Les auteurs du coup d’État militaire survenu le 05 septembre 2021 en Guinée se sont très tôt éloignés du premier discours du président de transition Mamady Doumbouya.
Et le coup d’État militaire étant en principe une situation hors norme se transforme lentement mais sûrement en un cauchemar pour le peuple de Guinée.
Car le coup d’État militaire perpétré contre l’ancien président Alpha Condé est tout sauf salvateur.
Les putschistes en tête Mamady Doumbouya ont élevé en bientôt deux ans un vide bourratif, à travers des décisions et mesures politiques clivantes.
Bourratif, car ils ont enfourné dans les oreilles du peuple les mesures vides, telles que le non recyclage des figures de proue de l’enterrement de l’alternance démocratique, zéro tolérance face à la corruption, à l’impunité.
Et les mesures actuelles prises par les putschistes sont sans substances, puisque l’on ne peut pas par exemple prétendre lutter contre la corruption organisée sans faire preuve d’exemplarité.
Ils sont aujourd’hui avec les anciens cadres du RPG-arc-en-ciel, de L’UFDG, de la société civile qui n’ont pas trouvé l’offre du pouvoir déchu ou de leurs familles politiques à leur endroit séduisant. Et ils ont quitté le navire coulant pour se jouer du peuple avec des démissions ou des départs involontaires digne d’une scène de théâtre.
Les signes avant-coureurs sur fond de confiscation du pouvoir
L’un des signes avant-coureurs qui indiquent l’envie de confiscation du pouvoir par la junte militaire guinéenne est le fait qu’elle est beaucoup plus préoccupée à trouver des sujets de distractions pour occuper le peuple, que de s’atteler sur l’essentiel qui est le retour rapide à l’ordre constitutionnel.
Et c’est pourquoi, les putschistes ont de façon absurde transformé le procès du 28 septembre 2009 en un sujet de distraction qui divise et oppose plus que jamais les Guinéens.
En effet, sa stratégie de la diversion transportée sur le procès du 28 septembre est simple. Elle consiste à détourner l’attention du public guinéen des problèmes importants tels que le retour à l’ordre constitutionnel, la cherté de la vie, l’inflation, le manque de politique gouvernementale du gouvernement de transition, le retour des coupures d’électricité, la continuité de la corruption organisée, création de chantiers futiles partout dans la région de Conakry, l’arnaque organisée autour de la confection des passeports dans les ambassades guinéennes où même les rendez-vous pour la confection des passeports est achetable etc…
D’autres signes avant-coureurs sont faciles à détecter grâce à la longue expérience des guinéens avec la dictature.
Ces signes avant-coureurs se manifestent aujourd’hui par l’accaparement de tous les pouvoirs par le président de la république Mamady Doumbouya, depuis le 05 septembre 2021, les violences policières et tueries enregistrées lors des manifestations de l’opposition politique guinéenne de juillet 2022 et récemment du 16 février 2023.
On peut citer aussi la restriction des libertés individuelles, l’interdiction faite aux opposants politiques de quitter la Guinée ou d’y retourner, l’arrestation et le kidnapping des opposants politiques.
Le fait que la junte militaire guinéenne continue de faire de l’ethnicité, de la cooptation, du népotisme, du clientélisme, de la médiocrité intellectuelle, les critères de sélection des agents de l’État met aussi à nu l’envie démesurée du CNRD de confisquer le pouvoir.
Un coup d’État militaire non salvateur
Ainsi à travers les attitudes unilatérales, despotiques de la junte militaire guinéenne dans la gestion des affaires de l’État, sa comparaison inintelligible de la situation du pays à celle du Mali et du Burkina-Faso, le message envoyé au peuple de Guinée est clair.
Le putsch militaire du 05 septembre 2021 ne peut donc être qualifié de salvateur.
Et ce coup d’État militaire n’avait jamais eu pour objectif d’assainir, de restaurer l’État de droit et la démocratie, de consolider l’unité nationale bref de recoller les morceaux du verre cassé par le régime d’Alpha Condé.
À défaut, on n’allait pas assassiner les deux adolescents lors de la manifestation de l’opposition guinéenne le 16 février 2023.
Ceci dit, la lutte anti-corruption n’est juste qu’une sorte de règlement de compte, pour éliminer ceux qui peuvent empêcher la confiscation du pouvoir.
Il n’a donc jamais été question de faire que la moralisation de la vie politique porte impérativement sur: la déontologie de la vie politique,la prévention des conflits d’intérêts (déclarations d’intérêts),le contrôle des déclarations de patrimoine des principaux responsables publics, l’inéligibilité des élus ou cadres condamnés pour fraude fiscale ou pour corruption et l’indépendance de la justice et des magistrats.
Le discours de Mamady Doumbouya tenu le 05 septembre 2021 est une répétition bis un refrain bien connu.
Car tous les putschistes commencent toujours à justifier leurs actions par les souffrances du peuple, par l’injustice,la gabegie,l’impunité ,la violation de la Constitution.
Sinon Mamady Doumbouya et ses agents de l’État allaient tous sans exception procéder à la déclaration de leurs biens.
Le chef des putschistes guinéens, allait surtout comprendre qu’une junte militaire qui puise sa légitimité de l’onction populaire qui n’est plus totalement acquise aujourd’hui, doit forcément se méfier d’adopter des attitudes qui ne prennent en compte qu’un seul côté, qu’une seule position, qu’un seul point de vue.
Et les putschistes regroupés au sein du CNRD allaient comprendre que la nécessité de créer un cadre de dialogue franc, réaliste, sage pour privilégier le consensus politique dans une situation hors norme est inévitable pour la réussite de toute transition politique.
Puisque le consensus politique reste dans un processus de démocratisation, l’instrument le mieux adapté pour éviter des crises et trouver des solutions à celles existantes.
L’envie de confiscation du pouvoir de plus en plus grandissante
Mais Mamady Doumbouya n’a nullement envie de quitter le pouvoir après ses 36 mois illégitimes passés à la tête de l’État guinéen.
Il faut donc jouer sur la surdité politique et sociale en transformant le coup d’État militaire en une sorte de pouvoir autoritaire accepté.
Dans ce contexte, il poursuit et impose sa politique arbitraire par l’interdiction des réunions, des manifestations, le sabotage des activités partisanes et associatives, les brimades, les tueries des adolescents innocents et les humiliations au quotidien des activistes, le quadrillage policier de la vie publique.
Pourtant, si ces signes avant-coureurs de la confiscation du pouvoir sont une réalité.
Mais il faut retenir qu’ils cohabitent sans doute avec d’autres signes avant-coureurs qui peuvent pousser à la déflagration politique et sociale qui ne laisseront guère subsister de doute quant au dérèglement de la mécanique autoritaire, bien huilée mais qu’on croit à tort résistante à toute épreuve.
Et c’est fût l’une des causes de la chute du pouvoir de M Alpha Condé.
Aïssatou Chérif Baldé