Guinée: Alpha Condé a fait le choix d’être un président rôtisseur et il est débarqué par les fantômes qu’il a formaté. Chronique de Aïssatou Chérif Baldé



Fermeture des frontières guinéennes sur fond de rumeurs de menaces d’une attaque rebelle, discours ethnicistes haineux, oppression, tueries, emprisonnement, corruption, impunité, coup d’état constitutionnel, troisième mandat de trop, telles étaient les couleurs du pouvoir de M Alpha Condé.

Alpha Condé a refusé mordicus de faire don de sa personne à la Guinée pour atténuer la douleur du peuple.

Il a préféré depuis son coup d’État constitutionnel du 22 mars 2020 et sa réélection illégitime du 18 octobre à la tête de l’État guinéen de replonger la Guinée dans ses travers et dans l’instabilité.

Pire, il a refusé de prendre la voie de la solution de bon sens et de mesure pour sortir la Guinée d’une situation crise endémique qui n’avait que trop duré.

Dans cette bataille qu’il croyait déjà gagnée, il resta sourd à la contestation du FNDC, aux opposants politiques, aux enseignants grévistes en imposant une politique envers tout et contre tout en lieu et place de la solution de bon sens.

Il choisit l’inverse du dialogue social et politique: cliver et affronter et en bout de course payer plus cher l’adoption d’une mesure et solution consensuelle, qui aurait pu initialement être pourtant bénéficiaire pour tous.

Et il a payé le prix le dimanche 5 Septembre 2021. Il est renversé par un de ses hommes à tout faire, qu’il a cru avoir formé et formaté pour être aussi un subalterne loyal, fidèle à son régime despotique.

Après plusieurs mois passé dans cette seringue du conflit social, politique qu’il a absurdement choisi, soldé de tueries et d’emprisonnement, la corde sociale, a fini (ce que je pensais être inévitable de par le passé sans pouvoir le prouver) par casser.

Et Mamady Doumbouya, militaire de formation, a pris donc le pouvoir des mains de M Alpha Condé, en la date du 5 septembre 2021.

Cet instructeur commando, ex instructeur de la légion étrangère de l’armée impérialiste française, commandant des groupements des forces spéciales (GFS) de l’armée guinéenne nous impose son putsch: Un mal nécessaire, une pilule amère qu’il faut avaler.

De ce coup d’État militaire semble naître un grand espoir. Le peuple de Guinée las de ces années de crise sans fin espère donc voir le bout du tunnel avec la Junte militaire au pouvoir depuis ce dimanche.

Mais pour que cette Junte militaire perçue aujourd’hui par une grande majorité des guinéens comme un libérateur ne se transforme pas en une énième histoire cauchemardesque sans fin pour le peuple de Guinée, il est d’une impérieuse nécessité de faire preuve de vigilance, de rigueur, d’objectivité dans l’exécution de ses actes.

Quant à nous, le Peuple, nous devons rester vigilants, exigeants quand c’est nécessaires devant les militaires afin que ceux-ci tiennent leur engagement de restituer le pouvoir aux civils dans le plus bref délai pour éviter un simple retour en arrière qui serait préjudiciable au pays.

En effet, les mouvements de protestation de ces dernières années soldés de beaucoup de morts reflètent l’exaspération d’une grande partie de la population face à une démocratie et à une gouvernance défaillantes depuis de nombreuses années. Les Guinéens et la junte devraient donc saisir cette occasion pour s’assurer que le pays entame une véritable transition.

Les acteurs guinéens, le peuple de Guinée dans son entièreté doivent se battre pour la restauration de l’ordre constitutionnel, sans se contenter de rétablir le système et de remettre en place les personnalités renversées, qui ont largement contribué à générer la crise actuelle.

Il appartient surtout à la junte militaire de ne pas décevoir encore une fois de plus le peuple guinéen qui n’a que trop souffert. Elle se doit d’être très vigilante pour bien choisir les futurs membres du gouvernement, pour éviter de tomber dans le piège de ces «politiciens» transhumants, atteints d’une déficience morale et de dignité qui se servent de l’Etat et du peuple afin de continuer de garder leurs privilèges.

Certes, la junte militaire justifie son action, ce coup de force par l’état de délabrement du pays, dont elle rend responsable le président déchu et sa horde de loup affamés, et appelle la société civile et les mouvements sociopolitiques à la rejoindre pour constituer une « transition politique plus ou moins civile » et s’accorder sur une feuille de route qui jettera les bases de la reconstruction du pays.

Sauf que certains de leurs actes interrogent et interpellent déjà.

Car, pourquoi pendant que Lieutenant Colonel Mamady Doumbouya parle de changement, de réconciliation dans son discours, la majorité des gouverneurs et préfets qui ont été investis jusque-là sont presque tous des anciens  fidèles au régime ethniciste déchu, donc des tortionnaires tapis dans l’ombre ?

Pourquoi renouer avec les organisations régionales aussi source de cette crise ?

Pourquoi le recyclage du colonel Bala Samoura et certains membres du CNDD qui ont aussi les mains souillées du sang des Guinéens?

Erreur ou calcul politique ou prolongation du régime déchu sous une autre forme ?

Espérons que le futur gouvernement des dirigeants du comité national pour le redressement et le développement (CNRD) ne sera pas une sorte de confrérie de zeroctates adeptes du divisionnisme, de l’ethnicité et du despotisme.

Une chose est certaine, les événements du 5 septembre 2021 ne doivent pas ramener la Guinée au point de départ de la crise.

Cette crise politique qui a éclaté à la suite des élections présidentielles d’octobre 2020, et plus particulièrement avec le rôle nocif de la Cour constitutionnelle ne doit pas être perçue comme un contentieux post-électoral.

Elle apparaît comme le fruit d’un mécontentement profond et récurrent face à un Etat guinéen dysfonctionnel, corrompu, mafieux et incapable de relever la multitude de défis auxquels est confronté ce pays parmi les plus pauvres au monde.

Avant toute autre chose, le pays a besoin d’une gouvernance favorable à de réelles réformes, en particulier l’assainissement des finances publiques, mettre surtout hors d’état de nuire toutes ces personnes nuisibles qui entouraient M Alpha Condé et qui sont aussi les artisans de ce système moribond destructif mis en place depuis 1958.

En d’autres termes, il faut faire de cet énième mal nécessaire, une occasion de tourner la page sur un statu quo qui a plongé le pays dans une profonde crise politico-socio-économique.

Une période de transition est sans doute inévitable, mais elle doit être la plus courte possible.

Pour ce faire, la junte militaire peut s’inspirer du Burkina Faso où après le départ forcé du président Compaoré en 2014, la transition a permis de renouer avec l’ordre constitutionnel et ne s’est surtout pas inscrite dans la durée.

Sans nul doute, le chantier de la gouvernance est plus laborieux et plus long. Mais les évènements du 05 septembre sonnent comme un rappel : il s’agit également du chantier le plus important pour apporter une réponse durable aux défis politiques, sociaux-économiques,  auxquels le pays est confronté.

Comme pour dire qui veut peut et que désormais seul le peuple est souverain dans ce pays.


Aïssatou Chérif Baldé

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