GUINÉE: Le Conseil national de la transition ne doit pas être un endroit de scellement de compromis et de compromissions louches.

La Guinée fait face depuis le 05 septembre 2021 à une nouvelle énième phase de transition politique. 

Ceci dit, le pays connaît un nouveau blocage du processus de démocratisation via un coup d’État militaire. 

Ce risque de blocage était prévisible du moment où le régime déchu s’était résolu à offrir aux guinéens une démocratie de façade. 

C’est-à-dire cette déconfiguration de la démocratie, qui se définit comme une démocratie dont le pouvoir émane des dirigeants par les dirigeants et pour les dirigeants, et non du peuple à travers des élections libres et démocratiques.

C’est aussi une  une démocratie sans démocrates.

Depuis la promulgation de la loi fondamentale de 1990 qui est l’essence même de la démocratie guinéenne, le pays se trouve toujours dans un contexte caractérisé par des maux qui rongent sa démocratie et qui ne favorisent pas la mise sur pied d’un État véritablement de droit et par conséquent la consolidation de sa démocratie. 

Et 63 ans après son indépendance, la société guinéenne est toujours à la recherche de voies et moyens pouvant permettre d’asseoir la démocratie dans le pays, à travers d’institutions républicaines, issues d’élections crédibles et démocratiques et ce, pour la conquête de sa véritable identité aussi bien sur le plan politique que sur le plan économique et social. 

Donc 63 ans après son indépendance, elle est toujours embarquée dans cette espèce de bourbier qui, en fait, est un perpétuel recommencement émaillé de coups de force à répétition.

Car dans ce pays, la classe politique et la société civile s’avèrent être des vrais ennemis de la démocratie.

Elles sont depuis 63 ans incapables de surmonter les crises institutionnelles et politiques qu’elles génèrent pour enfin consolider la démocratie guinéenne. 

De par leur attitude antidémocratique, elles ont souvent contribué à la recrudescence des coup d’État militaires et civils dans le pays et à un rétrécissement de l’espace civique. 

D’où l’éviction de l’ancien président Alpha Condé en septembre dernier via un coup d’État militaire. Car son régime n’a pas été en mesure d’établir ou de consolider un système de gouvernance démocratique. 

Face à cette situation, le nouveau conseil national de la transition qui doit jouer le rôle du parlement pendant cette phase de transition politique ne doit pas être un endroit où l’on essaie sur fond d’accord, de compromis, de compromission, de consensus à  dénaturer les exigences fondatrices de la démocratie. 

Car la démocratie originellement c’est le pouvoir ou gouvernement assuré par le peuple.

L’inquiétude à ce niveau s’explique par le fait que pendant ces dix dernières années, la classe politique guinéenne a souvent fait usage des pratiques freinant la démocratie à l’hémicycle.

Elle a facilité par exemple le scellement de compromis et compromissions louches, des contournements des lois de la République, en les substituant à des accords politiques ou à un consensus politique. 

Des agissements qui ont pourtant conduit pendant les deux mandats du président Alpha Condé à une faible crédibilité de la constitution et de la justice constitutionnelle guinéenne. 

L’enjeu est donc de taille. Car la junte militaire a prouvé à travers la nomination de certains personnages à des postes de ministres, qu’elle est aussi sous l’influence du système mafieux et clanique existant depuis 63 ans. Elle n’a pas forcément les mains libres. 

Or, le CNT qui sera doté des prérogatives de l’Assemblée nationale, dissoute dans la foulée de l’éviction du président Alpha Condé, chargé de voter les textes des réformes prévues dans le cadre de la transition; le mode et critères de désignation des députés de la transition ne doivent pas se faire à l’image de la formation du gouvernement de transition. 

Cet organe législatif, donc le dernier maillon du dispositif prévu dans le cadre de la transition à durée inconnue, doit être au cœur d’âpres discussions.

Et ces discussions doivent porter sur l’équilibre entre mouvements politiques et organisations de société civile et surtout quelles personnalités intégrer au sein de cet organe législatif. 

D’où l’impérieuse nécessité de la part des nouvelles autorités de tout mettre en œuvre, pour que la clé de répartition et le mode de désignation des députés de transition ne souffrent d’aucune ambiguïté ou anomalies. 

Les futurs députés doivent être donc impérativement choisis sur fond de patriotisme, de loyauté d’expérience, d’engagement, de probité morale. 

Et tous ceux qui ont de près ou de loin contribué à l’enterrement de l’alternance démocratique en Guinée ne doivent pas y trouver refuge. 

Car la Guinée est une terre très fertile en matière de perversion de la démocratie. 

On y plante un parlement, il y pousse des cadres versatiles et des transhumants politiques. 

Et vouloir donc sur fond de faux calcul politique laisser des personnes sans compétence et aptitudes interpersonnelles, sans humilité, sans conscience de soi, sans vertu, sans intégrité être membres du CNT, c’est ouvrir la voie à une nouvelle crise sans précédent qui prolongera le maintien de la junte militaire à la tête de l’État. 

Si la classe politique guinéenne, la société civile, le gouvernement guinéen acceptent de doter de cet organe des personnages qui ne mettront pas l’intérêt de la nation guinéenne au dessus des intérêts claniques et factionnels. 

On risque d’avoir un CNT à la solde qui votera des projets de lois ou prendra des mesures pouvant être un frein important à la lutte contre l’impunité et aux droits des victimes et surtout à l’enracinement de la démocratie guinéenne. 

Et la réconciliation, l’unité nationale ne doit pas se faire au mépris de la justice, et sans une reconnaissance par l’État de ses responsabilités pour les crimes graves commis dans le cadre de la crise guinéenne.

N’est-ce pas l’État, c’est la continuité ? 

Mieux, il n’est un secret pour personne qu’en Guinée on ne parle de victime que pour mettre la pression sur le camp adverse afin de se partager le butin qui est la Guinée à part égale. 

Le combat politique étant d’abord clanique, factionnel, ethniciste, mafieux, régionaliste. 

Alors le CNT, dernier organe de la transition qui va jouer le rôle d’Assemblée nationale pendant cette période et qui doit aboutir à l’organisation d’élections générales doit impérativement fonctionner comme une Assemblée nationale, sur fond de loyauté envers le peuple guinéen et de transparence conformément aux dispositions de la Constitution de 1990 amendées en 2010. 

À bon entendeur Salut ! 

Aïssatou Chérif Baldé

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