Guinée: Pression ou rebondissement dans le dossier d’Air Guinée contre Cellou? 

C’est lors d’une conférence de presse organisée ce vendredi 21 mars 2025 que l’annonce fut faite par le Parquet spécial de la Cour de Répression des Infractions Économiques et Financières. 

Le Procureur Malick Marcel Oularé a ainsi affirmé que Monsieur Mamadou Cellou Dalein Diallo est « inculpé de détournement de deniers publics».

Ils ont aussi mis en avant les difficultés qu’ils rencontrent dans ce dossier en raison de l’absence de Cellou Dalein Diallo du pays. 

Le procureur Ali Touré, a souligné que ce dossier rencontre quelques difficultés en raison de l’absence de l’inculpé.

Ce dernier a fait savoir qu’un mandat d’arrêt international pourrait être décerné contre Cellou Dalein Diallo, ancien premier ministre et leader de la formation politique (UFDG) . 

Il faut rappeler que Cellou Dalein Diallo  se trouve en exil forcé depuis 2022. Le leader de l’Union des Forces Démocratiques de Guinée est cité dans le dossier de la vente d’un des avions de la compagnie « Air Guinée ». 

Pourtant, son implication dans cette vente a été niée par les plus grands connaisseurs du dossier tels que l’opposant politique El Hadj Mamadou Sylla. 

Mais qu’en est-il réellement du  dossier Air-Guinée? 

Cellou Dalein Diallo a affirmé plusieurs fois que, bien qu’il ait effectivement signé les documents de la liquidation de l’entreprise, c’est le ministre des Finances d’antan qui avait fixé le prix. 

Un argument qui ne semble pas  convaincre les juges de la Cour de Répression des Infractions Économique et Financière (CRIEF).. 

Et pourtant il existe bel et bien des zones d’ombres et quelques questions qui intriguent. 

Pour commencer en vertu de quoi la Crief devra juger les anciens ministres de Lansana Conté ? 

Sur quoi se fonde la légitimité de cette cour et du moment où le pouvoir militaire est illégal et illégitime? 

Et s’il faut forcément juger un ancien ministre du président Lansana Conté, pour un souci de transparence, n’est ce pas, il revenait alors à la Haute Cour de justice guinéenne, de se saisir d’un tel dossier ? 

Détiennent-ils les preuves que l’argent obtenu de la liquidation de l’avion Air-Guinée a été versé sur le compte privé de Cellou Dalein Diallo ? 

Une poursuite judiciaire aux motivations politiques et parcellaire 

Il est de coutume qu’en Afrique où gouverner signifie le plus souvent détournement des biens publics, que les nouveaux tenants du pouvoir ouvrent des enquêtes contre ses prédécesseurs. 

Tel fut le cas par exemple au Sénégal dans l’affaire de Karim Wade que Macky Sall avait poursuivi. 

Et l’actuel gouvernement au Sénégal compte aussi ouvrir une enquête sur certains dossiers liés à l’ancien président Macky Sall. 

Contrairement aux putschistes guinéens, les régimes sénégalais issus d’élections libres et transparentes ont toute la légitimité requise pour ouvrir et engager de telles poursuites. 

Tel n’est pas le cas pour la junte militaire guinéenne venue au pouvoir sur fond d’un putsch militaire, sans légitimité et légalité puisque l’accord signé avec la Cédéao qui leur conferait une certaine légitimité et légalité est arrivé à terme le 31 décembre 2024. 

Nous savons aussi que la Crief qui a été créée au lendemain du putsch militaire du 05 septembre 2021 n’est pas compétente pour juger des anciens ministres de Lansana Conté. 

Pour rester dans l’esprit de la légalité et de la justice, il fallait si nécessaire s’en remettre à la Haute Cour de Justice. 

Ce dossier semble plutôt être une sorte de règlement de compte, une chasse aux sorcières organisée pour empêcher les opposants les plus influents du pays de faire barrage au projet de confiscation du pouvoir par la junte.

Car d’autres anciens Premiers ministres de Lansana Conté impliqués dans des détournements tels que Lansana Kouyaté n’ont pour autant jamais été inquiétés par la Justice de la junte guinéenne. 

Compte tenu de ce nouveau rebondissement  qui a pour objectif de mettre la pression sur Cellou Dalein Diallo afin de le réduire au silence. 

On comprend pourquoi Mamady Doumbouya avait décidé par décret que les attributions de la Haute Cour de Justice devaient revenir à la CRIEF.  

Car il voulait une CRIEF aux ordres qui fait de la lutte anti-corruption, une question de chasse aux sorcières, de règlement de compte aux adversaires politiques jugés trop puissants. 

Sinon en aucun cas, les attributions de la Haute Cour de justice instituées ou prévues depuis 1990, notamment celles relatives aux crimes et délits économiques et financiers ne doivent être dévolues à la cour de répression des infractions économiques et financières. 

Les partisans de l’opposant politique ont des arguments valables

Ceci dit, si les partisans de Cellou Dalein Diallo crient à la « chasse aux sorcières », c’est parce beaucoup sont persuadés que si Cellou Dalein Diallo est poursuivi, c’est pour l’empêcher de se présenter à l’élection présidentielle après la transition aux allures de mandat. 

L’immixion partiale de la Justice guinéenne dans le conflit interne opposant L’UFDG à l’actuel ministre porte-parole du gouvernement de transition Ousmane Gaoual Diallo et le débauchage des cadres du parti politique UFDG ces derniers temps illustrent cet état de fait.

On constate aussi que des personnes qui ont rejoint Mamady Doumbouya après s’être enrichies sous le régime de Lansana Conté et Alpha Condé n’ont pas été inquiétées. 

Et celles-ci sont devenues d’ailleurs ces fidèles parmi les plus fidèles. 

Cela donne des arguments à ceux qui dénoncent un procès politique. 

Des scandales financiers devenus monnaie courante 

Les putschistes qui prétendent lutter contre la corruption organisée ont depuis trois ans transformé le pays en un endroit des pillards et des scandales financiers. 

On assiste tous les jours au déballage de nouveaux dossiers liés à des détournements de fortes sommes par les plus proches du pouvoir. 

Le pays est devenu une sorte de vache laitière pour des agents publics proches du pouvoir et pour la famille des membres du CNRD. 

Pourtant, dans le discours de  Mamady Doumbouya en septembre 2021, le chef de la junte prônait la transparence, l’équité, la justice, l’unité. 

Il a lancé la traque des biens mal acquis et comptait demander des comptes aux anciens membres du gouvernement déchu.  

Sauf que pour l’heure, il n’a fait que poursuivre les anciens dignitaires  capables de lui barrer la route. 

Une politique de lutte anti-corruption décevante 

On se rend compte que les poursuites sont sélectives et parcellaires. 

Aujourd’hui, seul Cellou Dalein Diallo parmi les anciens ministres ou premiers ministres de Lansana Conté et quelques autres personnes du régime déchu sont mises en cause dans cette affaire d’enrichissement illicite. 

Ce qui semble minime par rapport à l’ampleur de ce qui avait été annoncé aux Guinéens. 

Dans cette affaire, Mamady Doumbouya joue gros. 

Cette poursuite parcellaire va agrandir encore plus la fracture sociale. 

La grande majorité des Guinéens pensent qu’avec ces fausses accusations, le clan mafieux de Doumbouya adepte du nationalisme ethnique veut liquider tous les adversaires politiques puissants. 

Politiquement, c’est lourd de conséquences. Dans tous les cas, on ne voit pas l’intérêt de Mamady Doumbouya venu pour mettre fin à la fracture sociale dans ce dossier d’air Guinée.

On sent que tout cela est emprisonné dans des jeux politiques, et c’est décevant pour l’opinion publique guinéenne. 

La junte se joue du peuple 

Après ce putsch d’un petit clan facho-ethniciste, bon nombre de Guinéens ont cru qu’un autre boulevard s’est ouvert en Guinée. 

il faut le prendre et continuer l’assainissement et la moralisation de la vie publique. 

On a surtout cru que la Guinée sortira enfin d’une longue nuit noire faite de pillages des ressources publiques, de sous-développement, d’appauvrissement de la population. 

Trois ans après, le réveil est brutal. Car la junte guinéenne n’a pas la volonté politique, le courage et l’audace d’aller dans ce sens. 

Elle se joue du peuple et s’est inscrite dans une logique d’essoufflement des institutions, des partis politiques, de la société civile guinéenne. 

Nous vivons tout simplement un changement dans la continuité. 

Pour preuve, personne parmi les membres du CNRD, du gouvernement de transition n’ont procédé à la déclaration de leurs biens. 

Tout porte à croire que cette tentative d’instaurer l’intégrité dans la gestion des affaires publiques et de combattre l’impunité est juste emprisonnée dans des jeux politiques, ethnicistes et perfides. 

Car si cette junte militaire était sincère avec le peuple, la justice guinéenne allait insister sur la politique de reddition des comptes dans un pays qui a longtemps baigné dans la corruption impunie. 

Et la reddition des comptes doit s’adresser à tous ceux qui sont dépositaires de l’argent public au niveau étatique, comme au niveau gouvernemental.

Pour qu’ à la fin de chaque mandat, chacun puisse rendre compte de ce qu’il a fait avec l’argent public. 

Alors, nous sommes plus que jamais convaincus que cet acharnement contre Cellou Dalein Diallo est juste une tentative de muselage d’un adversaire politique puissant. 

Aïssatou Chérif Baldé 

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