Alors rendons hommage à l’ancien président du Ghana Jerry Rawlings, auteur de coups d’États militaires salvateurs.
Car L’ancien président ghanéen, Jerry Rawlings, arrivé au pouvoir à la faveur de deux coups d’Etat militaires avant d’instaurer dans son pays un régime démocratique est une espèce rare parmi les militaires africains.
Si le Burkina Faso a eu la chance d’avoir un Thomas Sankara, il n’est aujourd’hui tout de même pas évident que le jeune militaire Traoré venu au pouvoir à travers un coup d’Etat militaire suive les pas du Ché Guevara africain Thomas Sankara.
Quant au putschiste guinéen Mamadi Doumbouya, plus proche de l’ancien colonisateur, donc adepte de l’idéologie néo-impériale française d’un système politique dont il n’a pas la maîtrise est très loin d’être un Jerry Rawlings ou un Thomas Sankara.
L’homme du 05 septembre 2021 aux multiples facettes ne peut en aucun cas porter le costume de Rawlings ou de Sankara.
Une raison de plus de rendre hommage à cet homme politique spécial du nom de Jerry Rawlings aux multiples coups d’états militaires salvateurs au Ghana.
Rappel historique
Jerry Rawlings, alors lieutenant de l’armée de l’air, a renversé en 1979 le général Frederick Akuffo pour prendre le pouvoir qu’il a ensuite remis à un gouvernement civil avant de lancer un nouveau coup d’Etat deux plus tard, estimant ce gouvernement corrompu et en manque de leadership.
De 1981 à 1993, Jerry Rawlings a dirigé un gouvernement composé de militaires et de civils. En 1992, il est élu président de la République à la faveur d’une nouvelle constitution et prend ses fonctions l’année suivante pour deux mandats avant de céder le pouvoir à John Kufuor en 200.
C’est cet homme qui à travers ses coups d’état militaires a transformé le Ghana, lui a donné sa dignité, son honneur.
Il a su à travers son courage, son abnégation, sa sincérité mettre fin à un triste épilogue d’une crise politique, morale qui avait embrasé le pays de Kwame Nkrumah , l’un des pères fondateurs du panafricanisme par excellence.
Jerry Rawlings meurt le 12 novembre 2020 à l’âge de 73 ans. Il avait dirigé ce pays anglophone d’Afrique de l’Ouest pendant 20 ans, d’abord comme chef d’un régime militaire puis président élu.
Ce genre de putschiste n’existe plus sur le continent
Pour commencer un coup d’État est toujours une rupture, un recul démocratique, car il remet en cause les fondements de la République tels qu’ils avaient été institués par la volonté du peuple.
Le coup d’état est donc toujours en principe hors norme.
Mais il a été constaté que des coups d’État peuvent être salvateurs dans une certaine mesure: comme ce fut le cas avec Rawlings au Ghana, ou Sankara au Burkina-Faso. Et même si on ne peut pas faire comme si tout a été parfait avec eux. Mieux, même si le principe demeure que le domicile naturel des militaires s’est avéré être les casernes et la sauvegarde des frontières.
Mais aujourd’hui sur le continent africain, surtout dans la sous-région ouest-africaine, les coups d’États militaires salvateurs se font rares.
On assiste plutôt à une prolifération de coups d’états militaires transformés en des tas de coups ou encore des coups d’états constitutionnels perpétrés par des présidents rôtisseurs, dévots, tripatouilleurs de constitution qui veulent empêcher l’autodétermination des peuples africains.
Et l’on constate à l’image du coup d’État militaire du 05 septembre 2021 en Guinée que les ingérences militaires salutaires ne sont que des calmants aux maux des États africains.
Car dans presque tous les cas « les messies en treillis finissent plus corrompus que les démons de civils qu’ils étaient venus exorciser ».
Le recyclage d’anciens cadres corrompus du régime déchu en Guinée sur fond de népotisme et calculs ethnicistes ou encore le recours à l’ethnisme politique dans le choix des agents de l’État démontrent qu’ils sont possédés par les mêmes démons de l’ancien président Alpha Condé.
Telle une porte tournante, chacune des interventions des militaires sur la scène politique en Guinée, à quelques exceptions près, produit des résultats semblables à la situation qu’elles sont censées solutionner et conduit généralement à des dénouements pareils.
Les militaires au pouvoir en Guinée ont visiblement adopter la même méthode que l’ancien régime du despote guinéen dans la gestion de la crise actuelle.. Et c’est ce qui fait que le dialogue inter-guinéen par exemple échoue et n’aboutit à rien du tout.
En effet, les militaires guinéens ont aussi opté pour la surdité politique et sociale.
Ceci dit, on voit bien que le fait d’être putschiste et tenir un discours dans lequel on fait référence à Rawlings ne peut pas emmener un militaire de surcroît ancien légionnaire français à porter le costume d’un grand homme comme Rawlings.
Les coups d’états militaires non salvateurs
Les coups d’États militaires, sans légitimité transformés en des tas de coups où toute transition politique devient de facto du trompe l’œil ne peuvent guère être l’issue favorable aux crises polymorphes que connaissent les États africains comme l’illustre le cas de la Guinée.
Ce pays où l’ordre des choses est inversé ou tout imposteur fumiste et fourbe peut être éligible et présidentiable.
Et les hommes en treillis pris à l’épreuve de l’exercice du pouvoir le prouvent.
Car, bien que d’autres militaires soient glorifiés pour leur discipline et leurs prises de décisions rapides, les militaires guinéens n’ont que peu d’expérience en matière de création d’emplois, de politique macroéconomique, de santé publique, de relation extérieure et diplomatie et des nombreux autres défis complexes qui relèvent de la gouvernance.
Pire, ils ont fait le choix de s’entourer majoritairement que des civils qui souffrent d’une déficience intellectuelle et morale. Des adeptes du béni-oui-ouisme qui s’empressent toujours à approuver leurs initiatives bonnes ou mauvaises pour le peuple. Personne n’a le droit de dire OUI ou NON, d’aimer ou non une initiative de la junte.
Et ces civils profiteurs d’occasions font avec puisque l’objectif c’est de se partager le gâteau qu’implique la participation au pouvoir.
Ces manquements observés des militaires ajoutée aux tentatives des putschistes de s’accrocher au pouvoir justifient l’idée qu’« il est plus facile à l’armée d’entrer que de sortir.
Au regard des réalités politiques guinéennes teintées de démagogie boueuse, d’insincérité pesante, de kakistocratie, d’oppositions stériles et de blocages politiques inutiles , tout semble indiquer que le fléau du coup d’État a de fortes chances de sévir encore pour longtemps en Guinée.
Et d’ici là il faut reconnaître n’est pas Jerry Rawlings qui le veut.
Aïssatou Chérif Baldé