Contre quoi se révolte-t-on en Guinée ?

La structure du pouvoir? 

Contre le non renouvellement des élites au pouvoir ? 

Contre la même tendance à l’instrumentalisation des institutions démocratiques? 

Contre le refus de l’alternance et la reproduction des logiques prédatrices de l’État guinéen depuis 1958?

Le panorama des vagues de manifestations en Guinée 

Apparemment non, la révolte ne sert qu’à appauvrir le guinéen mentalement moralement, spirituellement et matériellement pour être à la merci du politicien guinéen. 

Les acteurs politiques tels que Ousmane Gaoual Diallo, Souleymane Thiaguel ou encore les anciens activistes tels que Mandian Sidibé ont prouvé que la révolte ou les manifestations en Guinée signifient tout simplement de la récupération politique, de l’instrumentalisation politique pour des ambitions personnelles. 

Les partis créés ne sont pas engagés dans la compétition politique comme représentant d’intérêts sociaux, mais comme porteurs « d’ambitions personnelles ou de coalitions d’intérêts privés plus ou moins sordides » visant à « être associés au partage du gâteau qu’implique la participation au pouvoir ».

Donc ceux qui poussent aussi aujourd’hui les enfants de l’axe dans la rue le font aussi dans le seul but d’être associés au partage du gâteau qu’implique la participation au pouvoir. 

La junte militaire guinéenne l’ayant compris a bien évidemment procédé à la nomination de ces acteurs ou activistes politiques pour faciliter le dévoiement de la démocratie en Guinée. 

Et le jeu perfide continue, car Ousmane Gaoual Diallo, ou Mandian Sidibé et tant d’autres ont étés très vite remplacés. 

Mais ces gamins omnibulés par les manipulations, les illusions, les mensonges des uns et des autres n’arrivent pas à libérer leurs esprits.

L’État continue de les assassiner. 

Ceci dit le phénomène par lequel ces personnes, les personnalités politiques, les partis politiques  s’emparent d’un événement ou d’un débat qui surgit dans l’espace public guinéen n’a pas changé. 

Car l’essentiel pour la plupart de ces pseudos acteurs ou activistes politiques n’est pas de faire de cette zone ou de la Guinée le théâtre de l’effervescence protestataire, saine, efficace et remarquable. 

Mais plutôt en faire le théâtre des manifestations sacrificielles pour se servir des décomptes macabres. Et ceci est le comble du cynisme. 

On s’accroche surtout sur les clivages et cela retarde l’accomplissement de l’objectif principal de l’action politique qui est d’avoir de l’impact sur la vie des citoyens guinéens.

Pire, personne ne s’intéresse en réalité à la souffrance de ces gamins. Ils sont pour beaucoup les sacrifiés de la nation guinéenne. 

Parmi ces organisateurs de ces manifestations soldées d’assassinats de gamins sans justice, qui a depuis 2006 fait des dons d’écoles, de centres de loisirs, de centres de santés, de centres de formation professionnelle modernes dans cette zone ? 

Et qui parmi ces gens à créé un réseau d’encadrement social, de lutte contre le Chômage ou de service de conseil et d’entremise ciblé pour aider ces jeunes victimes de la violence d’état ? 

Finalement, qui s’intéresse à la vie de ces jeunes gamins et  cherchent à comprendre que ces violences dont ils sont victimes pèsent lourdement sur leurs vies?

Certes, on voit que ces gamins ébranlent dès fois les pouvoirs en Guinée, comme c’est fut le cas en 2006-2007, en 2021 . 

Mais les ressources répressives et la résilience des pratiques « néopatrimoniales » bloquent les changements espérés.

La frustration populaire est d’autant plus forte que les conditions de vie des majorités demeurent catastrophiques au sortir pourtant d’une décennie de forte croissance économique et manifestations.

Mieux malgré ces ébranlements des pouvoirs par les jeunes de l’axe qui a conduit en partie au coup d’État militaire du 05 septembre 2021.

On se rend compte que la gestion unilatérale du pouvoir clanique, ethniciste par l’institution présidentielle (…), le confinement du CNT qui joue le rôle de l’assemblée nationale dans son rôle de chambre d’enregistrement de la volonté gouvernementale, la corruption des élites politiques et leur collusion avec les milieux d’affaires, l’impunité assurée par un pouvoir judiciaire de plus en plus instrumentalisé restent plus que jamais intacte

Et cela démontre que ces processus n’ont pas débouché sur un renouvellement des élites au pouvoir. Ils conduisent plus que jamais à une même tendance à l’instrumentalisation des institutions démocratiques, au refus de l’alternance et à la reproduction des logiques prédatrices de l’État guinéen. 

Une nouvelle forme de contestation s’impose en Guinée

Donc  une nouvelle forme d’opposition, émergeant de la rue s’impose face à la classe dirigeante mafieuse en Guinée. 

Celle-ci va rompre avec les codes classiques de l’espace politique guinéen actuel et avec la société civile guinéenne, en apportant vigueur et fraîcheur. 

Car pour stopper le torpillage de la transition démocratique en Guinée, la méthode actuelle des partis politiques et la société civile guinéenne est insuffisante. 

Les guinéens ont besoin d’un mouvement citoyen transversal qui allie action politique réelle à un positionnement citoyen.

L’efficacité de tel mouvement à l’image de “Y’en à marre” au Sénégal, ou encore “Balai Citoyen” au Burkina est avérée. 

Au Sénégal, lors de la mobilisation du 23. Juin 2011, “Y’en à marre” est parvenu malgré la répression policière et la vigilance des services de renseignement, à créé un mouvement massif. 

Celui-ci est parvenu à stopper la modification de la constitution au parlement, qui aurait permis la réélection d’Abdoulaye Wade et assurer le passage du pouvoir à son fils après son départ à la présidence. 

Le mouvement “M5” du Mali est aussi un exemple illustratif de l’efficacité d’un tel mouvement. 

Cette efficacité est rendue possible parce que ces mouvements citoyens sont systématiquement organisés, hors des partis politiques et les syndicats. 

Ils n’ont pratiquement ni leaders avec ambition politiques, ni programmes, ni stratégie de prise de pouvoir, les décisions sont prises à l’unanimité non à la majorité, il n’y a pas d’élections de représentants. 

La démocratie qu’il réclame se trouve donc au cœur de leur fonctionnement quotidien.

Et c’est ce qu’il faut pour que les manifestations deviennent une vague de protestation populaire contre le dévoiement de la « démocratie » en Guinée et non une marche sacrificielle des enfants de l’axe de la démocratie avec des décomptes macabres sans fin. 

Aïssatou Chérif Baldé 

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