Guinée: Le gouvernement dit avoir tourné la page du dialogue inter-guinéen.  

C’est en réponse à la proposition de l’actuel président en exercice de la Cédéao Umaro Sissoco Embalo qui veut faire reprendre le dialogue inter-guinéen pour une troisième fois que les deux ténors du gouvernement de transition en l’occurrence Ousmane Gaoual Diallo et colonel Amara Camara sont montés au créneau pour couper l’herbe sous le pied du président Bissau-Guinéen. 

Les deux hommes de confiance du président de transition Mamady Doumbouya ont tenté de clarifier la position de leur gouvernement par rapport aux propositions du président en exercice de la Cédéao Umaro Sissoco portant entre autres sur la délocalisation et l’ouverture  d’un troisième dialogue inter-guinéen, la question de la durée de la transition politique. 

Le colonel Amara Camara, porte-parole et secrétaire général de la présidence et membre influent du CNRD qui était en  conférence de presse ce jeudi 12 janvier 2023, a indiqué qu’aucune volonté extérieure ne viendra fermer le processus en cours.

Selon ce responsable du CNRD « Les 24 mois ont été obtenus dans un compromis dynamique. Certes les chefs d’Etat de la Cédéao ont dit dans leur résolution ‘’à compter d’aujourd’hui (04 décembre, ndlr)’’, mais on ne va pas s’attarder sur des questions de jours. La conférence a eu lieu le 04 décembre alors que la transition guinéenne avait proposé le 1er janvier. C’est un détail de 25 à 26 jours sur lequel on ne peut pas mettre en cause l’avenir ou le devenir d’un pays.  

 « Nous avons voulu partir vers ce compromis. C’est une volonté guinéenne, c’est nous qui avons écrit et présenté à la Cedeao ce que nous voulons. Ce n’est pas un bras de fer qui a été engagé » à t-il fait savoir. 

Il précisera par la suite que  « Le chronogramme tient compte des réalités du pays et de ses spécificités. C’est ce qui a permis de parvenir à ces 24 mois ». 

Ousmane Gaoual Diallo ministre et porte-parole du gouvernement de transition dira  « qu’il n’y a aucune raison que le dialogue se tienne ailleurs, parce qu’il a été bouclé… Qu’est-ce qu’on va dire, que l’accord avec la Cédéao ne tient pas ? 

Je pense qu’il faut se résoudre à aller de l’avant, à travailler pour la mise en œuvre de ce qui est obtenu dans le cadre de dialogue. C’est ce qui est fondamental pour notre pays et c’est sur ça que nous travaillons…», a-t-il martelé au micro d’un journaliste de la place. 

Il reste à savoir si ces deux positions opposées comme le jour et la nuit ne vont pas déclencher une autre défiance entre le président Bissau-Guinéen Général Umaro Sissoco Embalo, actuel président en exercice de la Cédéao et le président de transition guinéen Mamady Doumbouya. 

La junte militaire guinéenne déroule son agenda 

De toute évidence, la junte militaire guinéenne semble avoir un agenda politique qu’il est en train de dérouler avec la bénédiction de l’État français et ses valets au sein de la Cédéao. 

Et comme en Afrique pour pouvoir régner sans inquiétude, il suffit d’être un valet des puissances néocolonialistes tutélaires éternelles dont l’opinion sur ce que nous sommes est plus importante que l’opinion du peuple sur lequel on règne. 

Alors le président de transition guinéen Mamady Doumbouya peut sans problème se passer de l’opinion de M Embalo, lui-même soumis aux diktats de l’Elysée et tout comme les partis politiques guinéens. 

Risque de congédier les grands partis ? 

Le risque que les partis politiques soient congédiés par la junte militaire guinéenne est bien existant. 

En effet nous avons malheureusement des partis politiques qui passent le temps à cultiver des oppositions stériles et de s’être réduits au fil du temps à des machines de pouvoir et d’argent sans réel soubassement idéologique. 

Les partisans, les leaders se sont recroquevillés sur leurs jeux et enjeux propres (qui empêchent la recomposition du paysage politique), et sont aussi devenus synonymes de confiscation du débat public dans le pays. 

Ce jeu politique aussi sinistre et perfide soit il arrange la junte militaire guinéenne dans le déroulement de son agenda politique sans réel soubassement et option programmatique.

Cette situation donne donc assez de marge de manœuvre à la junte militaire guinéenne de pouvoir dans les deux années à venir sans opposition quelconque de congédier les grands partis.

Au final, que reste-t-il aux partis, surtout ceux dépourvus de militants, devenus les caisses de résonance du CNRD ? 

D’abord pour les grands partis politiques rien qu’une vague fonction de mobilisation électorale dont on peut aussi douter de la pertinence tant ils sont devenus une affaire d’argent. 

Pour les partis politiques satellites, avec une faible taux de mobilisation, ils ne misent que sur l’opportunisme politique, la politique du ventre pour exister. 

Mais malgré tout, on ne peut pas laisser la junte militaire guinéenne congédier pour autant les partis. 

Car comme le disait Max Weber, il y a plus d’un siècle, les partis sont les enfants du suffrage universel. Ils concourent à l’expression du suffrage, nous dit la Constitution. 

Mais tant que les partis ne favorisent pas la construction de nouveaux liens avec la société, l’implication des citoyens sur de nouvelles bases plus résiliaires et lutter contre leurs pesanteurs oligarchiques,ethnicistes, clientélistes; le risque qu’on les congédie en tordant le coup au processus de démocratisation en Guinée va exister.

L’enjeu est de construire donc des formes organisationnelles qui puissent repolitiser les milieux populaires et entreprendre la bataille culturelle contre la dévalorisation de nos normes, valeurs et traditions. 

C’est-à-dire réinventer une nouvelle forme partisane en l’adaptant à une société valorisant plus la participation des citoyens, la solidarité, l’unité, le civisme que le clientélisme, l’ethnisme politique sur fond d’entreprenariat politique, de médiocrité et d’idiotie.

Les partis doivent avoir un devoir de réinvention, fondé sur l’action collective, qui est « l’arme des faibles ». 

Aïssatou Chérif Baldé 

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