Pour l’instant, l’autoritarisme soft du pouvoir militaire contient les Guinéens.
Mais dans l’attente de quel résultat sur fond d’une transition démocratique déjà vidée de sa substance et pour combien de temps ?
Car après la disparition forcée des deux leaders d’opinion (Billo Bah et Foniké Menge Sylla) le 09 juillet 2024, et l’annonce de la tenue d’une manifestation des forces vives du pays du 30 au 31 juillet, la junte militaire accélère sa machine à répression et d’intimidations.
Le procureur de la République incapable de dire aux Guinéens où se trouvent Foniké Méngué Sylla et Mamadou Billo Bah kidnappés, a tenté à travers un communiqué de presse digne d’un pouvoir militaire sans repère d’intimider le peuple.
Et les habitants de la capitale Conakry ont observé aujourd’hui le défilé de plusieurs blendés vers la banlieue pour sans doute tenter d’étouffer dans l’œuf toute forme de manifestation dans les fiefs des forces vives.
En tout état de cause, la société civile, les organisations syndicales et les partis politiques vidés presque de leurs substances et de leurs cadres sur fond de la politique du ventre sont actuellement incapables de se faire entendre.
Et ils semblent pour l’instant faibles et peu audibles.
Outre mesure, certaines de ces organisations politiques peuvent donner l’image de l’archaïsme, ou d’une rigidité qui risque d’entraîner les acteurs dans des combats sans issue.
Mais tout n’est pas qu’archaïsme et rigidité mal placée, tout n’est pas tendu vers le passé dans le tissu d’acteurs qui constitue la société civile et les partis politiques sur fond d’entrepreneuriat politique.
Nous avons encore une grande possibilité de regain de mobilisation et de nouvelles actions car la tension est palpable malgré l’autoritarisme étouffant.
Mieux manifester et faire entendre des désaccords est un droit.
Ce sont les violences, les tueries et dégradations auxquelles nous avons assisté depuis le coup d’État militaire du 05 septembre 2021 qui sont inacceptables.
Et c’est pourquoi la présentation par le CNT( Conseil national de la transition) de l’avant projet d’une nouvelle constitution en ce jour du 29 juillet 2024 dans un contexte de dérives dictatoriales n’est qu’une mascarade de trop.
Car lorsqu’un gouvernement de transition avec pour objectif l’instauration d’un régime démocratique est incapable de protèger les droits et les libertés des citoyens contre les abus de pouvoir potentiels des titulaires des pouvoirs actuels, toute Constitution conçue dans un tel contexte perdra sa sacralité, sa notion et son sens.
Déjà les pouvoirs actuels ont fait depuis trois ans le choix de privilégier la lettre sur l’esprit. Ils participent à la dénaturation du sens profond de la norme fondamentale avec une situation crisogène que les militaires entretiennent en complicité avec le CNT.
Ceci dit, cet avant projet de Constitution n’aboutira qu’à une délégitimation du sens commun des constitutions pour laisser apparaître un sens caché qui rend désormais incertaine la notion même de constitution en Guinée.
Car une élite aliénée corrompue, despotique, antidémocratique ne peut pas offrir aux Guinéens une constitution vénérée, sacrée, érigée en quasi totem juridique.
Ce que doit savoir le pouvoir militaire
Le pouvoir militaire à Conakry doit savoir que ce n’est pas en poussant les plus décidés à la radicalité que l’on fait preuve de démocratie.
Ce n’est pas non plus en rejetant dans le non-sens des forces constructives, tournées vers la justice sociale, soucieuses de réformes démocratiques, économiques capables de négocier, d’argumenter, de contribuer à préparer l’avenir bottom up, et pas seulement top down que l’on va construire la Guinée de demain.
Il faut savoir trouver le juste milieu pour éviter qu’on retombe dans le même cul de sac habituel.
Mieux, Il est dangereux de vider le système social, le système de parti politique de toute substance, pour ne laisser finalement d’espace qu’aux extrêmes, aux abrutis, aux imposteurs nuisibles d’occasions, aux serials-menteurs qui ne savent fomenter que l’idiotie.
Sinon le risque de voir à nouveau naître une coagulation des luttes avec l’aggravation des tensions qui existent déjà est énorme.
Les acteurs étatiques doivent dans la situation actuelle pouvoir conjuguer ouverture, modernisation et justice sociale et démocratique.
Alors, il faudrait que le pouvoir de Mamady Doumbouya, reconnaisse qu’il n’est pas seul à penser le progrès, et que la démocratie a besoin pour fonctionner de débats, de conflits négociés et, tout simplement, d’acteurs politiques et sociaux de tout bord sans exclusion.
Aïssatou Chérif Baldé
La junte guinéenne à atteint son paroxysme, le légionnaire françafricain abuse de tous