Et a-t-il d’ailleurs jamais existé au regard de toutes les souffrances qu’il a fait subir au peuple depuis le NON historique qui a apporté tant de désillusions ensanglantées?
La Guinée ne cesse de surprendre dans ses travers: après le coup d’État militaire survenu le 05 septembre 2021, avec un jeune Colonel qu’on croyait emboîter les pas de Rawlings ou encore de Thomas Sankara pour redresser la nation guinéenne, la réconcilier avec elle même, le doute s’installe peu à peu sur les vraies intentions des putschistes.
Le Chef de la junte qui se prétend messie, utilise déjà artifices et magouilles pour pouvoir s’arc-bouter sous les oripeaux d’une légitimité forcée et adaptée à sa posture.
En gros les grands traits de la physionomie de l’Etat guinéen après le coup d’État militaire du 05 septembre 2021 ne changent pas.
L’expression « état d’exception » sert donc d’alibi pour torpiller l’aspiration au changement, pour légitimer les bourreaux d’hier, cracher sur le cadavre fumant des victimes, opposer et diviser davantage le peuple.
Tout est mis en place pour que les règles de droit prévues soient transgressées, suspendues ou écartées pour faire taire ceux qui élèvent leur voix.
On assiste à une concentration du pouvoir, au profit des putschistes,fachos. Ils éloignent, étouffent, tuent, emprisonnent les personnes jugées trop éclairées.
Mais encouragent la propagation de la bassesse politique, la prolifération des imposteurs nuisibles d’occasion,les idiots utiles, les monstres des réseaux sociaux.
La modification en profondeur annoncée du système juridique pendant cette période exceptionnelle, si exception y’en a, pour faire face à certains périls durables tels que les crimes d’état est une utopie.
La condamnation récente de l’opposant politique Aliou Bah à deux ans de prison ferme illustre ces perils d’une justice injuste et muette.
Aux yeux des putschistes guinéens du 05 septembre 2021, les périls contre lesquels, ils ont fait le coup d’état militaire, ce mal nécessaire hors norme, conduisant à un changement de régime, doit s’inscrire dans la durée.
Ceci leur permettra bien évidemment de justifier la durée d’une transition politique qui est en réalité que de trompe l’oeil.
Et c’est pourquoi on parle depuis trois ans de putsch militaire d’un besoin impérieux, d’une urgence pressante, d’une obligation irrésistible, etc de vouloir prendre des mesures exceptionnelles de lutte contre le péril de l’État guinéen qui seront permanentes et non dérogatoires .
Un État à équation multiples incapable de jouer sa fonction la plus essentielle
En effet «la fonction la plus essentielle d’un État est de faire des lois pour la protection des personnes et des biens. Il s’agit d’une fonction obligatoire. Les fonctions obligatoires comprennent le maintien de l’ordre public au sein de l’État. Cela se fait non seulement par le maintien d’une force de police, mais aussi par l’institution d’un ensemble de tribunaux chargés d’administrer la justice.
Le premier et le plus important devoir de l’État est de protéger la vie et les biens de ses citoyens. L’État édicte des lois concernant la vie et les biens. Il empêche les autres de s’immiscer dans les affaires des individus. Si un individu viole la loi de l’État, il est puni. L’État réglemente la vie sociale de l’individu par des lois.»
Et l’État guinéen incapable de protèger ses citoyens, d’admettre ses crimes tels que le Kidnapping de Habib Marouane Camara, de Foniké Mengué Sylla, de Billo Bah ou d’ouvrir une enquête pour retrouver les personnes disparues démontre qu’il n’a jamais joué cette fonction essentielle et obligatoire pour un État normal.
La Guinée dispose plutôt d’un État à équations multiples qui n’a jusqu’ici pratiqué qu’une démocratie de l’imposture, celle qui défigure le sens des mots et qui installe les maux de toute nature : *Injustice constitutionnelle, *déni de justice constitutionnelle, *contentieux sans juge impartial et indépendant, *accaparement des biens publics, népotisme, *détournement de pouvoir et de fonction, transhumance politique, compromissions, ethnicitém
Et cette litanie est simplement indicative
C’est la déliquescence de l’Etat qui constitue la marque de fabrique et le signe distinctif de la situation qui a jusque-là prévalu en Guinée.
Il est à cet égard inconcevable et suspect que certains politiques, y compris la communauté internationale, continuent de croire, ou de faire semblant , que ce qui se passe en Guinée n’est que le reflet des turbulences que l’on retrouve partout ailleurs dans nos « démocraties de transition, encore bien fragiles ».
Or la réalité est toute autre en Guinée: c’est un pays sans Etat ; depuis 1958 tout se confond avec la personne du Président de la République qui est à la fois l’Exécutif, le Législatif et le Judiciaire, et comme Janus, selon les circonstances et ses intérêts privés, le pays est orienté dans le sens de ses préférences.
Et la République est à terre, couchée, et elle n’est pas prête de se relever de sitôt.
Elle est dirigée par des gangsters, qui prônent le fascisme, l’institutionnalisation de la dictature, le culte du chef providentiel, le nationalisme ethnique.
Les putschistes Guinéens animés par le nationalisme ethnique visent à promouvoir les idées d’une nation ethnique, l’identité et les droits d’une seule ethnie dans les sphères économiques, politiques et culturelles.
Le nombre élevé d’une seule ethnie dans les nominations du Chef de la junte militaire Mamady Doumbouya, au poste d’ambassadeur, de gouverneur, de préfets, dans les recrutements au sein de l’armée, la police, la gendarmerie, l’institutionnalisation du profilage ethnique au sein des forces de l’ordre attestent cette envie grandissante de la junte de tuer l’État pour instaurer une nation ethnique.
Mieux, lorsque dans un pays on se targue de se situer sous l’empire d’une loi fondamentale abrogée, que le symbole de la République use et abuse de méthodes falsificatrices.
Et que la justice se couvre d’un fétichisme juridique de mauvais aloi, et enfin aboutir à un coup d’état militaire, c’est admettre et reconnaître que l’Etat n’est plus.
On s’en sert à titre d’adjuvant; on l’invoque pour donner une bonne fausse conscience à autrui qui assiste passivement avec une complicité effarante au chant du cygne.
Les putschistes ne peuvent pas faciliter l’accès à une véritable démocratie en Guinée.
L’Etat guinéen n’existe donc pas!
Applaudissons la naissance d’une nation ethnique.
A-t-il d’ailleurs jamais existé au regard de toutes les souffrances qu’il a fait subir au peuple depuis le fameux NON qui a apporté tant de désillusions ensanglantées ?
Non et non.
Il faut donc espérer et croire qu’il est encore possible de se relever: La conscience citoyenne ne peut être statique; elle constitue un souffle intemporel et universel qui finit toujours par s’incruster après avoir emporté, bien souvent par rafales, ceux qui n’ont jamais cessé de se croire éternels.
L’Etat, certainement, n’a jamais été en Guinée ; mais il sera, irréversiblement, car demain il fera jour pour les despotes, faux opposants, fausses élites et autocrates latents qui ne pourront échapper d’être engloutis par les flots de la marée montante qu’ils n’ont cessé de narguer ad nauseam.
C’est la rançon de l’incurie et de la gabegie, et ce ne sera pas trop payer pour le retour de l’Etat ,pilier de la Nation.
Il reste tout juste à continuer la résistance.
Aïssatou Chérif Baldé.