Depuis une année, la Guinée vit une tragédie sans fin. Après dix ans de règne catastrophique, le seul maître de Conakry, Pr Alpha Condé, galvanisé par ses sbires de tout acabit, a changé la Constitution contre la volonté de la majorité de ses compatriotes avant de se faire élire à 82 ans président de sa ‘’IV République’’ pour un mandat de six ans. Et c’est au prix du sang de plusieurs citoyens tués, des centaines de blessés et de nombreux dégâts matériels. Depuis octobre 2019, les Guinéens vivent dans la terreur. Des tueries, des destructions de biens privés et publics, des arrestations arbitraires, des censures de tous les canaux de communications y compris l’Internet, le régime appuyé sur l’armée et la police ne lésine sur rien pour réprimer les populations.
Alpha Condé, le despote de Conakry, après son holdup électoral du 18 octobre dernier, est en train de transformer la Guinée en une prison à ciel ouvert où il compte embastiller tous ceux qui ont eu à s’opposer à son œuvre machiavélique, celui de s’octroyer un 3ème voire un 4ème mandat. Il avait déjà prévenu en octobre 2019 dans les colonnes du journal Le Monde en des termes clairs: « Dans les autres pays où il y a de nouvelles Constitutions, il y a eu beaucoup de manifestations, il y a eu des morts, mais ils l’ont fait ». Oui, lui aussi, il l’a fait à l’issue du scrutin présidentiel controversé du 18 octobre dernier, après son fameux référendum constitutionnel du 22 mars 2020. Deux scrutins émaillés de graves violences ayant causé plusieurs dizaines de morts,- pour la plupart des personnes tuées par les forces de défense et de sécurité-, des centaines de blessés et d’importants dégâts matériels, à y ajouter la fissure du tissu social fortement entamé par des discours haineux et communautaristes prônés par des politiques sans scrupules ni vision de développement socio-économique.
C’est ainsi que le 7 novembre quelques heures après que sa Cour Constitutionnelle ait validé son holdup électoral au détriment de ses opposants qui ont vu leurs recours jugés « non fondés », alors, Alpha Condé s’est baladé dans les rues tortueuses sans pavées de Kaloum, – un autre signe évident de ses dix ans de règne catastrophique-, au milieu de ses partisans. Après cette promenade à travers Kaloum, il est revenu à son palais présidentiel, et de là, il a assené : « la pagaille est terminée, quiconque sort sa queue, nous allons la couper ». Désormais c’est l’injonction faite à tous les sbires du régime par celui qui avait clamé en 2010 qu’il reprend la Guinée là où Sékou Touré l’a laissée. Même s’il avait promis à l’époque d’être le Mandela de la Guinée, personne n’est dupe, l’ancien président de la FEANF, est devenu Bokassa 1er sans empire ni couronne encore moins un manteau d’empereur.
Et pour la survie de son empire il lui faut forcément avoir « une justice aux ordres« . Cela suffit pour actionner la machine de répression. La justice à ses ordres engage des poursuites judiciaires contre les opposants et fait fi sur les multiples exactions disproportionnées par l’armée et la police sur les populations. L’objectif, faire taire l’opposition. L’UFR (Union des forces républicaines) de Sidya Touré, est déjà décapitée par coup de corruption. Alpha Condé, dans son machiavélisme habituel, a fait débaucher plusieurs cadres de cette formation politique en leur offrant des postes juteux dans l’administration publique. Quant au pauvre Sidya Touré, son ex-haut représentant, Monsieur Alpha Condé, l’a mis « en résidence surveillée » après avoir confisqué son passeport.
Un autre opposant empêché de quitter le pays est Ibrahima Abe Sylla, leader du parti NGR (Nouvelle génération pour le renouveau) arrivé 3ème à la présidentielle du 18 octobre. Son passeport américain lui a été retiré par la police à l’Aéroport de Conakry alors qu’il s’apprêtait à quitter le pays le 5 novembre 2020.
Le gros de la pêche aux opposants, après le FNDC (Front national pour la défense de la Constitution) déjà réduit au silence, le pouvoir les trouve au sein de l’UFDG (Union des forces démocratiques de Guinée) dont le leader a eu l’outrecuidance de s’autoproclamer vainqueur du scrutin présidentiel. Ce lundi 16 novembre, Ousmane Gaoual Diallo, Cellou Baldé, Abdoulaye Bah, tous hauts responsables de l’UFDG et Etienne Soropogui, président du mouvement Nos Valeurs Communes, membre de l’ANAD (une coalition des partis et des mouvements ayant soutenu le candidat Cellou Dalein Diallo) ont été écroués et placés en détention provisoire à la maison d’arrêt de Conakry. Ils y ont rejoint, le jeune Mamadi Condé, proche de Cellou Dalein et Ibrahima Chérif Bah ancien gouverneur de la Banque centrale, et vice-président du parti. Pour les chefs d’accusation, le procureur de la République, Sidy Souleymane Ndiaye ne manque pas d’inspiration. « Fabrication et détention d’armes de guerre et atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation », voilà ce que dit le Tribunal de première instance de Dixinn.
Déjà, plusieurs activistes du FNDC et de l’opposition croupissent à la maison centrale de Conakry dont entre autres, Foniké Mangué, Souleymane Condé, Saikou Yaya Diallo. Tandis que certains à l’instar de l’artiste musicien, Takana Zion et l’opposant politique, Bah Oury, ont pris le chemin de l’exile.
À l’évidence la Guinée, est devenue indiscutablement le Burundi de l’Afrique de l’Ouest.
Pendant ces temps, la CEDEAO et l’Union Africaine semblent avoir pris fait et cause pour le président Condé qui entend désormais régner sur la Guinée avec une main de fer. Pour légitimer son coup d’Etat constitutionnel, il a enjambé plus d’une centaine de tués dont des enfants. La justice, à la tête de laquelle, coiffée par un de ses militants les plus gelés, Me Mory Doumbouya comme Garde des Sceaux, traîne les pas ou simplement fait fi sur les enquêtes de toutes les tueries contre les opposants enregistrées en Guinée depuis 10 ans.
Aujourd’hui le pays est hautement militarisé. Aucune manifestation de contestation n’est possible. La Communauté internationale, l’Union européenne en premier chef, observe la situation qui est en train de pourrir. La Guinée est devenue le Burundi de l’Afrique de l’Ouest. Le régime versé dans le fascisme réduit ou obstrue tous les canaux de libre expression et de circulation. Depuis début octobre, sous prétexte que la sureté intérieure du pays est menacée, Conakry a fermé les frontières avec la Guinée Bissau, le Sénégal et la Sierra Leone. Freetown et Bissau sont accusées d’abriter « des mercenaires ou des armes » pour agresser le pays. Des scénarios rappelant les pratiques de régimes dictatoriaux lorsqu’ils veulent sévir contre des citoyens aspirant à la liberté et à la démocratie.
En attendant le réveil !
Les récentes sorties du chef de l’Etat guinéen sur une prétendue volonté de lutter contre la corruption et le détournement des biens n’est qu’une diversion. Car les cadres les plus corrompus se trouvent dans son cercle restreint. Va-t-il scier la branche sur laquelle, il est assis. Pas du tout !
Pour l’instant, les Guinéens lambda, ayant perdu tout espoir d’alternance démocratique, ne cherchent qu’à subsister pour ne pas crever sous le poids de la pauvreté en attendant le réveil. de la conscience du peuple, l’origine de toutes les révolutions populaires. Des révolutions devant lesquelles aucun tyran ne peut résister. Et cela viendra un jour en Guinée.
Aissatou Cherif Baldé
Politologue-Journaliste