Mali ou au Burkina-Faso.
La Guinée dans le cadre de cette transition n’est pas dans une contrainte sur les choix des investissements à faire, en vue d’assurer durablement la sécurité des populations et l’intégrité territoriale du pays comme c’est le cas au Mali ou au Burkina-Faso.
Un gouvernement de transition sans plan d’action
On voit bien que ce gouvernement de transition n’a aucun plan d’action de la Transition devant être l’instrument central de planification opérationnelle des priorités de la Transition.
Le gouvernement de transition guinéen manque de plan, de programme politique, de stratégie et dirige le pays de façon hasardeuse et superficielle.
Il a refusé, dès sa prise du pouvoir, d’ avoir un plan d’action qui sert de guide à l’action quotidienne du gouvernement.
La junte militaire guinéenne gouverne depuis un certain temps à la surface.
Elle est plutôt résolue à museler toutes les voix dissidentes, discordantes à son régime
Tout en donnant du poids politique à des pseudos activistes, politiciens versatiles sans militants, dont l’objectif est de manipuler les opinions pour servir leurs intérêts politiques, personnels, égoïstes.
Des manœuvres dilatoires pour retarder le retour à l’ordre constitutionnel
Connaissant la lenteur, la lourdeur, l’inefficacité de l’administration guinéenne et le manque de volonté politique des acteurs étatiques, nous constatons que cette déclaration du ministre Mory Condé n’est que du dilatoire, de l’enfumage afin de trouver par après des excuses pour défendre le retard qu’ils vont accuser dans le non-respect du délai imparti de 24 mois par l’organisation sous-régionale ouest africaine Cédéao.
Raison pour laquelle, il n’ont pas prévu la création d’un cadre de concertation composé de partis politiques, de la société civile et du gouvernement pour évaluer la mise en œuvre du chronogramme.
Par ailleurs, du moment où ce gouvernement cantonné depuis plus d’un an sur sa position va-t-en guerre a été incapable de faire aboutir un dialogue politique, social inclusif.
On peut donc s’attendre ici aussi à un très grand décalage dans les activités prévues dans le chronogramme.
Ceci dit, ce chronogramme de la transition politique annoncé hier vendredi 28 Avril 2023 par Mory Condé sera dans ces conditions intenables.
Et cela conduira sans doute au report des activités prévues dans ce chronogramme et au non-respect du retour à l’ordre constitutionnel après les 24 mois voulus par la CEDEAO.
Car il y a assez d’éléments qui prouvent à suffisance aujourd’hui que la junte militaire guinéenne se joue du peuple et de ses partenaires, dans le but de retarder le retour à l’ordre constitutionnel.
Revoir ce qui est faisable et ce qui ne l’est pas
Pourtant, si l’on arrive à se focaliser sur l’essentiel qui est le retour à l’ordre constitutionnel, avec l’élaboration d’une nouvelle constitution, l’assainissement du fichier électoral et la tenue des élections incontournables (présidentielles et législatives), le délai de 24 mois imparti à la Transition sera possible.
Et pour ce faire, on aura pas besoin de tendre la main pour réaliser le chronogramme de la transition politique concentré sur l’essentiel des points cités ci-haut.
Enfin, s’il y a un consensus, tout est possible.
Mais s’il y a des décisions qui sont prises sans prendre en compte certains partenaires importants dans le processus de transition politique actuel, cela pourrait conduire à un blocage et retarder le retour à l’ordre constitutionnel.
On aboutira sans doute à un glissement dans le chronogramme qui pourrait aboutir à une énième crise.
Peut-être c’est cela aussi l’objectif de la junte militaire, sinon il n’existe aucun élément dans ce chronogramme qui peut justifier les milliards de Mory Condé et qui nécessite un financement total des partenaires internationaux.
Mais avant d’en être là, il suffit juste d’avoir de la volonté politique, pour revoir ce qui est faisable et ce qui ne l’est pas et les abandonner afin que la Guinée retrouve le chemin de la stabilité politique et sociale.
Aissatou Cherif Balde