Guinée:pourquoi organiser une manifestation, lorsque cet appel pour des raisons ethnicistes ne sera suivi que de façon partielle?

Le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), dissout par la junte militaire guinéenne, a annoncé dans une déclaration publiée en début de semaine qu’elle organisera une manifestation dans le Grand Conakry. Celle-ci est prévue le 16 février 2023. 

Suite à cette annonce, il y’a lieu de se poser la question de savoir pourquoi organiser des manifestations, lorsque cet appel ne sera suivi que par les habitants de la commune urbaine de Conakry-Ratoma, conduisant sans doute à des nouveaux assassinats ciblés des enfants de cette zone? 

Et pourtant nous savons qu’en politique ou dans la vie sociale,  « une manifestation est une action collective, un rassemblement organisé dans un lieu public ou un défilé sur la voie publique, ayant pour objectif de rendre public le mécontentement ou les revendications d’un groupe, d’un parti, d’un collectif, d’une ou plusieurs organisations syndicales, etc».

Nous sommes informés aussi que la manifestation peut avoir un caractère symbolique ou de soutien à une cause. Elle est donc l’un des éléments de l’expression démocratique.

Ceci dit, le droit de manifester est un droit fondamental. Il a non seulement un caractère d’inviolabilité universaliste dans un pays prétendument démocratique. 

Toutes les constitutions guinéennes de 1990 jusqu’au putsch militaire du 05 septembre 2021 l’ont reconnu et même s’ils n’ont pas voulu garantir le caractère d’inviolabilité du droit de manifester et que l’on ne devrait en temps réel pas mourir dans l’exercice de son droit. 

Car un État même prétendument démocratique ne doit pas encourager l’impunité, ou enraciner la violence d’État.

On sait aussi et surtout que les revendications du Front national pour la défense de la constitution (FNDC) à savoir la libération des prisonniers politiques injustement incarcérés, le retour à l’ordre constitutionnel sont légitimes et défendables. 

Mais nous savons aussi qu’en Guinée, les manifestations ont depuis l’arrivée de M Alpha Condé au pouvoir en 2010 cessé d’être collectives et solidaires. Elles ont, grâce aux multiples manipulations du faux opposant historique, été placées sous un angle ethnique. 

Elles se sont toujours soldées par des violences, des viols, des assassinats d’ enfants d’une seule commune, d’une seule communauté dans le Grand Conakry, tout comme à l’intérieur du pays. Les assassinats ciblés sur l’axe et ceux de Womé ou Zogota dans le sud du pays en font foi. 

Déjà en juillet 2022, les manifestations organisées par la coalition des partis politiques et le FNDC ont conduit à plusieurs assassinats et pourtant jusqu’à présent les responsables de ces tueries n’ont pas été identifiés par le sulfureux ministre de la justice guinéenne Charles Wright. 

Que faut-il faire pour changer cette situation? 

Pour mettre fin à cette situation face à une junte militaire incapable de respecter les droits fondamentaux, essentiels à la vie humaine, tels que le droit d’exprimer son mécontentement face à une situation étouffante sans risque de perdre sa vie ou de finir en prison. 

Il serait d’une impérieuse nécessité de faire recours à une nouvelle forme de contestation, pour étouffer le discours de défiance d’une grande partie de la jeunesse guinéenne tel que “ils sont tous pareils”. 

Donc une nouvelle forme d’opposition, émergeant de la rue s’impose face à la junte militaire guinéenne soutenue par les puissances néocolonialistes. 

Celle-ci doit rompre avec les codes classiques de l’espace politique guinéen actuel et avec la société civile guinéenne, en apportant vigueur et fraîcheur. 

Car la méthode actuelle des partis politiques et la société civile guinéenne regroupés au sein du FNDC est insuffisante et pas du tout payante. 

Les Guinéens ont besoin d’un mouvement citoyen transversal qui allie action politique réelle à un positionnement citoyen.

L’efficacité de tel mouvement à l’image de “Y’en à marre” au Sénégal, ou encore “Balai Citoyen” au Burkina est avérée. 

Au Sénégal, lors de la mobilisation du 23. Juin 2011, “Y’en à marre” est parvenu malgré la répression policière et la vigilance des services de renseignement, a créé un mouvement massif. Celui- ci est parvenu à stopper la modification de la constitution au parlement, qui aurait permis la réélection d’Abdoulaye Wade et assurer le passage du pouvoir à son fils après son départ à la présidence. 

Et face à Macky Sall qui veut aussi tenter de tripatouiller la constitution pour s’offrir un mandat de plus, l’opposant politique Sonko et alliés s’inspirent de ce mouvement pour l’en empêcher. 

Le mouvement “M5” ou “Yerewolo” du Mali sont aussi un exemple illustratif de l’efficacité d’un tel mouvement. 

Cette efficacité est rendue possible parce que ces mouvements citoyens sont systématiquement organisés, hors des partis politiques et les syndicats. Ils n’ont pratiquement ni leaders avec ambition politiques, ni programme, ni stratégie de prise de pouvoir, les décisions sont prises à l’unanimité non à la majorité, il n’y a pas d’élections de représentants. La démocratie qu’il réclame se trouve donc au cœur de leur fonctionnement quotidien.

Et c’est qu’il faut à la Guinée pour éviter que ce peuple continue d’être dirigé par une classe politique qui n’est pas crédible, et qui ne brille que par sa vacuité programmatique, sa similitude avec les pouvoirs qu’elle combatte, son impossibilité à drainer l’espoir, comme c’est le cas des anciens membres du bureau politique national de L’UFDG tels que Ousmane Gaoual Diallo, Souleymane Thiaguel pour ne citer que ceux-là. 

Ceux-ci ont démontré à travers leurs attitudes peu orthodoxe que la révolte ne sert qu’à appauvrir le guinéen mentalement moralement, spirituellement et matériellement pour être à la merci du politicien guinéen. 

Ces acteurs politiques ou encore les anciens activistes tels que Mandian Sidibé ont prouvé que la révolte ou les manifestations en Guinée signifient tout simplement de la récupération politique, de l’instrumentalisation politique pour des ambitions personnelles. 

Les partis créés ne sont pas engagés dans la compétition politique comme représentant d’intérêts sociaux, mais comme porteurs « d’ambitions personnelles ou de coalitions d’intérêts privés plus ou moins sordides » visant à « être associés au partage du gâteau qu’implique la participation au pouvoir ».

Et ça suffit ! 

 « Une seule partie de la jeunesse guinéenne ne peut pas continuer à être l’escalier, la rampe de lancement de carrière politique de certains vendeurs d’illusions, de petits apprentis politiciens parce que leurs vies ne les intéressent pas. Car pour ces politiciens, cette jeunesse, ce peuple ne sont que des moyens qui leur permettent d’arriver à leurs fins.»

Aïssatou Chérif Baldé 

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