Pourquoi les anciennes colonies françaises peinent à instaurer une transition démocratique consolidée et irréversible? 

Le processus de démocratisation enclenché en Afrique francophone au début des années 1990 qui avait suscité tant d’espoir dans les anciennes colonies françaises est loin d’être consolidé dans ces pays.

Pour rappel, cette ouverture démocratique entamée à l’époque par ces pays ayant évolué dans le système du parti unique avec des coups d’Etat militaires à répétition pour la plupart, a été possible grâce entre autres à des facteurs externes comme la dislocation de l’Union Soviétique, la chute du mur de Berlin suivie de la fin de la Guerre froide, et des facteurs endogènes tels que la dévaluation de la monnaie coloniale FCFA, l’austérité imposée par les institutions de Breton Woods (FMI, Banque mondiale) avec son lot d’effets dévastateurs sur des économies fragiles : la privatisation sauvage des entreprises étatiques, la réduction du nombre de fonctionnaires, la compression sur les salaires etc…. 

L’espoir de la démocratie estompé dans les anciennes colonies françaises

Force est de constater que l’espoir né à l’époque chez les peuples africains et l’euphorie qui s’en est suivie se sont vite estompés par la faute d’une classe politique toujours sous contrôle de l’ancienne puissance coloniale et au nom de la ‘’Françafrique’’, un concept néocolonialiste. 

La vague de la démocratisation, pourtant tant saluée comme une transition irréversible vers la démocratie en Afrique, a depuis longtemps laissé place à des élections taillées sur mesure, a des putschs constitutionnels, des coups d’États militaires, des conflits, des démocraties de façade, des républiques héréditaires, des États déstabilisés marqués par la pauvreté, l’immigration mortelle, l’exclusion, gérés par une poignée d’élite sous tutelle des réseaux françafricains.

Dans la plupart des anciennes colonies françaises, derrière l’apparence d’institutions démocratiques formelles, on peut observer d’anciennes ou de nouvelles pratiques autocratiques de gouvernance. 

Des termes tels que « démocratie défaillante », « démocratie autocratique » et « démocratie bloquée » ont été inventés par les politologues pour décrire ces nouveaux régimes et le caractère incomplet du développement démocratique dans ces pays.

En observant l’évolution du processus de démocratisation dans les anciennes colonies françaises, l’on se rend compte qu’il existe un décalage flagrant entre les exigences démocratiques formelles existant sur le papier (droits fondamentaux, élections, pluralisme, séparation des pouvoirs) et la réalité qui trahit souvent des dysfonctionnements politiques. 

La Guinée peut être citée à juste titre pour illustrer ce décalage flagrant source du coup d’État militaire du 05 septembre ayant conduit à l’instauration d’un régime militaire alimentaire et françafricain avec pour objectif le retour de la Guinée dans le precaré françafrique.

Or, définir la démocratie en s’appuyant uniquement sur les élections et les institutions démocratiques ne saurait suffire. 

Mais telle est l’interprétation et la compréhension de la démocratie par la plupart de la classe dirigeante qui se limitent ainsi sur la définition minimaliste de la démocratie du politologue “Robert Dahl” pour duper les peuples d’Afriques et conserver le pouvoir éternellement. 

Et c’est pourquoi, des objectifs tels que:Le renforcement de la participation politique et l’engagement sociopolitique des citoyens, par exemple dans le cadre de programmes de formation au profit des jeunes dirigeants et travailleurs, conduire au dialogue ouvert avec les partis politiques sur la démocratie interne des partis, les valeurs fondamentales et les relations des partis politiques et de la société, préconiser un modèle de développement démocratique socialement équilibré dans le cadre de la concurrence entre les modèles de développement autoritaires et participatifs au sein des pays francophones d’Afriques etc… n’ont  jamais été partie intégrante du projet de ces dirigeants.

Une nouvelle invention de la démocratie 

Les dirigeants de ces pays ont plutôt fait le choix d’inventer la démocratie avec des manipulations constitutionnelles, afin de créer un modèle qui se veut démocratique aux yeux de la communauté internationale, alors qu’il reste fondamentalement familialiste, clanique et tribal-ethnique, donc une alternance articulée autour d’un modèle héréditaire et comme c’est le cas d’ailleurs dans la plupart des pays francophones d’Afriques et dans le seul but de conserver le pouvoir. 

La Guinée, le Tchad, le Cameroun, le Togo, la Côte d’Ivoire, le Bénin, le Gabon, le Congo Brazzaville peuvent être cités à titre d’exemple 

Et pourtant “la démocratie libérale” dans son sens propre se définit comme étant une idéologie du respect de la personne humaine, d’abord dans ses droits et ses choix fondamentaux, puis récemment dans sa dignité”. 

Donc elle ne doit pas être utilisée pour permettre à un clan, une famille, une ethnie, une structure mafieuse de conserver le pouvoir, comme c’est le cas au Togo, au Gabon, en Guinée, en Côte d’Ivoire, au Mali, au Burkina, au Cameroun, au Congo. 

Mais pour ces dirigeants ennemis de la démocratien comme Mamadi Doumbouya, Alassane Ouattara, Paul Biya, Sassou N’Guesso, Faure Eyadema,  Mahmat Deby, la “Démocratie ” doit revêtir un sens ou connaître un développement inédit en Afrique francophone, où son utilisation  ne sert qu’à l’exercice et la conservation du pouvoir, au renouvellement d’une classe politique aux ordres. 

Pour y arriver, ils s’activent à faire de la démocratie une idéologie dégradée, Instrumentalisée, devant permettre la conservation des positions dominantes acquises, dans un contexte nouveau, marqué par la dénaturation des pressions internationales en faveur de l’ouverture démocratique. 

Revêtu sur commande à l’intention du reste du monde, le nouvel habit d’apparat du « démocrate » suffit bien souvent à s’attirer la sympathie des soutiens intérieurs et surtout extérieurs, ainsi que les faveurs des puissances de l’argent (institutions de Breton Woods et autres divers clubs), des puissances néocolonialistes  (la France), les institutions onusiennes ou encore la Cour pénale internationale.

Et c’est pourquoi la France fidèle à son rôle d’État néocolonialiste s’empresse de condamner le coup d’Etat militaire au Mali, au Burkina Faso, au Niger. Mais en même deroule le tapis rouge pour le putschiste Mamady Doumbouya, Mahmat Deby, et pour les putschistes constitutionnalistes Ouattara, Faure Gnassingbé, Denis Sassou Nguesso.

La France fidèle à son deux poids deux mesures dans ses prises de positions sur les conflits et crises dans ses anciennes colonies aux indépendances confisquées ne s’indigne que lorsque ses intérêts sont menacés. Paris perd sa langue sur les crimes perpétrés sur les peuples africains par ses serviteurs comme Mamadi Doumbouya et sur leur volonté de faire de l’alternance démocratique lettre morte. En tout cas, l’Elysée et le Quai d’Orsay restent muets comme une carpe sur les dérives dictatoriales de ses pantins.  

Comment saisir les enjeux de cette falsification du pluralisme en Afrique? 

À l’évidence, pour saisir les enjeux de cette falsification du pluralisme, il y a lieu de comprendre que la démocratie en Afrique francophone, se construit de nos jours “sous le signe du platonisme, ou plus exactement d’un « néoplatonisme » politique, qui privilégie la forme sur le contenu, se méfie de la souveraineté du peuple et redoute autant l’altérité que le pouvoir de l’opinion”. 

Et d’ailleurs pour Platon “la démocratie aurait tort de vouloir au contraire diluer dans le peuple. Les affaires de la Cité selon Platon sont trop sérieuses pour être laissées à l’appréciation du peuple, vulgaire « troupeau dépourvu de cornes».  

Pour les néoplatoniciens, les obstacles à la transition démocratique en Afrique francophone sont composés ces groupes d’intérêt en Occident, amis ou représentants de ceux-ci parmi les pouvoirs africains. Et ces groupes raisonnent comme Platon, c’est-à-dire n’entendent pas voir le peuple africain exercer pleinement sa souveraineté. 

Les réactions de ces groupements sur le coup d’Etat militaire en Guinée marqué aujourd’hui par des violences et violations graves des droits de l’homme, la, disparition forcée des leaders d’opinions Oumar Sylla alias Foniké Menge et de Mamadou Billo Bah est illustratif de cet état de fait. 

Dans ce contexte, l’obstacle démocratique aurait donc ainsi un fondement culturel, mais qui ne serait pas spécifiquement africain ; il appartiendrait au contraire aux vieux fonds platoniciens, antihumaniste, que partagent les pouvoirs africains et leurs soutiens occidentaux tels que la France et la communauté internationale. 

Une communauté internationale qui constitue en soi un véritable obstacle pour la démocratisation du continent africain. 

Comment mettre fin à ces obstacles ?

Pour sortir de ses limites de la démocratie formelle, il nous faut une élite vertueuse, intègre, des “politiques moraux”, c’est-à-dire avec des acteurs publics qui, considérant que les principes de la prudence politique peuvent coexister avec la morale, et qui soient suffisamment responsables et matures 

Certes le chemin vers la consolidation de la démocratie est longue et parsemé d’obstacles, du moment où l’Europe cette mauvaise donneuse de leçons a eu besoin de 8 siècles pour arriver là où elle est aujourd’hui, mais les forces progressistes et libérales en Afrique peuvent y arriver. 

Mais à condition que la France et tout l’Occident d’ailleurs cessent d’influencer négativement le processus démocratique en Afrique, en redonnant aux africains leur indépendance monétaire et d’arrêter d’être présents sur le continent africain au prix de l’ingérence, de l’alibi démocratique notamment dans les pays francophones d’Afriques tout en soutenant des pouvoirs criminels et répressifs. 

À défaut des termes tels que « démocratie défaillante », « démocratie autocratique » et « démocratie bloquée » seront toujours à l’ordre du jour et ouvriront le chemin du  désenchantement sans fin avec des Coups d’états à répétition en Afrique francophone qui est loin d’obtenir sa réelle indépendance.

Aissatou Chérif Balde

Un commentaire

  1. Le magazine est très triche et très pertinent.
    En effet, ce multipartisme qui avait tant susciter d’espoir après cette conférence de Baule où ce système impérialiste innové par la Ve République Française pour freiner ces pustchs qui régnait sur le continent, a eut la naissance d’un système néopaternaliste qui a régionaliser et endeuillée l’Afrique et qui continue encore.
    Cependant, l’arrivée de ces nouveaux putschistes du sahel qui trouve non seulement moribonde mais aussi obsolète et marionnette qui doit sa restauration ont décider de prendre leur destin en main qui donna naissance une nouvelle alliance pour la souveraineté et la fin de l’asservissemen.

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