La bauxite guinéenne plutôt qu’une bénédiction, une malédiction tout court.

La junte militaire, le Comité national du rassemblement et du développement (CNRD), au pouvoir depuis le 05 septembre 2021 avait promis une vie meilleure à la population, surtout à celle de la région de Boké. 

Sauf que ces  promesses clamées depuis le 05 septembre 2021 ne se sont pas traduites de façon concrète dans la vie quotidienne des populations guinéennes et plus particulièrement celle de Boké. 

Et pourtant la Guinée abrite plus du quart -voire même du tiers selon certaines sources- des réserves mondiales de bauxite, dont la production nationale est passée de 20 millions de tonnes en 2016 à plus de 72 millions de tonnes en 2022. 

Les réserves guinéennes de bauxite sont estimées à plus de 40 milliards de tonnes, dont 23 milliards de tonnes localisées dans la région de Boké au nord-ouest du pays selon le ministère guinéen des Mines et de Géologie.

Devenu aujourd’hui deuxième plus gros producteur mondial de bauxite, avec un tiers des réserves mondiales prouvées, le minerai rouge de la région de Boké attire les Australiens, les Allemands, les Britanniques, les Émiratis, les Français, les Indiens, les Russes et surtout… les Chinois. 

Même si les médias occidentaux tentent de faire croire au monde que les Chinois depuis que, pour des raisons environnementales et sanitaires, l’Indonésie, en 2014, puis la Malaisie, en 2016, ont interrompu leurs exportations de bauxite vers la Chine (premier consommateur d’aluminium de la planète) faisant de la Guinée son principal fournisseur, sont les seuls qui s’intéressent à l’exploitation sauvage de la terre rouge guinéenne. 

Le minerai rouge la seule source du développement 

Ce pays de l’Afrique de l’ouest poussé par les politiques macro-économiques favorisées par les institutions commerciales et financières internationales, telles que le FMI et la Banque mondiale s’accroche depuis 1984 à l’industrie minière comme la seule activité fondamentale pour la génération des devises étrangères si nécessaires. 

L’arrivée de M Alpha Condé au pouvoir en 2010, avec sa politique d’exploitation sauvage de la bauxite guinéenne, a accéléré les choses. Il avait alors décidé de fonder les ambitions de développement du pays sur l’extraction du minerai rouge. 

Ce faisant, pendant ces dix années passées au pouvoir plus de 50 % des exportations du pays sont restés concentrés sur le minerai rouge. 

Refonte du code minier avec zéro résultat pour le peuple 

Le régime déchu d’Alpha Condé a mené une refonte du code minier en 2011 dans le but de développer localement la production d’alumine et même d’aluminium qui pourrait offrir une vraie valeur ajoutée et entraîner un surcroît d’emploi. Et peut-être à même calmer la contestation des populations locales de Boké qui s’estiment lésées dans le partage des richesses. 

Sauf que toutes ces réformes ont été vaines, puisqu’ elles n’étaient que de surfaces. 

Ainsi, la bauxite guinéenne sensée être source de bénédiction est devenue une source de malédiction, de pauvreté, de pillage, de destruction environnementale, d’appauvrissement du peuple de Boké. 

Elle ne sert en réalité qu’à enrichir une élite guinéenne décérébrée au cerveau importé à la solde des multinationales voraces, et du système de capitalisme sauvage.

Le minerai rouge guinéen par manque de volonté politique et d’engagement réel de l’État est devenu un frein au développement économique du pays. 

L’État guinéen est pris au piège dans la monoproduction qui s’explique par l’absence d’autres leviers économiques, sur lesquels peuvent se reposer l’économie du pays 

Et cela expose dangereusement le pays au bon vouloir des prix du marché.

L’exploitation de la bauxite avantage que l’élite et les sociétés minières 

Malgré une dette extérieure” fracassante” qu’elle traîne avec des conditions de remboursement intenables, la Guinée a du mal à absorber ses dettes et surtout investir dans les secteurs du développement tels que l’agro-industrie, la santé, l’éducation, l’énergie, les infrastructures routières, ferroviaires et maritimes etc.. 

Ces dettes tout comme les recettes minières à défaut d’être détournées sont utilisées dans la construction des mines, des barrages, des usines électriques et manufacturières, pour transformer les ressources minières du pays. 

Les sociétés minières qui exploitent la bauxite guinéenne sont les grandes bénéficiaires.

Elles sont favorisées par l’État à travers des exonérations d’impôts et des contrats d’exploitation minière qui n’avantagent pas la Guinée. 

La junte militaire guinéenne tente en vain de résilier certains contrats. Sauf que lorsqu’un contrat conclu entre en vigueur, il ne peut être résilié que conformément aux dispositions contenues dans le contrat. 

Les marges de manœuvre pour le résilier sont donc très minces, même si ce sont des contrats qui ne sont pas à l’avantage de la Guinée 

Car sous le régime de M Alpha Condé, les responsables du gouvernement ont ficelé des contrats d’exploitation minière avec des sociétés minières et dont la Guinée en dix ans d’exploitation ne détient que 25 % des parts contre 75% pour la société minière étrangère. 

Une telle vision du développement économique consiste à rendre les pays importateurs plus riches et par contre appauvrir la population guinéenne davantage. 

Or selon un rapport des Nations unies, “plus la dépendance des pays du Sud de l’exportation de minéraux sera grande, plus son niveau de vie sera mauvais. Les niveaux élevés de dépendance des minéraux sont en rapport direct avec les taux les plus forts de pauvreté, de malnutrition et de mortalité infantile. Ils sont également associés à l’inégalité des revenus, aux faibles dépenses en soins de santé, au faible taux de scolarisation primaire et secondaire et d’alphabétisation des adultes, et à une plus grande vulnérabilité aux problèmes économiques.

D’autres études révèlent que les pays dépendant des minéraux sont beaucoup plus exposés à la corruption, à l’autoritarisme et connaissent des gouvernements inefficaces, des dépenses militaires exorbitantes et de guerres civiles.

Lorsqu’on tente de transporter ces études sur la Guinée, on se rend compte que le résultat correspond à 80% aux réalités du pays. 

Une politique d’exploitation minière ruineuse

La promotion d’une telle politique d’extraction minière à grande échelle introduite par le régime de M Alpha Condé et soutenue par la junte militaire guinéenne conduira la Guinée à la ruine. 

La Guinée pour pouvoir bénéficier de ces ressources minières a besoin d’une autre approche centrée sur la protection environnementale, sur la satisfaction des besoins économiques, sociaux et culturels des peuples et des générations futures.

La question est urgente, car la population de Boké qui a perdu  des terres agricoles, et qui ne peut plus pratiquer la pêche, l’agriculture au profit des industries minières ne peut pas attendre. 

Et la jeunesse de Boké mal formée pour pouvoir accéder à autre chose que les tâches les plus mal payées et pour les périodes les plus courtes n’a pas méritée ce sort. 

La bauxite guinéenne ne doit plus continuer à être l’odeur la plus parfaite de la pauvreté et du désespoir du peuple de Guinée. 

On nous fait avaler depuis six décennies d’indépendances de la poussière et de la pollution pour nous faire vomir le désespoir. 

Il faut donc reconsidérer la politique d’exploitation des ressources minières du pays et mettre en place une politique pratique, patriotique qui débouchera sur des résultats à la hauteur des attentes de nos populations. 

Aïssatou Chérif Baldé 

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