Guinée: Chronique d’une politique de diviser pour régner d’un pouvoir militaire. 

Crise politique, inflation, un faible pouvoir d’achat, reprise des coupures d’électricité, services publics qui craquent, crise politique, évasion du colonel Claude Pivi, censure drastique des médias privés, crise au sein de la fédération guinéenne de football, il s’en est passé des choses ces dernières semaines !

Mais le pouvoir militaire guinéen ne lâche pas du lest, car il sait compter sur sa stratégie politique qui consiste à diviser le peuple de Guinée pour mieux régner. 

En sociologie tout comme en politique nous avons tous appris que la stratégie politique  « diviser pour régner vise à semer la discorde et à opposer les éléments d’un tout pour les affaiblir et à user de son pouvoir pour les influencer »

Chronologie d’une stratégie de diviser pour régner

Dès la prise du pouvoir par l’armée le 05 septembre 2021, elle a fait de cette politique sa stratégie favorite. 

Et c’est pourquoi elle avait présenté Alpha Condé sur fond d’humiliation le 05 septembre  aux habitants de l’axe, fief de l’opposition. 

Ces images de l’ancien président Alpha Condé ont fait le tour du monde. Et si elles poussaient l’opposition dans les bras de la junte militaire guinéenne, elles ont heurté de plus belle la sensibilité des militants du RPG-arc-en-ciel. 

L’opposition politique guinéenne était alors séduite. Les tournées de soutiens au CNRD dans la sous-région ouest-africaine, en Europe furent organisées par les acteurs de la société civile et de l’opposition politique. 

Les médias privés tels que Hadafo dont certains journalistes ont bénéficié des décrets n’ont pas tarit d’éloges à l’endroit de la junte militaire. 

Fidèle à sa politique de diviser pour régner, la junte militaire guinéenne procède à la rebaptisation de l’aéroport de Conakry en lui donnant le nom du dictateur Ahmed Sékou Touré.

La réaction des enfants des victimes du camp Boiro ne s’est pas faite attendre ainsi que celle du Colonel Amara Camara aussi. C’est-à-dire du berger à la bergère. 

Le colonel Amara Camara heurta à travers sa réponse cynique et irresponsable la sensibilité des parents des victimes du camp Boiro. 

Et de la part de l’opposition politique ou encore de la société civile guinéenne, ce fut ni réactions, ni actions. 

Les sekoutereistes au sein de l’opposition politique ont jubilé et l’écrivain guinéen Tierno Monénembo ou la journaliste Aïssatou Chérif Baldé ont subi les foudres de cette même opposition puisqu’ils étaient opposé à la rebaptisation de l’aéroport de Conakry.

À travers cette décision, la junte pouvait compter sur le soutien des sekoutereistes au sein du RPG-arc-en-ciel et du FNDC politique. 

Mamady Doumbouya et son clan étaient désormais convaincus que pour que leur transition politique arrive à prendre une allure de mandat, il leur faut jouer sur la carte de diviser pour régner. 

Dès lors, ils ont commencé à dérouler leur plan de divisionnisme pour cracher sur le cadavre fumant de la nation guinéenne.

Mamady Doumbouya, son clan sont dans l’esprit du fantasme, complotiste d’un groupe occulte restreint qui se veut “alternatif” agissant dans l’ombre pour accomplir un but machiavélique. 

L’ancien légionnaire français et actuel manager de la France est devenu maître dans l’art d’opposer ses adversaires entre eux pour obtenir le mouvement de déséquilibre lui permettant de les projeter à terre. 

Lorsqu’il avait annoncé dans un de ses discours, qu’il allait faire  « le sale boulot » il voulait faire comprendre aux guinéens que la guerre était un duel visant à contraindre l’autre à exécuter sa volonté. Et il lui faut la nécessité d’une offensive à outrance pour s’assurer la victoire. D’où les sorties va-t-en-guerre de son ministre porte-parole du gouvernement Ousmane Gaoual Diallo et de son homme à tout faire Amara Camara. 

Nous avons pourtant beaucoup de fois et dans plusieurs de nos analyses alerter l’opposition politique, la société civile guinéenne, les médias sur cette stratégie politique qui risque de les affaiblir. 

Des exemples illustratifs de la tactique de diviser pour régner 

On peut citer les exemples suivants: 

La poursuite de l’opposant politique Cellou Dalein Diallo, de Kassory Fofana en blanchissant Lounseny Fall,  Lansana Kouyaté, Kabiné Komara. 

L’ouverture du procès du 28 septembre 2009 où l’on met sur les bancs des accusés les militaires de la région forestière, en blanchissant le général Sékouba Konaté, l’actuel ministre de la Défense nationale Sidiki Camara, Balla Samoura.

Ce sont des exemples dans lesquels cette tactique est mise en œuvre par la junte militaire guinéenne. 

Même les limogeages des ministres de Mamady Doumbouya sont faits sur fond de la tactique de diviser pour régner. 

Il laisse l’ancien premier ministre Mohamed Beavogui partir pour le faire remplacer par un autre fils de sa région.

Et il en est de même pour le limogeage de l’ancien ministre des infrastructures Yaya Sow et l’ancien ministre de la santé Mamadou Péthé Diallo. 

La junte faisait par exemple du groupe Hadafo média son allié et pendant ce temps, elle engageait une guerre contre les médias privés tels que FiM-FM, Djoma. 

Sa tactique est simple: Dresser l’une contre l’autre dans un conflit fratricide, les affaiblir toutes les deux et ensuite soumettre tout le pays à sa mainmise ; voilà la méthode. 

La censure des médias, signe d’une tactique essoufflée ? 

La junte militaire guinéenne a engagé une guerre contre les médias privés qui ne parlent pas son langage. Évasion, Djoma-TV, FiM FM et voire même Hadafo se trouvent désormais dans la ligne de mire des combattants anti-liberté d’expression que sont le premier ministre Bernard Gomou, le président de la Haute cours de communication Boubacar Yacine Diallo, le chef de l’ARPT Mamady Doumbouya, Djiba Diakité.

Pour l’heure la radio privée FiM quoi qu’elle subisse des brouilles et tant d’autres méthodes de censure, elle n’a pas été retirée du bouquet de Canal+. 

Et on constate à travers cet exemple que la tactique de diviser pour régner de la junte militaire guinéenne est loin de s’essouffler.

Elle semble revenir en force. Car l’objectif recherché est le retour des méthodes du PDG-RDA. 

Pire de nos jours en Guinée, la division s’exprime autant dans les discours politiques que dans les mobilisations citoyennes parfois segmentées par des intérêts privés ou corporatistes. 

Certes, l’ère digitale a démocratisé l’information et permis une connectivité citoyenne inégalée, mais elle a aussi généré une identité numérique, fabriqué des petits monstres des réseaux sociaux qui fragilisent carrément la société guinéenne. 

Or sans l’augmentation des inégalités sociales, l’inexistence des services publics comme ciment de la société et des activités individuelles et économiques; sans la violence de l’autorité (police, pouvoir politique, pouvoir économique) et de la rupture du dialogue de l’État avec le peuple, sans le fait que l’on est face à des problèmes très complexes qui se heurtent à une diversité d’intérêts contre laquelle l’État guinéen en lambeau n’a pas pu freiner, la tactique contribuant à diviser les guinéens pour régner ne peut pas s’enraciner en Guinée. 

Pourtant si l’on ne prend pas garde, Mamady Doumbouya et son clan dresseront bientôt les familles les unes des autres; opposeront les partis politiques émiettés davantage; ils opposeront le Fouta au reste de la population ; ils opposeront la population de la forêt aux malinkés; ils opposeront les forces de l’ordre et la population toute entière; ils opposeront même les voisins entre eux… C’est ce qu’on appelle la Guinée en lambeau. 

Fort heureusement que beaucoup de guinéens commencent à comprendre cette pratique et résistent à leur façon. 

La vigilance, la fin des injustices et inégalités sociales, le renforcement de la cohésion sociale demeurent la condition, sine qua none, pour bâtir un peuple fort, fier et prospère capable de résister aux coups de boutoir divisionnistes. 

Aissatou Chérif Balde

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