L’Etat guinéen n’existe plus ; a-t-il d’ailleurs jamais existé au regard de toutes les souffrances qu’il a fait subir au peuple depuis le fameux NON qui a apporté tant de désillusions ensanglantées ?

La Guinée ne cesse de surprendre dans ses travers :un pays qui se proclame démocratique jusqu’à envisager de passer  par un référendum  pour entendre la voix du Peuple, mais publie des résultats autres que ceux approuvés ;  des opposants qui se coalisent longtemps pour contester toute atteinte à la Constitution et qui, finalement acceptent de se présenter à l’élection présidentielle  avec le candidat sortant à qui, on dénie pourtant  cette prérogative ; un Président de la République qui se prétend messie et utilise artifices et magouilles pour pouvoir s’arc-bouter  sous les oripeaux d’une Constitution forcée et adaptée à sa posture.

Tels sont les grands traits de la physionomie de l’Etat guinéen. 

En effet, c’est un pays à équations multiples qui pratique une démocratie de l’imposture, celle qui défigure le sens des mots et qui installe les maux de toute nature : injustice constitutionnelle, déni de justice constitutionnelle, contentieux sans juge impartial et indépendant, accaparement des biens publics, népotisme, détournement de pouvoir et de fonction, transhumance politique, compromissions. Et cette litanie est simplement indicative.

C’est la déliquescence de l’Etat  qui constitue la marque de fabrique et le signe distinctif de la situation qui prévaut en Guinée.

Il est à cet égard ahurissant et suspect que certains, y compris la communauté internationale, continuent de croire, ou de faire semblant , que ce qui se passe en Guinée n’est que le reflet des turbulences que l’on retrouve partout ailleurs dans nos « démocraties de transition, encore bien fragiles ».

Et pourtant la réalité est toute autre en Guinée: c’est un pays sans  Etat ; tout se confond avec la personne du Président de la République qui est à la fois l’Exécutif, le Législatif et le Judiciaire, et comme  Janus, selon les circonstances et ses intérêts  privés, le pays est orienté dans le sens de ses préférences. Pire, la différence entre opposition et mouvance n’est que de façade. 

Ainsi la Guinée va vers des élections qui n’en sont pas : les résultats sont déjà connus par la grâce d’acteurs  sans foi ni loi ; la fraude institutionnalisée est en amont, la CENI en aval,  la Cour constitutionnelle en ratissage et l’opposition y participe quand même. C’est toute la République qui est à terre, couchée, et qui n’est pas prête de se relever  de sitôt.

Lorsque dans un pays on se targue de se situer sous l’empire d’une  loi fondamentale abrogée, que le symbole de la République use et abuse de méthodes falsificatrices, que la justice se couvre d’un fétichisme juridique de mauvais aloi, c’est admettre et reconnaître que l’ Etat n’est plus ; on  s’en  sert à titre d’adjuvent; on l’invoque pour donner une bonne fausse conscience à autrui qui assiste  passivement  avec une complicité effarante au chant du cygne.

Alors qu’on ne se trompe pas. L’Etat guinéen  n’existe plus ; a-t-il d’ailleurs jamais existé au regard de toutes les souffrances qu’il a fait subir au peuple  depuis le fameux NON qui a apporté tant de désillusions  ensanglantées ?

Non et non ! 

Il faut espérer et croire qu’il est encore possible de se relever : la conscience citoyenne ne peut être  statique ; elle constitue un souffle intemporel et universel qui finit toujours par s’incruster après avoir  emporté ,bien souvent par rafales, ceux qui n’ont jamais cessé de se croire éternels.

L’État, certainement, n’est  plus en Guinée ; mais il sera, irréversiblement, car demain il fera jour pour les despotes, faux opposants et autocrates qui ne pourront échapper d’être engloutis par les flots de la marée montante qu’ils n’ont cessé de narguer ad nauseam.

C’est la rançon de l’incurie et de la gabégie, et ce ne sera pas trop payer pour le retour de l’Etat ,pilier de la Nation. Il reste tout juste à continuer la résistance, quelle qu’en soit la forme.

Aissatou Chérif Balde

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