L’État guinéen obnubilé par l’ethnisme politique, demeure son premier garant.

Le procès du 28 septembre 2009 tant souhaité, qui débute avec des discussions entre accusés et avocats teintés d’ethnisme politique d’une part. Et d’autre part cette autre discussion qu’on observe entre les différents groupes qui se sont formés et cristallisés au tour de ce procès, sur fond d’éthnicité subtile, démontre que l’ethnisme politique reste toujours une réalité en Guinée. 

Étant l’œuvre de l’État guinéen, les acteurs étatiques n’ont donc aucun intérêt à  libérer le pays de l’emprise spectrale de ce phénomène qui diabolise et exclut l’autre. 

Ils y tirent gratification, c’est l’ascenseur qui leur permet d’être au plus haut sommet de l’Etat. 

La Guinée est victime donc de son élite ethniciste et clanique qui à cause de la lutte factionnelle pour le contrôle suprême de l’État continue comme jadis les colons à façonner les distinctions ethniques au sein de la société guinéenne.

Tellement que cette élite est obnubilée par les avantages qu’elle obtienne de ce phénomène, elle a oublié qu’une grande partie de la population guinéenne en souffre. 

C’est le cas par exemple des citoyens guinéens de la forêt  qui ont toujours été victimes de l’exclusion, d’idées préconçues, de diabolisation. 

Et c’est pourquoi les crimes de Zogota, de Womé, de Koulé, les fosses communes découvertes après le coup d’État constitutionnel de 2020 n’ont jamais fait l’objet d’une enquête publique sérieuse. 

On préfère se taire, miser sur un faux-semblant. Et faire surtout semblant d’accorder la priorité à l’intérêt de leur ethnie d’appartenance et pourtant c’est irrémédiablement faux.

Le mot « ethnie » qui est entré au dictionnaire français vers 1930 est une pure invention du pouvoir colonial en Afrique pour le contrôle et l’aliénation du colonisé. 

Et pour les occidentaux « Ce mot désigne un ensemble humain rassemblé par une communauté de langue et de culture mais qui, s’il a une existence territoriale, n’a pas d’existence politique, comme dans « peuple », dégradé en « peuplade », ou « nation ». 

Il a servi en fait à désigner les « peuples inférieurs » étudiés par la science occidentale ». 

Cette terminologie a pour ce faire beaucoup en commun avec le racisme puisqu’elle constitue aussi une forme d’exclusion ou une diabolisation de l’autre. 

Pourquoi donc après six décennies d’indépendances, on continue d’user de la diabolisation, de l’exclusion pour en faire même le fondement de L’État guinéen?

Pourtant, l’ethnisme politique n’a eu que des conséquences désastreuses pour l’Afrique.

Transporté au Rwanda au temps colonial, divisant un même peuple avec une même identité, langue et territoire, il s’est transformé en un conflit ayant conduit à l’horreur de 1994.

Mieux, comme le disait Amadou Kourouma pendant la guerre en Côte d’Ivoire, dans le contexte sociopolitique et historique ouest-africain, cette diabolisation ou exclusion sous l’influence des idéologues de la colonisation, disciples de Gobineau, Hegel, Karl Marx, d’un racisme à fondement physique, stature et autres ne doivent pas y trouver de place. 

Nous devons emmener les guinéens à comprendre que le terme «Ethnisme» est le fait de parler une  langue commune, de partager certains usages et des souvenirs historiques. 

Et il ne doit pas être perçu comme une fatalité exorcisée. 

Car de nos différences doivent naître impérativement notre force. 

Sauf que l’actuel président Mamady Doumbouya est loin de le comprendre ainsi.

Son silence assourdissant sur le massacre des 13 civils, guinéens relevant tous d’une seule communauté l’illustre aisément. 

Or il le faut pour non seulement assurer la sécurité, la stabilité, la cohésion sociale, l’unité nationale mais aussi et surtout l’avenir de la Guinée. 

Le renouvellement rapide des générations porteurs de nouveaux questionnements peut susciter des brassages de populations, faits de rencontres et d’alliances. 

Ces nouvelles générations, si elles sont bien encadrées peuvent empêcher que l’appartenance ethnique, souvent complexe, soit réduite à une identité «originelle» simpliste et instrumentalisée par une faction politique à coup de diabolisation, voire d’exclusion. 

Car, on voit que l’ethnocentrisme politique se lit très souvent dans les mentalités et politiques des acteurs étatiques de ce pays et une faction des citoyens qui se croient supérieurs aux autres. 

Le débat politique actuel en Guinée ou encore le débat autour du procès du 28 septembre 2009 dans notre pays en font foi. Et malgré qu’on soit  conscients de la dangerosité de ce phénomène qui peut donner libre cours à des violences interethniques destructrices.

Ce fléau prédominant aujourd’hui dans la société guinéenne semble être alimenté par plusieurs facteurs. 

Premièrement: Le leadership politique à la tête de la Guinée a toujours été lamentable. Le cas du  président Alpha Condé déchu en est un exemple palpable, puisque lui-même était un parrain de l’ethnicité en Guinée.

Deuxièmement: L’un des facteur encourageant ce phénomène est le fait qu’il y ait un sentiment qui s’est installé que pour réussir, que ce soit pour un emploi ou un appel d’offre dans le secteur public ou privé, l’élément déterminant est qui l’on connaît, souvent basé sur l’ethnie ou la région plus que ses propres compétences et potentiels.

Troisièmement: La Guinée à l’image de beaucoup d’autres pays africains semble être devenue une société basée sur le patronage que sur le mérite. 

Ce qui alimente naturellement l’ethnocentrisme politique. 

Les cadres des partis politiques au pouvoir pour l’emploi ces dernières années ont été utilisés à des fins opportunistes, ethnicistes ou de factions. 

Le gouvernement guinéen récemment déchu et tous les autres avant lui n’ont le plus souvent employé pour des positions clés au niveau gouvernemental et dans les grandes entreprises, que des amis et des alliés provenant de leur propre région ou communauté ethnique, plutôt que des personnes selon leurs talents et compétences. 

Et cette fatalité exorcisée depuis 1958 dont les conséquences sont pernicieuses sur la santé de la société guinéenne qui persiste et se pérennise en Guinée n’a permis pourtant qu’à une petite faction de profiter des richesses du pays.  

Ils sont présents encore partout empêchant ainsi tout changement positif pouvant faire émerger la Guinée au profit de la population.

Cependant, il faut alors retenir ceci: aucun gouvernement de ce monde basé sur l’ethnie, la région ou une faction politique ne peut être l’œuvre d’une prospérité durable, inclusive.

Le contrat social liant l’État avec le peuple de Guinée ne doit pas faire que quelques heureux ethniques. 

Et chacun dans la société guinéenne doit être protégé et bénéficiaire de la prospérité de l’État guinéen quelque soit son affiliation ethnique ou politique.

Il est urgent donc de  chercher un moyen d’élimination de cette fatalité exorcisée qui freine depuis 64 ans le développement de la Guinée. 

Solutions possibles 

Pour ce faire, il faut commencer par renforcer les organisations institutionnelles et constitutionnelles en termes d’expertises en vue de promouvoir la bonne gouvernance.

Les médias ont également un rôle important à jouer dans la conscientisation des populations en ce qui concerne le changement de mentalité sur cette question.

Et l’ancien légionnaire français, devenu président des paradoxes qui actionne la machine de répression, va-t-il scier la branche sur laquelle il est assis. 

Pas du tout !

Car c’est l’ethnisme politique qui lui garantit un ascendant sur le long terme. Il est tenu obligé de placer ses poulains au sein de la fonction publique, créant ainsi la dette, enclin à la loyauté ou à la reconnaissance vis -à -vis de lui. 

Aissatou Chérif Baldé. 

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