Maître Mohamed Traoré, figure éminente du barreau de Guinée, ancien bâtonnier et opposé au pouvoir excessif de la junte guinéenne a été enlevé à son domicile, dans la nuit du vendredi à samedi 21 juin 2025; à Conakry.
Mais selon les dernières nouvelles, Maître Traoré a été soumis à des actes de torture physique et à des menaces de mort d’une extrême gravité. Il a ensuite été abandonné, à demi-inconscient, dans un village à Bangouyah dans la préfecture de Coyah. Grâce à la réactivité et à la solidarité des habitants, il a pu recevoir les premiers soins d’urgence.
À peine revenu du pèlerinage de La Mecque, cet enlèvement survenu cette nuit, tel que rapporté par son épouse, met à nu les méthodes de terreur employées par la junte militaire dirigée par le Général Mamadi Doumbouya.
Cet énième enlèvement et confirme pour beaucoup, la réalité glaçante des disparitions forcées que l’avocat lui-même n’a eu de cesse de dénoncer.
L’épouse de Maître Traoré, dont le témoignage poignant circule depuis ce matin sur les réseaux sociaux, décrit avec une voix empreinte d’une dignité résignée les circonstances de l’arrestation de son mari. Elle rapporte que des individus, dont l’apparence évoque celle de gendarmes, ont fait irruption au domicile familial. Leur arrivée a semé la panique, particulièrement auprès de leur première fille, qui a tenté de s’interposer, mais en vain. La scène, selon elle, a été marquée par une brutalité contenue mais ferme.
Il est crucial de noter, d’après ses propos, qu’aucune violence physique n’a été directement exercée sur les membres de la famille présents. « On n’a pas été brutalisés, » insiste-t-elle, précisant que seule leur fille a été repoussée.
Cependant, la bestialite avérée pendant cette ‘intrusion et la nature coercitive de l’interpellation suffisent à marquer les esprits et à installer un climat de peur et de terreur dans le pays.
Un détail glaçant rapporté par l’épouse de Maître Traoré concerne la manière dont les assaillants ont identifié leur cible.
Arrivés au domicile, ils auraient exhibé une photo de l’avocat, demandant à le confirmer. Plus troublant encore, ils auraient ensuite découvert une photo de Maître Traoré suspendue au mur.
Ce sont ces éléments qui ont manifestement servi de preuves pour l’identifier formellement avant de l’emmener. L’épouse a également décrit l’accoutrement des individus, notant que tous portaient des cagoules, rendant toute identification directe impossible.
Seul un détail vestimentaire a échappé à la dissimulation : l’un d’eux était vêtu d’un pantalon militaire. Ce détail, aussi minime soit-il, renforce l’hypothèse d’une opération menée par des forces relevant de l’appareil sécuritaire de l’État, des « gendarmes » comme elle le pressent.
Le retour de Maître Mohamed Traoré du pèlerinage de La Mecque ce mercredi soir-là, coïncidant avec son arrestation, ajoute une couche de cynisme à cette affaire.
L’homme, qui venait de s’acquitter d’un devoir religieux fondamental pour un musulman, a été privé de sa liberté presque immédiatement après son retour au bercail. Cette méthode digne d’un régime alimentaire, agonisant et aggresif ne peut qu’interroger sur la surveillance dont il faisait l’objet.
Le parcours de Maître Mohamed Traoré est celui d’un homme engagé. Ancien bâtonnier du barreau de Guinée, il a longtemps œuvré pour l’application du droit et la défense des libertés.
Sa démission de son mandat de conseiller au CNT (Conseil National de la Transition), l’organe législatif transitoire, a marqué un tournant décisif dans cette lutte qu’il mène depuis des années.
Depuis, il s’est positionné comme une voix dissidente, n’hésitant pas à dénoncer publiquement les « dérives » du pouvoir jmilitaire. Ses prises de position publiques, notamment sur les disparitions forcées, pratiques qu’il attribuait sans détour au régime actuel, l’avaient placé sous les feux des projecteurs, et sans doute sous la surveillance des autorités. Il est désormais lui-même la victime potentielle d’une de ces « disparitions forcées » qu’il combattait.
L’enlèvement de Maître Mohamed Traoré envoie un message clair et inquiétant aux défenseurs de l’état de droit et la liberté d’expression en Guinée.
Mais il souligne surtout la vulnérabilité du pouvoir et son allergie face aux voix critiques à un régime qui semble déterminé à museler toute forme d’opposition.
Cet enlèvement n’est pas seulement l’arrestation d’un avocat ; c’est un coup porté à la justice, à la démocratie et aux droits humains dans un pays déjà fragilisé par une transition politique trompe l’oeil.
Barry, Aboubacar Tely