Guinée: quel scénario possible après l’annonce du glissement de la transition politique? 

Après l’annonce faite par l’actuel Premier ministre Amadou Oury Bah sur le glissement de la transition politique enclenchée le 05 septembre 2021 sur fond de coup d’État militaire sanglant, plusieurs scénarios sont envisageables dans le contexte actuel. 

Car la prolongation de la transition par la junte militaire guinéenne prouve qu’elle ne veut pas faciliter un retour rapide et apaisé à l’ordre constitutionnel. Les techniques dont elle fait usage depuis bientôt trois ans illustrent cet état de fait. 

Réduire les politiciens au silence 

La première technique utilisée est celle de réduire les politiciens au silence en les envoyant en prison ou en  forçant d’autres à l’exil. 

De nos jours, les ténors de grands partis politiques notamment Sidya Touré, Cellou Dalein Diallo,  ont dû quitter le pays et ceux qui sont restés ont été réduits au silence. 

Toute velléité de former des mouvements de la société civile, de manifester ou de s’exprimer contre le pouvoir en place a été éliminée ou étouffée. 

La technique d’intégration des politiciens au pouvoir

La junte militaire guinéenne a nommé plusieurs membres influents des partis politiques tels l’actuel porte-parole du gouvernement de transition Ousmane Gaoual Diallo, l’actuel Premier ministre Amadou Oury Bah et tant d’autres avec pour objectif émietter et affaiblir les partis politiques. 

Fermeture des médias et intimidation 

Et la troisième technique employée par la junte militaire guinéenne pour confisquer le pouvoir, est celle de réduire tous les grands médias du pays au silence en faisant usage des techniques de censure, d’arrestations de journalistes, d’intimidations, de restrictions des médias privés et des réseaux sociaux et maintenant le retrait des agréments des groupes de médias privés (Hadafo, FiM FM, Djoma FM). 

Maintenant quels scénarios possibles après le report des élections

Dans le contexte actuel trois scénarios sont probablement envisageables.

1-)Écartez les acteurs politiques de taille des élections

Premièrement, le report étant maintenant devenu très probable, Mamadi Doumbouya compte désormais mettre hors d’état de nuire tous les adversaires de taille. Il n’a désormais aucun intérêt à aller aux urnes le plus rapidement que possible car être président d’une transition lui plaît et il peut compter sur le régime français et américain. 

Et il veut avec ce scénario être sûr que lorsqu’il sera prêt d’organiser les élections taillées sur mesure, qu’il n’aura en face de lui aucun opposant qui peut représenter une menace dans la course pour la présidence.

Ainsi il organisera des élections et aura comme adversaire, son actuel Premier ministre Amadou Oury Bah qui participera aux élections gagnées d’avances par Mamadi Doumbouya dans le but de légitimer celles-ci. 

2-) Le deuxième scénario est celui d’un coup d’État militaire ou une tentative de Coup d’État militaire

Ce scénario est celui qui inquiète le plus depuis l’évasion du Colonel Claude Pivi de la maison d’arrêt de Coronthie, l’année dernière. 

Certes pour l’heure personne ne sait ce qu’est devenu Claude Pivi, mais une révolution de palais conduite par les membres du clan de l’ancien président déchu Alpha Condé contraint à l’exil ou encore des membres des forces spéciales exclus de la gestion du pouvoir ne sont pas à écarter.

Il faut noter que Mamadi Doumbouya n’a en réalité pas de condisciple au sein de l’armée guinéenne. C’est un ancien légionnaire français qui a été placé en 2018 à la tête du groupement des forces spéciales par le président déchu Alpha Condé sur fond de calculs ethnicistes. 

Cette unité d’élite avait pour mission de protéger le chef de l’État Alpha Condé contre d’éventuels coups de force, mais elle s’est finalement retrouvée au cœur du renversement de son régime. 

Partant de cette hypothèse, le scénario d’un autre coup de force militaire n’est pas à exclure. 

Même si pour le moment, la junte fait croire au peuple qu’elle contrôlait l’appareil sécuritaire, capable de maîtriser rapidement et efficacement toute menace à son pouvoir. 

Car les récents évènements comme l’évasion du Colonel Claude Pivi de la maison d’arrêt de Coronthie, l’arrestation même d’un charlatan ayant prédit l’année dernière la chute de Mamadi Doumbouya ou encore les incendies récurrents dans le pays sans que les causes ne soient jusqu’à présent connues prouvent que la junte militaire guinéenne n’a forcément pas la maîtrise de la situation sécuritaire du pays. 

3-) Soulèvement populaire comme troisième scénario

Le troisième scénario sera sans doute le soulèvement populaire piloté par les forces vives de la nation comme c’est fut le cas en 2006 et 2007 ou encore en 2009. 

Car depuis la nomination de l’actuel Premier ministre Amadou Oury Bah et la fermeture des médias privés du pays suivis par des sorties très peu rassurantes et bancales du tout nouveau premier ministre quant au retour à l’ordre constitutionnel, la tension est palpable dans le pays et les réactions virulentes des forces vives se multiplient. 

Et puis la situation socio-économique est extrêmement inquiétante. Les Guinéens ont déjà montré à plusieurs reprises un ras-le-bol d’une crise sociopolitique et économique liée à la cherté de la vie, au manque d’électricité sans fin. 

La Guinée n’est pas le Mali, le Tchad ou le Burkina Faso 

Espérons que Mamadi Doumbouya et son Premier ministre Amadou Oury Bah vont se ressaisir et conduire le pays vers un retour à l’ordre constitutionnel apaisé pour éviter au pays un nouveau désastre. 

Et que Doumbouya n’est pas si mal conseillé pour continuer à cautionner que chaque transition politique en Guinée soit forcément un échec et que la violence, l’arbitraire doivent être la seule réponse de l’État aux multiples problèmes guinéens

Car la Guinée n’est ni le Mali, ni le Burkina Faso, ni le Tchad. 

La Guinée n’est pas confrontée au terrorisme ou encore à des mouvements rebels comme c’est le cas des pays cités ci-dessus. 

Les problèmes guinéens sont plutôt liés au manque de volonté politique et d’engagement des acteurs étatiques qui refusent de faire aboutir le processus de démocratisation en Guinée.

Aïssatou Chérif Baldé 

2 commentaires

  1. Bientôt à 3 ans depuis son arrivée par ce coup de pustch et a son 3e PM transitoire, ce légionnaire parrainé par Paris et Washington
    qui ont été chasser du sahel est loin de tirer une révérence pour un retour à l’ordre constitutionnel car vus ces multiples glissements, la censure et le retrait licences des médias ainsi l’interdiction de toute manifestation individuelle sur l’étendue territoire; nous sommes contraintes de vivre cette résignation et absorbation.
    Par ailleurs, vus cet enjeu, seul 1 nouveau putsch ou 1 soulèvement populaire pourrait mettre fin à cet abus de pouvoir

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