Guinée: Ce pays où tout ce qui est interdit est permis.

Sinon comment peut-on expliquer que la plupart des détenus et exilés politiques graciés par le Fama de Tortueland deviennent des centristes, des pèlerins de la mouvance ou quittent carrément l’opposition pour devenir une caisse de résonance du régime guinéen? 

Que se passe t-il réellement dans les geôles de la maison d’arrêt de Conakry ? 

Les détenus politiques sont-ils soumis à un lavage de cerveau qui les amène à changer aussi rapidement de langage juste après leur libération?

Ou bien nous avons juste à faire à des opportunistes politiques sans conviction et idéal, des frustrés, affamés, des mécontents, sans repères qui s’agitent pour être bien vu par le monarque autoproclamé de Conakry, dans l’espoir d’obtenir un point de chute ? 

Vu l’évolution des choses dans le pays des Tortues en hibernation continue, il est clair que certains de ces prisonniers et exilés politiques se sont engagés en politique parce qu’ils veulent être à la mangeoire. 

Il s’agit ici des arrivistes qui ont appris à agir selon les circonstances du moment. Et ils méprisent les principes doctrinaux, moraux et les idéaux. 

D’où la nécessité de changer de positions, de programmes, d’apprendre à s’adapter aux circonstances du moment et d’en tirer le meilleur parti au détriment bien évidemment des principes moraux et doctrinaux. 

Ces gens ont leurs veste à la main. Ils peuvent ainsi la retourner quand leurs intérêts sont en jeu.

On tourne la veste du côté du pouvoir pour aller à la mangeoire, puis on la retourne dès que l’on est plus en bon terme avec le parti au pouvoir. 

Ils sont pires que les bourreaux du moment, car ils pratiquent l’arrivisme agressif.

Donc capable d’user de n’importe quel moyen pour s’imposer dans le paysage politique guinéen.

Ce sont en gros des arrivistes précocement aigris prêts à aller en prison pour faire semblant d’être ce qu’ils ne sont pas. 

L’attitude de ces arrivistes très nombreux aujourd’hui dans le paysage politique guinéen doit nous interpeller pour qu’on apprenne à faire la différence entre ceux qui font de la politique pour défendre l’intérêt des guinéens sans verser dans le divisionnisme, l’ethnicité, l’arrivisme, l’opportunisme et ceux qui plutôt cherchent à faire du peuple des victimes flatteuses, des moutons aux cerveaux lobotomisés. 

Il faut comprendre qu’on peut faire la politique autrement, en faisant des principes moraux et doctrinaux sa référence. 

En politique, comme le disait Fidel Castro, il faut accepter de tout perdre sauf ses principes.

Le combat politique ne doit pas être perverti et réduit aux intérêts opportunistes et des faux calculs.

Car s’engager en politique signifie porter l’intérêt  de la nation et du peuple dans son cœur d’abord. 

On doit donc refuser d’être obnubilé par la réussite matérielle et les intérêts égoïstes et opportunistes. 

Mais apparemment, le fait que certains de ses faux exilés ou prisonniers politiques soient obnubilés par la situation anormale du pays, la faculté mentale des uns s’est obscurcit et d’autres ont perdu de leur lucidité, ils n’y voient plus… qu’à travers un nuage, une fois la liberté recouvrée. 

Or, la prison ou l’exil doivent te rendre plus fort, résilient, endurant, des qualités indispensables pour atteindre tes objectifs.

Ces deux expériences aussi douloureuses soient elles doivent te préparer à ne pas subir pour pouvoir vaincre les démons de tout pouvoir despotique.

En tout cas mon emprisonnement en mars 1996, suivi de ma libération en juillet de la même année, après avoir été jugée et condamnée à 18 mois de sursis à l’épreuve par M Abou Camara juge de paix de la justice de paix de dixxin et devenu ministre de la justice sous le régime de Conté n’ont pas fait de mois un mouton au cerveau lobotomisé, une arriviste, opportuniste.. même si les opportunités n’ont pas manqué. 

Emprisonnée dans la maison d’arrêt de Coronthin, on nous avait obligé de recevoir une visite des députés de la mouvance présidentielle de Conté.

Et cette délégation était pilotée par Ahmed Tidiane Cisse ancien député sous le régime de Conté et ancien ministre de la culture sous le régime d’Alpha Condé.

À la fin de la rencontre ma camarade de lutte Aissatou Bobo Diallo et moi ont adressé à nos amis étudiants emprisonnés, membres du comité de défense des droits des étudiants un courrier faisant état de notre entretien avec la délégation gouvernementale.

Et la visite des députés de la mouvance présidentielle de Conté avait pour objectif de nous amener à faire une déclaration qui suspendait notre grève tout en accusant Bah Mamadou et Siradio Diallo de nous avoir manipulé, car selon eux étant des filles et très jeunes, cette grève ne peut pas être notre idée.

En contrepartie, nous retrouverons notre liberté et avec tant d’autres privilèges. 

Notre réponse fut cinglante, nous avons non seulement refusé de céder à la pression et chantage de ces députés, surtout d’Ahmed Tidiane Cissé qui fut très agressif et manipulateur avec nous, que je connaissais pourtant à travers ses livres.

Mais nous avons fait le choix de rester en prison tant que c’est nécessaire en refusant de vendre notre âme au diable et en créant encore davantage des ennuis à Bah Mamadou et Siradio Diallo que l’on ne connaissait même pas. 

Mieux nous étions non seulement convaincues du sens noble de notre lutte et qu’elle méritait d’être menée.

Et nous avons fait comprendre à la délégation des députés du PUP que si demander l’amélioration des conditions de vie des étudiants guinéens à un régime oppressif, corrompu et corrupteur dont l’élite n’hésite pas d’envoyer leurs enfants dans les meilleures universités du monde avec l’argent du contribuable guinéen était un crime, alors il n’ont qu’à nous maintenir en prison. 

Telle fut notre réponse à feu Ahmed Tidiane Cissé!

Il s’en alla sur la pointe des pieds avec un air agressif. 

Victimes d’abus et témoins d’autres abus aussi sur les prisonnières de droit commun et sur les enfants innocents prisonniers tels que notre courrier Daouda qui n’était âgé que seulement de 7 ans, ce n’était donc pas les pressions des députés zélés qui allaient encore nous faire peur. 

Alors ai-je eu tort d’avoir procédé ainsi?

Je pense que non et si c’est à refaire, j’agirai de la même façon. 

Car lorsque la soif de liberté, la solidarité, la justice sociale, l’épanouissement du peuple africain constituent le socle de votre engagement politique et citoyen, vous résisterez aux démons de tout pouvoir despotique et cela quelles que soient les circonstances qui conditionnent votre vie. 

Aissatou Cherif Balde

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