Guinée: le dossier d’accusation de Cellou Dalein Diallo juste une tentative de muselage d’un adversaire politique.

Le dossier d’accusation de Cellou Dalein Diallo, président de la formation politique (UFDG) et l’ancien premier ministre de l’ex-président guinéen Lansana Conté, soupçonné d’avoir bradé une partie des avoirs de la société nationale (Air Guinée) et de s’être enrichi au passage doit être classé. 

Ces accusations sont niées par Cellou Dalein Diallo. En février dernier il affirmait que, bien qu’il ait effectivement signé les documents de la liquidation de l’entreprise, c’est le ministre des finances qui avait fixé les prix. 

Un argument qui ne semble pas avoir convaincu les juges de la Cour de Répression des Infractions Économique et Financière (CRIEF), qui l’a convoqué le 13 juin dernier. 

Pour commencer en vertu de quoi la Crief devra juger les anciens ministres de Lansana Conté ? 

Sur quoi se fonde la légitimité de cette cour? 

S’il faut forcément juger un ancien ministre du président Lansana Conté, pour un souci de transparence, de lutte contre l’enrichissement illicite n’est ce pas, il revenait alors à la Haute cour de justice guinéenne, de se saisir d’un tel dossier ? 

Avez-vous les preuves que l’argent obtenu de la liquidation de l’avion Air-Guinée a été versé sur le compte privé de Cellou Dalein Diallo ? 

Il est partout dans le monde logique d’ouvrir des enquêtes contre le gouvernement auquel on a succédé directement. 

Tel fut le cas par exemple au Sénégal dans l’affaire de Karim Wade que Macky Sall avait poursuivi. 

En réalité la Crief créée au lendemain du putsch militaire du 05 septembre 2021 n’est pas compétente pour juger des anciens ministres de Lansana Conté, il fallait si nécessaire s’en remettre à la Haute Cour de Justice. Il n’y a donc aucune raison de faire appel à cette juridiction qui vient à peine d’être créée. 

Car nous savons pertinemment que Cellou Dalein Diallo n’a pas été le seul ministre de Lansana Conté. 

Et c’est pour sûrement faire de la Crief une cour aux ordres que Mamady Doumbouya a décidé par décret en décembre dernier que les attributions de la cour de justice doivent revenir à la CRIEF. 

Sinon en aucun cas, les attributions des Hautes cours de justice instituées ou prévues depuis 1990, notamment celles relatives aux crimes et délits économiques et financiers ne doivent être dévolues à la cour de répression des infractions économiques et financières. 

Donc si les partisans de Cellou Dalein Diallo crient à la “chasse aux sorcières”. C’est parce beaucoup sont persuadés que si Cellou Dalein Diallo est poursuivi, c’est pour l’empêcher de se présenter à l’élection présidentielle après la transition aux allures de mandat contre le candidat de la junte. 

Les partisans de l’opposant politique ont des arguments valables. 

En effet, des personnes qui ont rejoint Mamady Doumbouya après s’être enrichies sous Lansana Conté et Alpha Condé n’ont pas été inquiétées. Cela donne des arguments à ceux qui dénoncent un procès politique. 

Et celles-ci sont devenues d’ailleurs ses fidèles parmi les plus fidèles. 

Pourtant, dans le discours de  Mamady Doumbouya en septembre 2021, le président de la transition prônait la transparence, l’équité, la justice, l’unité. 

Il a lancé la traque des biens mal acquis et comptait demander des comptes aux anciens membres du gouvernement déchu.  Sauf que pour l’heure, il n’a fait que poursuivre les anciens dignitaires sans doute comptable de la gestion catastrophique du pays, mais capables de barrer la route à leurs futurs candidats.

Cela signifie que les guinéens avaient cautionné ce programme au départ. 

Maintenant, on a constaté qu’il y a eu des poursuites sélectives, parcellaires. Aujourd’hui, seul Cellou Dalein Diallo parmi les anciens ministres ou premiers ministres de Lansana Conté et quelques autres personnes du régime déchu sont mises en cause dans cette affaire d’enrichissement illicite, ce qui semble minime par rapport à l’ampleur de ce qui avait été annoncé aux Guinéens. 

Dans cette affaire, Mamady Doumbouya joue gros. Cette poursuite parcellaire va agrandir encore plus la fracture sociale. 

On a aujourd’hui deux camps en  Guinée: ceux qui estiment que cette procédure est normale, et ceux qui pensent qu’on veut liquider un adversaire politique. 

Politiquement, c’est lourd de conséquences. Dans tous les cas, on ne voit pas l’intérêt de Mamady Doumbouya venu pour mettre fin à la fracture sociale dans ce dossier d’air Guinée.

On sent que tout cela est emprisonné dans des jeux politiques, et c’est décevant pour l’opinion. 

Après votre putsch suivi de votre premier discours on a cru qu’un autre boulevard s’est ouvert, il faut le prendre et continuer l’assainissement et la moralisation de la vie publique. 

Et que la Guinée sortira maintenant d’une longue nuit noire faite de pillages des ressources publiques, de sous-développement, d’appauvrissement de la population. 

Mais malheureusement, on sent que la junte militaire guinéenne n’a pas la volonté politique, le courage et l’audace d’aller dans ce sens. 

La preuve est que personne parmi les membres de la junte militaire, des membres du gouvernement de transition n’a procédé à la déclaration de ses biens. 

Tout porte à croire que cette tentative d’instaurer l’intégrité dans la gestion des affaires publiques et de combattre l’impunité est juste emprisonnée dans des jeux politiques, ethnicistes et perfides. 

Car si cette junte militaire était sincère avec le peuple guinéen, la justice guinéenne allait insister sur la politique de reddition des comptes dans un pays qui a longtemps baigné dans la corruption impunie. 

Et la reddition des comptes doit s’adresser à tous ceux qui sont dépositaires de l’argent public au niveau étatique, comme au niveau gouvernemental.

Pour qu’ à la fin de chaque mandat, chacun puisse rendre compte de ce qu’il a fait avec l’argent public. 

Alors, il est tout à fait juste et logique que les partisans de Cellou Dalein Diallo considèrent cette poursuite comme une tentative de muselage d’un adversaire politique.

Aïssatou Chérif Baldé

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