Guinée: rendons Hommage à Elhadj Boubacar Biro Diallo. 

Elhadj Boubacar Biro Diallo ancien Président de l’Assemblée nationale a rejoint sa dernière demeure ce dimanche 09 février à Mamou. 

Il s’est éteint ce samedi 08 février à l’âge de 104 ans. 

La cérémonie funéraire fut organisée à la grande mosquée de Almamya et elle a réuni une foule nombreuse composée de personnalités politiques et religieuses, de citoyens de la ville et d’une délégation gouvernementale dirigée par le général Amara Camara. 

Mais qui était mon grand-père? 

Hier, quand nous étions tous à MAMOU, le moment qui m’a le plus marqué, gravé à jamais dans ma mémoire, s’est déroulé alors que nous quittions la grande maison pour accompagner la délégation présidentielle vers son lieu d’accueil et d’attente. Il était aux environs de 12h 22 minutes, l’enterrement étant prévu pour 14 heures. 

Tandis que nous descendions les premiers escaliers, le cortège funéraire sortait de l’autre côté avec le corps du doyen. Et là, dans ce croisement de vies et de morts, un geste simple mais d’une puissance bouleversante s’est produit.

Le général Amara Camara, figure imposante au cœur de granit, s’arrêta soudain. Son corps, pourtant forgé par la rigueur militaire, sembla s’estomper sous le poids du respect. Il se figea, droit comme un chêne affrontant la tempête, adoptant la position de garde à vous. D’un geste solennel, sa main se leva lentement, les cinq doigts tendus, crispés par l’émotion, effleurant sa tête dans un salut vibrant d’humanité. Ce n’était pas un simple signe militaire : c’était un cri silencieux, un hommage rendu à l’âme qui s’en allait, un dernier salut chargé de douleur, de gratitude et de fierté.

Comme happés par cette onde de respect, tous les membres de la délégation, militaires et civils, l’imitèrent dans un silence religieux, leurs regards embués de larmes retenues. 

Le temps semblait suspendu, le vent lui-même s’étant tu pour écouter le langage muet de ces hommes debout face à l’éternité.

En sortant de la cour, alors que les fanfaristes laissaient éclater les notes déchirantes d’un dernier hommage, chaque coup de clairon résonnait comme un écho des cœurs brisés. Le général Amara, le regard perdu dans un horizon invisible, se tourna vers l’un des siens — le gouverneur en l’occurrence de Labé. Sa voix, rauque d’émotion contenue, s’éleva dans un murmure qui pesait plus lourd que tous les discours :

« Il est très difficile de trouver un Guinéen politiquement comme lui… Mais pour que la Guinée change, il faut des hommes patriotes comme lui. »

Ces mots, simples en apparence, portaient le fardeau de tout un pays, d’une histoire marquée par des espoirs souvent trahis. Ils vibraient comme un testament, une prière adressée à ceux qui restent, pour qu’ils n’oublient jamais que le véritable changement ne naît ni des discours ni des apparences, mais des cœurs habités par le feu sacré du patriotisme. Puis, sans un mot de plus, il reprit sa marche vers son véhicule qui était en stand bye, laissant derrière lui non pas seulement des pas sur la poussière, mais des traces indélébiles dans nos âmes.

Hier, et avant-hier, la Guinée s’arrêta. Elle retient son souffle aujourd’hui, elle suspend son pas, non par crainte, mais par respect. Respect pour un homme qui n’a pas seulement traversé l’histoire de notre pays, mais qui l’a façonné de ses propres mains, de sa voix ferme, de ses convictions inébranlables et de son intégrité à toute épreuve.

Elhadj Boubacar Biro Diallo n’est plus. Et pourtant, il est partout. Dans chaque battement de cœur de cette nation, dans chaque drapeau flottant au vent, dans chaque mot prononcé au nom de la liberté et de la dignité.

Il n’était pas un homme ordinaire. Il était un socle, une boussole, un phare dans les nuits les plus sombres de notre histoire. Un patriote d’une trempe rare, forgé dans le feu de l’éducation et trempé dans l’acier de la résistance.

Né en 1922, dans une Guinée encore courbée sous le joug colonial, il fit de la connaissance son premier acte de rébellion. Il fut le produit de l’École William Ponty de Sébikotane, cette institution d’élite qui a formé des générations d’esprits brillants. Mais il n’était pas là pour briller seul. Il forma des centaines d’enseignants, administrateurs, disséminant la lumière du savoir à travers la Guinée, car il savait que l’ignorance est la première des chaînes.

Mais l’éducation n’était qu’un début. Son cœur battait au rythme d’une aspiration plus grande : la liberté. C’est ainsi qu’il entra dans l’histoire par un geste aussi simple qu’héroïque : il fut le premier à faire descendre le drapeau français en Guinée. 

Ce n’était pas un simple morceau de tissu qu’il abaissait ce jour-là. C’était le symbole d’un empire. Il ne s’agissait pas d’un geste protocolaire, mais d’un acte de rupture, d’un cri muet mais retentissant : « La Guinée doit s’élever. La Guinée est debout. »

Il s’opposa à la colonisation avec une double détermination : contre les chefferies traditionnelles qui avaient pactisé avec l’oppresseur et contre le colon lui-même. Il n’était ni dans la compromission, ni dans la demi-mesure. Il savait que l’indépendance ne se négocie pas à genoux.

Pourtant, quand il faut négocier, il sut aussi être stratège. À Versailles, en 1956, il défendit la cause guinéenne avec la force tranquille des hommes qui n’ont rien à perdre sinon leurs chaînes. Il comprenait que la diplomatie n’est pas un signe de faiblesse. 

Alpha Bademba Diallo 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *