En Guinée, ce pays où tout ce qui est interdit est permis, mon emprisonnement m’a forgé. (Par Aissatou Cherif Baldé-Diallo)

Et c’est pourquoi je cherche à trouver les raisons qui font que la plupart des détenus et exilés politiques sous le régime déchu du président Alpha Condé, c’est-à-dire les anciens membres du bureau politique national de l’UFDG, le parti politique de l’opposant Cellou Dalein Diallo, les anciens membres du gouvernement déchu, des membres influents du parti du président Alpha Condé l’ayant encouragé à faire le putsch constitutionnel deviennent des centristes, des pèlerins, des béni- oui-oui de la junte ou quittent carrément l’opposition pour devenir une caisse de résonance du régime militaire? 

Que se passe t-il réellement dans les geôles de la maison d’arrêt de Conakry ? 

Les détenus politiques sont-ils soumis à un lavage de cerveau qui les amène à changer aussi rapidement de langage juste après leur libération?

Ou bien nous avons juste à faire à des opportunistes politiques sans conviction et idéal,des mécontents, sans repères qui s’agitent pour être bien vu par le monarque autoproclamé de Conakry, dans l’espoir d’obtenir un point de chute ? 

Vu l’évolution des choses dans ce pays en hibernation continue, il est clair que la plupart des gens s’engagent en politique parce qu’ils veulent être à la mangeoire. 

Il s’agit ici des arrivistes qui ont appris à agir selon les circonstances du moment. Et ils méprisent les principes doctrinaux, moraux et les idéaux. 

D’où la nécessité de changer de positions, de programmes, d’apprendre à s’adapter aux circonstances du moment et d’en tirer le meilleur parti au détriment bien évidemment des principes moraux et doctrinaux.

Ils ont la veste à la main 

Ces gens ont leurs veste à la main. Ils peuvent ainsi la retourner quand leurs intérêts sont en jeu.

On tourne la veste du côté du pouvoir pour aller à la mangeoire, puis on la retourne dès que l’on est plus en bon terme avec le parti au pouvoir. 

Ils sont pires que les bourreaux du moment, car ils pratiquent l’arrivisme agressif.

Donc capable d’user de n’importe quel moyen pour s’imposer dans le paysage politique guinéen.

Ce sont en gros des arrivistes précocement aigris prêts à aller en prison pour faire semblant d’être ce qu’ils ne sont pas. 

Nous devons apprendre à faire la politique autrement 

L’attitude de ces arrivistes très nombreux aujourd’hui dans le paysage politique guinéen doit nous interpeller pour qu’on apprenne à faire la différence entre ceux qui font de la politique pour défendre l’intérêt des guinéens sans verser dans le divisionnisme, l’ethnicité, l’arrivisme, l’opportunisme et ceux qui plutôt cherchent à faire du peuple des victimes flatteuses, des moutons aux cerveaux lobotomisés. 

Il faut comprendre qu’on peut faire la politique autrement, en faisant des principes moraux et doctrinaux sa référence. 

En politique, comme le disait Fidel Castro, il faut accepter de tout perdre sauf ses principes.

Le combat politique ne doit pas être perverti et réduit aux intérêts opportunistes et des faux calculs.

Car s’engager en politique signifie porter l’intérêt  de la nation et du peuple dans son cœur d’abord. 

On doit donc refuser d’être obnubilé par la réussite matérielle et les intérêts égoïstes et opportunistes. 

Mais apparemment, le fait que certains de ses faux exilés ou prisonniers politiques soient obnubilés par la situation anormale du pays, la faculté mentale des uns s’est obscurcie et d’autres ont perdu de leur lucidité, ils n’y voient plus… qu’à travers un nuage, une fois la liberté recouvrée. 

Mon emprisonnement m’a forgé

En réalité, la prison ou l’exil doivent te rendre plus fort, résilient, endurant, des qualités indispensables pour atteindre tes objectifs.

Ces deux expériences aussi douloureuses soient elles doivent te préparer à ne pas subir pour pouvoir vaincre les démons de tout pouvoir despotique.

En tout cas mon emprisonnement en mars 1996, suivi de ma libération en juillet de la même année, après avoir été jugée et condamnée à 18 mois de sursis à l’épreuve par M Abou Camara juge de paix de la justice de paix de dixxin et devenu ministre de la justice sous le régime de Conté n’ont pas fait de mois un mouton au cerveau lobotomisé, une arriviste, opportuniste.. même si les opportunités n’ont pas manqué.

Une visite des députés en prison pas comme les autres

Emprisonnée dans la maison d’arrêt de Coronthie, on nous avait obligé à recevoir une visite des députés de la mouvance présidentielle de Conté.

Cette délégation était pilotée par Ahmed Tidiane Cisse ancien député sous le régime de Conté et ancien ministre de la culture sous le régime d’Alpha Condé.

Et la visite des députés de la mouvance présidentielle de Conté avait pour objectif de nous amener à faire une déclaration qui suspendait notre grève tout en accusant Bah Mamadou et Siradio Diallo de nous avoir manipulé, car selon eux étant des filles et très jeunes, cette grève ne peut pas être notre idée.

En contrepartie, nous retrouverons notre liberté et avec tant d’autres privilèges. 

Notre réponse fut cinglante, nous avons non seulement refusé de céder à la pression et chantage de ces députés, surtout d’Ahmed Tidiane Cissé qui fut très agressif et manipulateur avec nous. 

Mais on a avait fait le choix de rester en prison tant que c’est nécessaire en refusant de vendre notre âme au diable et en créant encore davantage des ennuis à Bah Mamadou et Siradio Diallo que l’on ne connaissait même pas. 

Mieux nous étions non seulement convaincues du sens noble de notre lutte et elle méritait d’être menée.

Et nous avons fait comprendre à la délégation des députés du PUP que si demander l’amélioration des conditions de vie des étudiants guinéens à un régime oppressif, corrompu et corrupteur dont l’élite n’hésite pas d’envoyer leurs enfants dans les meilleures universités du monde avec l’argent du contribuable guinéen était un crime, alors il n’ont qu’à nous maintenir en prison. 

Telle fut notre réponse à feu Ahmed Tidiane Cissé!

Il s’en alla sur la pointe des pieds avec un air agressif.

Ai-je eu tort d’avoir procédé ainsi ?

Victimes d’abus avec un œil presque abîmé et témoin d’autres abus aussi sur les prisonnières de droit commun telles que Salamata, Bintou et sur les enfants innocents prisonniers tels que notre courrier Daouda qui n’était âgé que seulement de 7 ans, ce n’était donc pas les pressions des députés zélés qui allaient encore nous faire peur. 

Alors ai-je eu tort d’avoir procédé ainsi?

Je pense que non et si c’est à refaire, j’agirai de la même façon. 

Car lorsque la soif de liberté, la solidarité, la justice sociale, l’épanouissement du peuple africain constituent le socle de votre engagement politique et citoyen, vous résisterez aux démons de tout pouvoir despotique et cela quelles que soient les circonstances qui conditionnent votre vie. 

La suite bientôt disponible dans mon livre autobiographique 

Aissatou Cherif Balde

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