Le ministre de la Justice et des droits de l’homme Charles Wright a annoncé dans un courrier rendu public cette semaine, des poursuites judiciaires à l’encontre de l’ancien président Alpha Condé ainsi que 187 dignitaires de son régime.
Selon le ministre de la Justice et des droits de l’homme, l’ancien président Alpha Condé et 187 anciens hauts dignitaires de son régime déchu sont soupçonnés des faits présumés de détournement de deniers publics, enrichissement illicite, corruption.
Il a indiqué que « Des indices concordants laissent croire que les montants qui se trouvent sur ces comptes doivent être justifiés par ceux qui en sont les détenteurs. Ces comptes-là de facto seront considérés comme des comptes contenant des fonds détournés»
« Par voie de conséquence, la justice prendra sa responsabilité conformément au code de procédure pénale. L’Agent Judiciaire de l’Etat prendra la responsabilité au nom de l’Etat pour que ces comptes soient reversés au trésor public ».
La Guinée manque de gouvernance vertueuse
Tous ceux qui ont géré ce pays ont refusé de faire de la justice sociale sur fond d’une gouvernance vertueuse, le principe fondamental de la société guinéenne.
Car si tel était le cas, et que la junte militaire guinéenne était différente de ces 187 anciens dignitaires présumés coupables pour faits de corruption, blanchiment d’argent.
Le président de transition Mamady Doumbouya et les membres de son gouvernement allaient faire la déclaration écrite de leur patrimoine familial énumérant leurs biens meubles, y compris actions, parts sociales, obligations, autres valeurs, comptes en banque, leurs biens immeubles y compris terrains non bâtis, forêts, plantations et terres agricoles, minières, et tous autres immeubles, avec indication des titres.
Et par une telle audience solennelle, les membres du gouvernement de transition actuel vont pouvoir témoigner de leur humilité, de leur sincérité et de leur probité au peuple de Guinée.
Mieux, par fini les autres autorités élues après leur départ, allaient suivre leurs bons exemples, puisque Mamady Doumbouya aurait donc posé les jalons d’une gouvernance vertueuse.
Mais la déclaration de leur patrimoine se heurte depuis le 05 septembre 2021 à des résistances de la part du président Doumbouya.
Ces poursuites judiciaires sont impératives.
Nonobstant ce refus, il faut tout de même saluer ces nouvelles poursuites judiciaires contre les anciens dignitaires très voraces du régime déchu en Guinée.
Comme l’a annoncé l’actuel ministre de la Justice guinéenne dans son courrier du 03 novembre adressé aux procureurs de la Républiques en Guinée, il existe des indices concordants qui laissent croire que les montants qui se trouvent sur ces comptes doivent être justifiés par ceux qui en sont les détenteurs.
Ceci sous-entend que les montants trouvés sur les comptes bancaires de ces anciens dignitaires nécessitent clarification.
La grande majorité des Guinéens conscients partage cet avis de M Charles Wright, actuel initiateur de ces poursuites judicieuses.
Et nous voulons tous connaître l’origine de ces fortes sommes d’argent trouvées dans les comptes bancaires de ces anciens dignitaires.
Car nous savons que lorsqu’on se réfère aux salaires originaux des agents de l’État, un ministre ou un haut fonctionnaire de l’État guinéen ne peut gagner de telles sommes colossales sans s’être servi indûment des caisses de l’État et sans avoir eu à faire usage des mécanismes de la criminalité financière et des réseaux mafieux du pays.
Une raison de plus, de faire de la déclaration du patrimoine qui vise à lutter contre la corruption, la criminalité financière, ces fléau qui depuis des années touchent tous les échelons de l’administration guinéenne, avant toute prise de fonction, une impérieuse nécessité.
Autrement dit, si au temps de M Alpha Condé, on avait imposé la déclaration de patrimoine avant et après la prise de fonction des agents de l’État cette situation n’allait pas être nécessaire aujourd’hui.
Mais on a préféré transformer l’État guinéen en une sorte de vache laitière pour des individus égoïstes, égotiques sans foi.
Et faisant ainsi de la Guinée l’un des pays les plus corrompus d’Afrique, et l’une des bases du blanchiment d’argent dans la sous-région ouest-africaine.
Rompre avec les anciennes pratiques malsaines
Or, pour endiguer cette criminalité financière organisée au sein la fonction publique; il est aujourd’hui essentiel de rompre avec les anciennes pratiques malsaines, obscènes qui ont fait de l’État guinéen, un État déficitaire, défaillant.
Et la lutte contre la corruption organisée, le blanchiment d’argent, la criminalité financière doit être perçue comme une question de sécurité nationale.
Car si l’on arrive pas à mettre fin à ces pratiques éhontées et malsaines, elles conduiront sans cesse à la défaillance de l’État guinéen, à l’éclatement conflictuel de la nation, sous entendue par des dynamiques identitaires.
Autrement dit, elles peuvent se nourrir des inégalités sociales dues au manque de partage équitable des richesses entre les enfants du pays, avec un renversement notoire des dynamiques, affectant la configuration sociopolitique et économique du pays.
Cette lutte ne doit pas être un cirque politique
La lutte contre ces maux qui gangrènent la République de Guinée, ne doit pas être une autre stratégie de manipulation, de diversion, de cirque politique.
Ces hommes et femmes, notamment ces dignitaires, à l’image de l’ancienne ministre Zenab Dramé, des cadres comme Malick Sankhon, Moustapha Naite, Baidy Aribo et tant d’autres détenant des biens immobiliers en France, aux États-Unis ou en Guinée doivent expliquer aux Guinéens, l’origine de leurs fortunes.
Faire de la justice sociale l’espoir du peuple
En effet, la Guinée est un pays avec un régime politique gansterisé, sans justice sociale, sans solidarité, égalité et équité.
Aucun de ses régimes politiques n’a voulu faire de la justice sociale, le fondement de la société guinéenne.
Or ce principe politique et moral qui a pour objectif une égalité des droits et une solidarité collective qui permettent une distribution juste et équitable des richesses, qu’elles soient matérielles ou symboliques, entre les différents membres de la société est l’espoir de tout pays qui veut aller de l’avant.
Ils ne l’ont jamais voulu. Car le faire, signifie mettre fin aux inégalités sociales, en particulier sur celles considérées comme injustes et devant être corrigées.
Et cette situation dans un pays immensément riche, mais avec une population paradoxalement très pauvre est injuste et n’est pas acceptable socialement.
Cette lutte doit aboutir
Cette lutte doit donc aboutir M Charles Wright. Elle ne doit pas être une tendance à l’instrumentalisation des institutions démocratiques.
Il faut mettre fin à la reproduction des logiques prédatrices de l’État guinéen depuis 1984.
Car la Guinée a le désavantage, depuis déjà longtemps, de se présenter sous une physionomie de plus en plus inquiétante.
Son contexte est en effet marqué par des déséquilibres aussi bien économiques (hausse des prix, déficit des comptes publics et extérieurs, gabegie , détournements de deniers publics, fermeture en cascade d’entreprises nationales, difficultés d’accès au financement et aux marchés publics pour les PME/PMI, etc.) que sociaux (chômage persistant des jeunes, pauvreté galopante dans les zones périurbaines et rurales, insécurité, situation précaire des femmes et des retraités, grèves cycliques dans le secteur de l’enseignement, faible prise en charge de l’économie populaire et informelle dans les politiques publiques, etc.).
Alors M le ministre Charles Wright, l’aboutissement de ce procès sans démagogie populiste signifierait une avancée significative dans cette lutte contre la corruption organisée, la criminalité financière, l’enrichissement illicite, le blanchiment d’argent.
Et ce sera surtout un très grand pas vers la mise en place d’une gouvernance vertueuse permettant une prise en charge efficace de la lutte contre la précarité, l’impunité, les vulnérabilités et les injustices sociales.
Aïssatou Chérif Baldé