Guinée: Le dossier d’Air Guinée contre Cellou Dalein Diallo, une tentative de muselage d’un puissant adversaire politique. 

Le dossier d’accusation de Cellou Dalein Diallo, président de la formation politique (UFDG) et l’ancien premier ministre de l’ex-président guinéen Lansana Conté, soupçonné d’avoir bradé une partie des avoirs de la société nationale (Air Guinée) et de s’être enrichi doit être classé. 

Ces accusations sont niées par Cellou Dalein Diallo. Il a déjà affirmé plusieurs fois que, bien qu’il ait effectivement signé les documents de la liquidation de l’entreprise, c’est le ministre des finances qui avait fixé les prix. 

Un argument qui ne semble pas  convaincre les juges de la Cour de Répression des Infractions Économique et Financière (CRIEF). 

Des zones d’ombres et quelques questions qui intriguent. 

Pour commencer en vertu de quoi la Crief devra juger les anciens ministres de Lansana Conté ? 

Sur quoi se fonde la légitimité de cette cour et du moment où pouvoir militaire est illégal et illégitime? 

Et s’il faut forcément juger un ancien ministre du président Lansana Conté, pour un souci de transparence, n’est ce pas, il revenait alors à la 

Haute Cour de justice guinéenne, de se saisir d’un tel dossier ? 

Détiennent-ils les preuves que l’argent obtenu de la liquidation de l’avion Air-Guinée a été versé sur le compte privé de Cellou Dalein Diallo ? 

Une poursuite judiciaire aux motivations politiques et parcellaire 

Il est est de coutume qu’en Afrique où gouverner signifie le plus souvent détournement des biens publics, que les nouveaux tenants du pouvoir ouvrent des enquêtes contre ses prédécesseurs. 

Tel fut le cas par exemple au Sénégal dans l’affaire de Karim Wade que Macky Sall avait poursuivi. 

Et l’actuel gouvernement au Sénégal compte aussi ouvrir une enquête sur certains dossiers liés à l’ancien président Macky Sall. 

Contrairement au putschistes guinéens, les régimes sénégalais issus d’élections libres et transparentes ont toute la légitimité requise pour ouvrir engager de telles poursuites. 

Tel n’est pas le cas pour la junte militaire guinéenne venue au pouvoir sur fond d’un putsch militaire ensanglanté, sans légitimité et légalité puisque l’accord signé avec la Cédéao qui leur conferait une certaine légitimité et légalité est arrivé à terme ce 31 décembre 2024. 

Nous savons aussi que la Crief qui a été créée au lendemain du putsch militaire du 05 septembre 2021 n’est pas compétente pour juger des anciens ministres de Lansana Conté. 

Pour rester dans l’esprit de la légalité et de la justice, il fallait si nécessaire s’en remettre à la Haute Cour de Justice. 

Mieux Cellou Dalein Diallo n’a pas été le seul ministre de Lansana Conté. 

D’autres anciens ministres de Lansana Conté impliqués dans des détournements au temps tels que Lansana Kouyaté n’ont pour autant jamais été inquiétés par la Justice de la junte guinéenne. 

Et on comprend pourquoi Mamady Doumbouya avait décidé par décret que les attributions de la Haute Cour de Justice devaient revenir à la CRIEF.  

Car il voulait une CRIEF aux ordres qui fait de la lutte anti-corruption, une question de chasse aux sorcières, de règlement de compte aux adversaires politiques jugés trop puissants. 

Sinon en aucun cas, les attributions de la Haute Cour de justice instituées ou prévues depuis 1990, notamment celles relatives aux crimes et délits économiques et financiers ne doivent être dévolues à la cour de répression des infractions économiques et financières. 

Les partisans de l’opposant politique ont des arguments valables

Ceci dit, si les partisans de Cellou Dalein Diallo crient à la « chasse aux sorcières », c’est parce beaucoup sont persuadés que si Cellou Dalein Diallo est poursuivi, c’est pour l’empêcher de se présenter à l’élection présidentielle après la transition aux allures de mandat contre le candidat de la junte. 

L’histoire leur a donné raison, car Mamady Doumbouya est prêt à tout pour confisquer le pouvoir. 

On constate aussi que des personnes qui ont rejoint Mamady Doumbouya après s’être enrichies sous le régime de Lansana Conté et Alpha Condé n’ont pas été inquiétées. 

Et celles-ci sont devenues d’ailleurs ces fidèles parmi les plus fidèles. 

Cela donne des arguments à ceux qui dénoncent un procès politique. 

La Guinée est au cœur des scandales financiers 

Plus ahurissant encore est le fait que la Guinée est devenue depuis trois un pays des pillards et des scandales financiers par excellence. 

On assiste tous les jours au déballage de nouveaux dossiers liés à des détournements de fortes sommes et par les plus proches du pouvoir. 

Ils ont transformé le pays en une sorte de vache laitière pour les petits monstres des réseaux sociaux, pour la diaspourie. 

Pourtant, dans le discours de  Mamady Doumbouya en septembre 2021, le chef de la junte prônait la transparence, l’équité, la justice, l’unité. 

Il a lancé la traque des biens mal acquis et comptait demander des comptes aux anciens membres du gouvernement déchu.  

Sauf que pour l’heure, il n’a fait que poursuivre les anciens dignitaires sans doute comptable de la gestion catastrophique du pays, mais capables de lui barrer la route. 

Certes les citoyens guinéens avaient cautionné ce programme au départ. 

Mais on s’est très vite rendu compte, qu’il y a eu des poursuites sélectives, parcellaires. 

Aujourd’hui, seul Cellou Dalein Diallo parmi les anciens ministres ou premiers ministres de Lansana Conté et quelques autres personnes du régime déchu sont mises en cause dans cette affaire d’enrichissement illicite, ce qui semble minime par rapport à l’ampleur de ce qui avait été annoncé aux Guinéens. 

Dans cette affaire, Mamady Doumbouya joue gros. Cette poursuite parcellaire va agrandir encore plus la fracture sociale. 

La grande majorité des Guinéens pensent qu’avec ces fausses accusations,, le clan de mafieux de Doumbouya adepte de la nation ethnique veut liquider tous les adversaires politiques puissants. 

Politiquement, c’est lourd de conséquences. Dans tous les cas, on ne voit pas l’intérêt de Mamady Doumbouya venu pour mettre fin à la fracture sociale dans ce dossier d’air Guinée.

On sent que tout cela est emprisonné dans des jeux politiques, et c’est décevant pour l’opinion. 

Le CNRD ne fait pas preuve d’exemplarité

Après ce putsch d’un petit clan facho ethniciste suivi de son premier discours, bon nombre de Guinéens ont cru qu’un autre boulevard s’est ouvert, il faut le prendre et continuer l’assainissement et la moralisation de la vie publique. 

On a cru que la Guinée sortira enfin d’une longue nuit noire faite de pillages des ressources publiques, de sous-développement, d’appauvrissement de la population. 

Trois ans après, le réveil est brutal. Car la junte guinéenne n’a pas la volonté politique, le courage et l’audace d’aller dans ce sens. 

La preuve est que personne parmi les membres du CNRD, du gouvernement de transition n’ont procédé à la déclaration de leurs biens. 

Tout porte à croire que cette tentative d’instaurer l’intégrité dans la gestion des affaires publiques et de combattre l’impunité est juste emprisonnée dans des jeux politiques, ethnicistes et perfides. 

Car si cette junte militaire était sincère avec le peuple guinéen, la justice guinéenne allait insister sur la politique de reddition des comptes dans un pays qui a longtemps baigné dans la corruption impunie. 

Et la reddition des comptes doit s’adresser à tous ceux qui sont dépositaires de l’argent public au niveau étatique, comme au niveau gouvernemental.

Pour qu’ à la fin de chaque mandat, chacun puisse rendre compte de ce qu’il a fait avec l’argent public. 

Alors, nous sommes plus que jamais convaincus cet acharnement contre Cellou Dalein Diallo est une tentative de muselage d’un adversaire politique puissant 

Aïssatou Chérif Baldé. 

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