On a appris cette semaine que le président en exercice de la Cédéao Umaro Sissoco Embalo a débuté à Bissau des concertations pour le lancement d’un dialogue dit inclusif, conformément aux recommandations de l’institution ouest-africaine dont il est depuis un certain temps le président.
Et pendant ce temps à Conakry le gouvernement de transition clôturait un autre dialogue piloté par le chef du gouvernement de transition et aussi conformément aux recommandations de la Cédéao.
Il s’agit depuis la prise du pouvoir des militaires en septembre 2021 du deuxième dialogue dit inclusif sans la participation des grands partis politiques du pays (UFDG, RPG-arc-en-ciel, UFR)
Ceci démontre que le fossé continue de se creuser entre les politiques et le pouvoir.
Ce faisant, les deux dialogues politiques initiés par le gouvernement de transition ne peuvent être qualifiés de tel, puisque une grande majorité des ténors de l’opposition politique guinéenne y ont brillé par leur absence.
L’initiative prise par le président Bissau-Guinéen Général Umaro Sissoco Embalo avec la présence des opposants politiques qui ont boudé les deux dialogues du gouvernement de transition prouve que le ver est dans le fruit. La situation entre les protagonistes se dégrade davantage.
L’acte du président de la transition, pris ce mardi 27 décembre 2022, qui consiste à coordonner le suivi de la mise en œuvre des résolutions du cadre de dialogue inclusif inter-guinéen prouve que les deux camps souffrent d’une surdité politique aiguë. Bref, la tension est vive entre les deux blocs.
On retombe dans le même cul de sac habituel
Le paysage politique apparu en Guinée après le coup d’État militaire du 05 septembre 2021 a apporté à nos concitoyens un regain de confiance et d’espoir.
Mais depuis tout porte à croire que cet état ne présente rien de stable ou de certain, et de vives inquiétudes demeurent.
La décomposition des partis classiques du pays, RPG-arc-en-ciel, UFDG et UFR, et le fait que l’action gouvernementale saute au-dessus des médiations politiques peut être interprété, comme comme une tendance au blocage du processus de démocratisation, et peut-être même à l’acceptation des Guinéens d’un certain autoritarisme.
Car ne plus écouter la société civile et ses organisations, les partis politiques c’est prendre le risque d’instaurer une transition démocratique bloquée.
Et ce blocage est l’une des sources sûres des instabilités politiques en Guinée et par conséquent les coups d’État militaires à répétition.
Le pouvoir priorise la surdité politique
Pour le pouvoir à Conakry, la surdité politique ou sociale a toujours été l’option priorisée dans les conflits sociaux-politiques.
Les médiations sociales, politiques doivent, ou peuvent être ignorées. Ce que disent, pensent, demandent, suggèrent les syndicats, les associations, les ONG, les partis politiques, etc. n’intervient guère dans la prise de décision, et les analyses que proposent les intellectuels et les chercheurs sont sans réelle influence en Guinée.
L’autoritarisme soft du pouvoir
Pour l’instant, l’autoritarisme soft du pouvoir militaire contient les Guinéens dans l’attente de quel résultat ?
Pour une transition démocratique déjà vidée de sa substance?
En tout état de cause, la société civile, les partis politiques vidés presque de leurs substances et de leurs cadres sur fond de la politique du ventre sont actuellement incapables de se faire entendre.
Ils semblent pour l’instant faibles, peu audibles.
Certes, il est vrai que certaines de ces organisations politiques peuvent donner l’image de l’archaïsme, ou d’une rigidité qui risque d’entraîner les acteurs dans des combats sans issue.
Mais tout n’est pas qu’archaïsme et rigidité mal placée, tout n’est pas tendu vers le passé dans le tissu d’acteurs qui constitue la société civile et les partis politiques sur fond d’entrepreneuriat politique.
Ce que doit faire le pouvoir
Le pouvoir à Conakry doit savoir que ce n’est pas en poussant les plus décidés à la radicalité que l’on fait preuve de démocratie.
Ce n’est pas non plus en rejetant dans le non-sens des forces constructives, tournées vers la justice sociale, soucieuses de réformes démocratiques, économiques capables de négocier, d’argumenter, de contribuer à préparer l’avenir bottom up, et pas seulement top down que l’on va construire la Guinée de demain.
Il faut savoir trouver le juste milieu pour éviter qu’on retombe dans le même cul de sac habituel.
Mieux, Il est dangereux de vider le système social, le système de parti politique de toute substance, pour ne laisser finalement d’espace qu’aux extrêmes, aux abrutis, aux imposteurs nuisibles d’occasions, aux serials-menteurs qui ne savent fomenter que l’idiotie.
Sinon le risque de voir à nouveau naître une coagulation des luttes avec l’aggravation des tensions qui existent déjà est énorme.
Les acteurs étatiques doivent dans la situation actuelle pouvoir conjuguer ouverture, modernisation et justice sociale et démocratique.
Alors, il faudrait que le pouvoir de Mamady Doumbouya, président de transition guinéen reconnaisse qu’il n’est pas seul à penser le progrès, et que la démocratie a besoin pour fonctionner de débats, de conflits négociés et, tout simplement, d’acteurs politiques et sociaux de tout bord sans exclusion.
Aissatou Cherif Balde