Les autorités guinéennes ont interdit à l’opposant Mr Cellou Dalein Diallo de voyager hors de la Guinée alors qu’il devait participer aux obsèques du premier ministre ivoirien Mr Hamed Bakayoko.
Cette interdiction illégale et anticonstitutionnelle a été prise par le gouvernement de Conakry qui veut ainsi sanctionner les opposants guinéens refusant de reconnaître la victoire du président Alpha Condé lors des élections présidentielles du 18 octobre 2020, une situation qui obstrue tout chemin à l’alternance démocratique en Guinée.
Sauf que cette énième interdiction de l’opposant Cellou Dalein est inique, inacceptable, non conforme à la Constitution guinéenne.
Et le ministre de la Sécurité, Albert Damantang Camara ou encore le premier ministre Kassory Fofana ne fournissent aucune explication aux Guinéens le pourquoi de telles dispositions à l’encontre du principal opposant guinéen et son épouse.
Monsieur Cellou Dalein Diallo et bien d’autres personnalités sont frappés par une mesure d’interdiction de sortie du territoire national sans motif valable. Or, un régime autoritaire est aussi dans l’obligation d’expliquer aux victimes de telle privation arbitraire et humiliante les raisons voire leur durée.
Les régimes amis du président Alpha Condé tels que la Russie ou encore la Chine, champions de telles interdictions à l’encontre des opposants à leur régime se donnent quand même la peine de se prêter à cet exercice envers leurs opposants.
Mais en Guinée, ce pays où tout change pour que rien ne change, aujourd’hui dirigé par l’ancien opposant historique devenu une déception programmée, cette mesure est tout simplement pour lui un instrument d’humiliation et d’oppression envers toute voix discordante.
Car, il est ahurissant de faire descendre un citoyen guinéen, de surcroît le principal opposant, de l’avion et de confisquer son passeport sans lui expliquer le mobile. Dans un pays normal, on aurait certainement cherché à remettre à Mr Cellou Dalein Diallo un document faisant état d’une interdiction de quitter le territoire national.
Ce qui est encore plus sidérant dans cette situation c’est le silence coupable de la communauté internationale et de la société civile guinéenne sur les “‘arrestations illégales” et les “privations de liberté arbitraires”. des opposants guinéens.
Pourtant M. Alpha Condé a interdit depuis l’obtention de son mandat de trop les rassemblements politiques afin d’étouffer les activités des partis politiques. Et les arrestations arbitraires des opposants politiques continuent sans répit tandis que l’appareil judiciaire bouge à pas de caméléon et les détenus politiques (plus de 400 dont des mineurs) croupissent dans des conditions inhumaines à la sinistrement célèbre prison de Coronthie.
La Guinée refuse de respecter ses obligations en matière de droits de l’homme et vis-à-vis de ses engagements à l’international.
Pour finir, si pour les adeptes de la pensée unique en Guinée, la résistance à un régime oppressif ne saurait exister que dans des situations traumatiques ou encore seuls les militants doivent s’opposer aux abus d’un pouvoir oppressif au prix de leur vie, mon parcours de chercheuse me conduit à leur dire qu’ils se trompent.
Car être opposant politique d’une part, c’est savoir s’opposer passivement, c’est refuser de supporter sans faiblir, sans être détruit et d’autre part accepter de s’opposer, que ce soit à l’usage de la force, à ce qui menace la liberté, et résister aux sollicitations à tendance corruptible. En termes clairs, en de pareilles circonstances, il est bien d’adopter une opposition passive tout en préservant son indépendance, sa liberté, son intégrité physique ou morale.
C’est cela aussi être en mesure de prendre le dessus sur un adversaire politique, changer un ordre de fait, bouleverser un système de valeurs, battre en brèche un discours hégémonique.
Mr Cellou Dalein Diallo aurait donc pu hier faire face au régime d’oppression guinéen, résister passivement à son interdiction de voyage illégale. Une telle opposition signifierait préserver une forme de dissidence face à un pouvoir jugé illégitime.
Alors refuser de reconnaître cet état de fait, c’est faire preuve d’extrémisme notoire et d’étroitesse d’esprit. Faire le gros dos dans cette situation en invectivant tous ceux qui soutiennent une autre approche dans cette situation, c’est refuser de participer et œuvrer à la construction d’une autre réalité en Guinée, c’est aussi refuser d’accepter les conditions préalables au combat des idées, des valeurs et du langage dans un contexte démocratique qui formatent les esprits.
Cette façon de penser est aussi propre aux contextes oppressifs. Il est donc incompatible au contexte démocratique, puisqu’il menace aussi le débat d’idées qui risque d’être remplacé par une « pensée unique », un système idéologico-culturel largement dominant.
Je refuse d’obéir aux adeptes de pensée unique et j’écrirais jusqu’à vider la dernière cartouche d’encre de mon cerveau .
Aissatou Cherif Balde