À l’entame il y’a lieu de comprendre que « le dialogue véritable suppose la reconnaissance de l’autre à la fois dans son identité et dans son altérité».
Ainsi, dans la situation actuelle de la Guinée, où la junte se livre depuis trois ans à des assassinats ciblés, à des Kidnappings forcés, à des emprisonnements des opposants politiques à des violations graves des droits de l’homme et où la transition est devenue lettre morte, où les scandales financiers sont devenus une norme, seulement un dialogue franc, inclusif précédé de conditions préalables n’est possible.
Des conditions préalables au dialogue s’impose
Les forces vives sincères doivent avant s’assurer de l’existence des conditions préalables à un dialogue politique.
Et ces préalables devraient être dans le cas guinéen: la libération sans condition des prisonniers politiques, le retour sans conditions de tous les exilés politiques, l’identification des responsables de la bousculade de N’Zérékoré, l’arrestation des auteurs des crimes financiers impliqués dans les scandales financiers faramineux auxquels fait face notre pays, l’engagement de la responsabilité pénale individuelle des auteurs des crimes sur l’axe ces trois dernières années, et exiger le retour rapide à la légalité constitutionnelle, avec le respect stricte de la charte de la transition qui interdit la candidature aux élections présidentielles prochaines des membres du CNRD.
Et tout dialogue entamé sans le respect de ses conditions préalables ne sera que du dilatoire et ne servira qu’à renforcer le pouvoir militaire françafricain en Guinée.
Donc il serait irresponsable de parler de dialogue politique inclusif en occultant ses problèmes auxquels la Guinée est depuis trois ans confrontée.
Certes les acteurs politiques guinéens sont toujours allés au dialogue pendant ces dix dernières années et cela sans en tenir compte.
Sauf que dans le contexte actuel où des journalistes, des opposants sont portés disparus et emprisonnés, d’autres en exil forcé..
Tout acteur politique qui part au dialogue en occultant cet état de doit accepter l’accusation de complicité et de collaboration avec le mal.
Il mérite ainsi d’être traité de complice de cet État policier qui tue, brutalise, rend l’injustice légale et la sentence criante et excessive.
Un moyen de gagner en temps
Mieux, dialoguer avec un chef de la junte, dont la façon d’être, sa psychologie, ses réactions sont incompréhensibles et imprévisibles, c’est de lui permettre de gagner en temps et surtout l’aider à légitimer son pouvoir.
Car les dialogues qui ont eu lieu ces derniers temps entre les forces vives et le gouvernement de transition n’ont jamais abouti à un réel résultat positif et cela a plutôt aidé la junte à faire asseoir son pouvoir autoritaire.
On comprend par là que si le dialogue est facile à mettre en œuvre, il n’est en revanche pas toujours le moyen le plus efficace pour régler les problèmes.
Le pouvoir en place considère souvent ce type de dialogue comme une manière de gagner du temps en offrant une concertation sous contrôle.
Le dialogue, une nécessité pourtant
Même s’il est difficile de dialoguer avec un gouvernement qui refuse d’élever la voix de l’humanisme, la puissance de la démocratie contre les forces de haines, de rejet, d’incompréhension, ou encore de juger de l’efficacité réelle de ces dialogues, toutefois ceux-ci sont dans ces moments de crise d’une impérieuse nécessité.
Le dialogue dans un pays comme la Guinée où les institutions étatiques sont très fragiles, est nécessaire.
Mais à condition que les acteurs impliqués jouent un franc-jeu.
Or les acteurs étatiques notamment les tenants du pouvoir pour qui le dialogue est un moyen de reprendre du souffle afin de perpétrer les pratiques autoritaires n’ont jamais voulu jouer un franc-jeu.
Certes le caractère despotique de la junte ne facilite pas la mise en œuvre des conclusions de ses dialogues qui est pourtant une phase cruciale pour la décrispation de la situation crisogène et du climat politique très souvent négligée ou enterrée par le régime guinéen.
Le dialogue demeure tout de même une des solutions aux problèmes guinéens, car il permet de ne pas rompre les liens entre les protagonistes.
L’exemple de la libération de l‘opposant camerounais Maurice Kamto qui avait revendiqué sa victoire lors des élections présidentielles de 2018 dans la foulée du grand dialogue national au Cameroun est la preuve de l’importance de ce genre d’initiative.
Et il s’agit dans ce genre de situation de chercher à maintenir dans des situations de crise politique les liens de manière durable, afin de trouver des pistes de rapprochement ».
Et dans un pays comme la Guinée, lorsque les protagonistes apprennent à jouer franc-jeu et surtout comprendre que la politique ne signifie pas haine, mépris, ethnicité, division.
Alors élever la voix du dialogue, du consensus dans le respect des règles de jeux démocratiques, la faire triompher, pour que les guinéens apprennent à se parler, à travailler ensemble, dans le respect, la lucidité et la fierté de ce que nous sommes, «dialoguer » deviendra facile et très d’ailleurs.
Car, il s’agira dans ce cas de mettre en place de bases solides de dialogue, et non pas des apparences de dialogue, de ces miettes de dialogue que la junte jette aux acteurs politiques guinéens juste pour faire croire à leurs partenaires internationaux, comme ils le font depuis trois ans, qu’ils veulent dialoguer alors que, chaque fois, ils refusent de jouer franc-jeu.
Aïssatou Chérif Baldé