Guinée: Une refondation de l’État guinéen sur fond de chimère.

Chronique de la semaine

Le coup d’État militaire du 05 septembre 2021, loin d’être un accident de parcours, a révélé une crise structurelle à la fois morale, politique et économique, dont les racines sont anciennes

La profondeur de cette crise a toujours été masquée par des acteurs étatiques qui n’ont jamais été mûs par des convictions politiques sincères et patriotiques, visant à promouvoir l’intérêt général.

Alors peut-on donc procéder à la refondation de l’État pendant la période de fragilité et de transition politique, lorsqu’on refuse dans le cadre de ces réformes de tenir compte des compétences et la valorisation des expériences antérieures des cadres et agents de l’État, en se basant aussi sur la méritocratie? 

Peut-on en toute honnêteté refonder un État lorsque dans le choix des cadres et des agents de l’État on confond le politique et l’administration, on privilégie la coloration ethnique et politique, on favorise la politisation de l’administration, le népotisme, la corruption organisée et la cooptation ? 

N’est-ce pas dans le cadre de la refondation de l’État guinéen, on devrait commencer par comprendre que pour occuper  des postes hautement administratifs et techniques, les candidats devraient être choisis en fonction de leurs vertus, leurs  talents et  expertises et non en de la coloration politique et ethnique. 

Pourtant en observant le mode de fonctionnement de la junte militaire guinéenne et son gouvernement de transition pendant cette période de transition politique. 

On se rend compte que la junte militaire guinéenne n’a pour l’heure respecté aucun de ces critères. 

La refondation de l’État guinéen sur de nouvelles bases et de nouvelles valeurs fondées sur la bonne gouvernance restent pour l’heure chimérique. 

Refondation de l’État et bonne gouvernance 

En effet, on ne peut pas parler de refondation de l’État qui correspond en un mot à l’action de recommencer, de reconstruire un État sur de nouvelles bases, de nouvelles valeurs sans parler de la bonne gouvernance. 

Car même s’il n’existe pas de définition de la bonne gouvernance reconnue sur le plan international. Ce concept selon les “Nations Unies » couvre à la fois plusieurs thèmes. On peut citer par exemple: « le plein respect des droits de l’homme ; l’état de droit ; la participation effective ; les partenariats multipartites ; le pluralisme politique ; la transparence et l’application du principe de responsabilité dans les procédures et dans les activités des institutions ; l’efficience et l’efficacité du secteur public ; la légitimité ; l’accès à la connaissance, à l’information et à l’éducation ; la disponibilité de moyens d’action politique ; l’équité ; la viabilité ; des attitudes et des valeurs qui favorisent la responsabilité, la solidarité et la tolérance ». 

Ce qui sous entend que le concept de bonne gouvernance est lié aux processus et résultats politiques et institutionnels nécessaires pour atteindre les objectifs de développement.

Comment évaluer ce résultat

Et maintenant pour savoir si un État a atteint de tels objectifs, il suffit d’évaluer ses promesses tenues en matière de droits de l’homme, droits civils, culturels, économiques, politiques, droit à la santé,, à l’éducation et droits sociaux.

Et surtout cherchez à savoir si les institutions de gouvernance garantissent de manière efficace le droit à la santé, à un logement convenable, à une alimentation suffisante, à une éducation de qualité, à une justice équitable et à la sécurité de la personne ?

Des manquements persistants

En évaluation les institutions de gouvernance guinéennes dans l’actuelle phase de transition politique, le constat reste alarmant, le résultat de plus d’une année de gouvernance dubitatif et opaque. 

Car la grande majorité des décrets de l’actuel chef de la junte militaire guinéenne se fait sur fond de coloration politique, ethniciste, népotiste. 

L’objectif n’a jamais été d’engager un véritable processus de refondation. 

Autrement dit, on allait bannir le favoritisme, le népotisme et l’ethnicité, en dépolitisant l’administration guinéenne puisque ces pratiques nuisibles ne favorisent pas la bonne gouvernance. Le plan de carrière, le concours et l’appel à candidature devraient être en cette période de transition politique des symboles républicains de l’équité.

Il fallait impérativement tenir compte des frustrations des militants de l’opposition politique à l’égard des carences de l’Etat et des forces de sécurité qui ne sont que le reflet exacerbé des frustrations ressenties par toute la population guinéenne; c’est à ces frustrations auxquelles il faut répondre.

Les manquements liés à cette refondation de l’État annoncée par la junte militaire guinéenne se manifestent par la violation des droits de l’homme, le torpillage de la transition politique, des dépenses publiques exorbitantes mais aussi une gestion opaque des fonds publics. 

Il faut noter aussi la faible implication de la population dans le processus de réorganisation territoriale et l’inadéquation entre la formation et l’emploi. 

On constate que malgré les slogans populistes et démagogiques des membres du gouvernement de transition, la dépendance de la Guinée à l’égard de l’aide publique au développement est devenue telle que les modalités d’octroi de l’aide font aussi partie des causes de la crise.

Parlant du respect des droits de l’homme le résultat est beaucoup plus catastrophique puisque les arrestations arbitraires des personnes ayant une opinion non favorable à la junte militaire guinéenne se multiplient. 

La plupart des membres du FNDC dissout par la junte sont soient persécutés, mis aux arrêts ou forcés à l’exil. 

Et les opposants politiques ne font pas exception à cette règle. 

La junte militaire guinéenne dirigée par l’ancien légionnaire français Mamady Doumbouya ne lesine aucun effort pour étouffer les voix dissidentes. 

Elle est prête à réduire au silence les voix dissidentes à l’intérieur tout comme à l’extérieur du pays. 

Et pourtant la bonne gouvernance, la refondation de l’État et les droits de l’homme sont complémentaires. Ils demeurèrent liés de façon intrinsèque. 

Mieux une refondation de l’État qui omet la bonne gouvernance ne peut pas faire respecter les droits de l’homme ou les protéger. 

Par conséquent la mise en œuvre de la refondation de l’État exige un cadre incitatif et favorable, notamment des cadres juridiques et des institutions appropriés, ainsi que les processus politiques, administratifs et de gestion nécessaires pour satisfaire aux droits et aux besoins de la population.

Plusieurs volets de propositions

Le premier volet de proposition porte sur la réforme des institutions démocratiques

on ne peut pas parler de refondation de l’État sans rendre les institutions démocratiques performantes, efficaces et capables de permettre au public et aux groupes sociaux multiples de participer à l’élaboration des politiques soit par le biais des institutions formelles ou consultations informelles. 

Si la junte militaire guinéenne l’avait compris les différents dialogues politiques de ces derniers mois n’allait être source de division et d’exclusion. 

Le deuxième volet porte sur les prestations des services publics

Un État qui se veut démocratique doit entreprendre des réformes devant mettre sur pied des dispositifs obligeant les services publics à rendre des comptes, à être transparents, avec des moyens politiques respectueux des cultures, afin de faire en sorte que les services soient accessibles à tous et acceptables par tous, ainsi que des moyens d’amener le public à participer aux prises de décisions.

Ces réformes obligent l’Etat d’assumer la responsabilité qui lui incombe de fournir par exemple des biens collectifs essentiels à la protection d’un certain nombre de droits de l’homme, tels que le droit à l’éducation, à la santé, à l’alimentatio, au développement. 

Là aussi si le gouvernement de transition guinéen l’avait compris, la confection des passeports pour les guinéens de l’étranger n’allait pas continuer à être un calvaire sur fond de corruption. 

Le troisième volet de proposition porte sur l’ État de droit. 

Il s’agit là de respecter les droits de l’homme en réformant la législation et en aidant les institutions, depuis les systèmes pénitentiaires jusqu’aux tribunaux et aux parlements, à appliquer les lois, règlements et règles qui régissent l’Etat de manière juste. 

Or assiste aujourd’hui en Guinée à l’arrestation arbitraire des voix dissidentes à l’intérieur du pays. 

Le quatrième volet porte sur la moralisation des services publics et l’anticorruption. 

Ces réformes doivent reposer sur des principes tels que l’obligation de rendre des comptes, de déclarer les biens, la transparence et la participation pour mettre au point des mesures anticorruptions. 

Pourtant à l’état actuel des choses, la lutte anti-corruption que mène le gouvernement de transition guinéen est sélective et n’est orientée que contre les anciens dignitaires du régime déchu de M Alpha Condé. 

Pour finir la refondation de l’État guinéen proposée par Mamady Doumbouya ne tient pas réellement compte des principes de responsabilité dans les procédures et dans les activités des institutions ; de l’efficience et l’efficacité du secteur public ; la légitimité ; l’accès à la connaissance, à l’information et à l’éducation ; la disponibilité de moyens d’action politique ; l’équité ; la viabilité ; des attitudes et des valeurs qui favorisent la responsabilité, la solidarité et la tolérance. 

Et ce genre de refondation exige des réformateurs des expertises, des compétences, des vertus et valeurs morales, du patriotisme. 

Avec comme objectif mettre en œuvre des dispositifs capables de réformer l’État. 

Des dispositifs qui impliquent la refondation de la gouvernance;la refondation de la nation; la refondation du système de délivrance des services à la population; la refondation de la politique régionale de paix et de sécurité;la refondation des forces de sécurité, la refondation de l’économie; la refondation de l’aide internationale et la refondation du débat public. 

Mais Mamady Doumbouya et son équipe ont préféré prendre le raccourci au risque de passer à côté des choses qui valent le détour.

Alors la refondation de l’État de Mamady Doumbouya restera sans alchimie et donc une chimère, une illusion sans issue. 

Aïssatou Chérif Baldé 

Un commentaire

  1. A oui ma sœur tu as parfaitement raison et du courage pour toujours

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