À l’entame, il faut rappeler que Louis-Léon César Faidherbe (1818-1889) fut un personnage français et un colonisateur brutal et raciste.
Ses écrits inspirés de la guerre qu’il a mené contre le royaume du Fouta Toro d’El hadj Oumar Tall, dans le Sénégal actuel, qui lui opposa une résistance farouche et une zone dont il fut d’ailleurs gouverneur et représentant d’un système criminel colonial, étaient des véritables stéréotypes du peuple Fulbhè de l’Afrique de l’ouest.
Quant au Fuuta Djaloo, quoique tardivement colonisé (1896-1958), il fut aussi gouverneur de cette zone dénommée plus tard Guinée-Française.
« La récusation de toute notion de contrôle et d’ingérence, le refus opiniâtre de laisser une puissance étrangère empiéter sur la souveraineté de l’État, non seulement en 1881, mais également lors de tentatives expansionnistes ultérieures (colonne Plat 1887-1888, colonne Levasseur 1888, colonne Audéoud 1888)[52], la mission Briquelot en 1888-1889, à l’initiative d’Archinard, tente vainement de convaincre les Almamys des intentions pacifiques de la France.
Cette résistance s’appuie sur un concept clair : « Le Fuuta Djaloo doit être aux Peuls et la France aux Français. »
Et « Le rejet par les Almamys de toute notion de protectorat s’accompagne d’une résistance militaire, consistant à entraver l’expansion de la France au Soudan en s’alliant à Samory Touré, le principal adversaire de la France ».
« En cela, la France se révéla à peu près impuissante à peser sur les relations entre Samory Touré et les Almamys. D’autant plus que, depuis l’autonomie des Rivières du Sud (août 1889), celle-ci mène une politique d’expansion pacifique à l’égard du Fuuta Djaloo, remettant à plus tard l’éventualité d’une occupation militaire, tandis qu’Archinard multiplie les lettres d’apaisement à l’égard des Almamys » peut-on lire dans Wikipedia.
Il a fallu donc attendre la bataille de Porédaka en 1896 où le dernier Almamy Bocar Biro, dernier Almamy du royaume du Fuuta Djaloo tomba héroïquement face à l’armée impérialiste française pour le royaume du Fuuta Djaloo soit soumis au joug de l’impérialisme mélanophobe français.
https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Peuls
Thierno Monembo rend Faidherbe responsable de la stigmatisation des Fulbhès
Pour Tierno Monénembo, L’ostracisme que vivent parfois les Peuls en Afrique ne vient ni des Malinkés, ni des Sousous, ni des Wolofs, ni des Djermas, ni des Bambaras, ni des Mossis, ni des Pygmées, ni des Zoulous.
Il vient de Faidherbe et de Faidherbe seulement. Faidherbe avait deux raisons d’en vouloir aux Peuls. C’est El Hadj Omar qui lui a résisté. Ensuite, le premier gouverneur du Sénégal avait un rêve : faire de Timbo, l’ancienne capitale du Fouta-Djalon, la capitale, de l’AOF (l’Afrique Occidentale Française).
Il s’en était confié d’ailleurs à Olivier de Sanderval lors de leur rencontre à L’Exposition Universelle, tenue à Paris en 1889. Propos que je rapporte mot pour mot dans mon roman, Le Roi de Kahel : « Eh bien, Le Fouta-Djalon, j’en fais mon affaire. Pour ce qui est de vos traités, vous pouvez compter sur moi ! Et si jamais, il se créait un Empire français d’Afrique, sa capitale serait Timbo.»
Si vous observez les cartes de cette époque, c’est effectivement Timbo et non Dakar qui est indiqué. Mais convaincus que la colonisation n’était qu’un épiphénomène provisoire et réversible, les almamis (ainsi appelait-on, les rois du Fouta-Djalon) s’y opposèrent systématiquement. Comme ils s’opposeront plus tard à ce que la ligne de chemin de fer Conakry-Kankan passe par leur capitale. Celle-ci sera déviée vers Kégnéko et Saramoussaya avant d’atteindre Dabola et Kouroussa.
Faidherbe en gardera un profond dépit. Dépit qui lui fera écrire cette directive pleine de fiel adressée à tous les administrateurs placés sous sa tutelle : «Parmi les Indigènes que nous avons eu à coloniser, il y a une ethnie qui n’acceptera jamais notre domination. Et il se trouve que cette ethnie est très répandue sur notre ère de colonisation. Il est urgent et impératif pour notre présence en Afrique de réussir à les diviser et de leur opposer les autres ethnies moins rebelles. Car le jour où les Peuls se regrouperont, ils peuvent balayer sur leur passage toutes les forces coloniales. Nos gouverneurs doivent considérer cette action comme un devoir national.»
Oui, vous avez bien lu : « les diviser et leur opposer les autres ethnies moins rebelles » ! Diviser pour régner ! Une ruse vieille comme le monde, la fameuse ruse du colon : « Malinkés, regardez ce que font les Peuls ! Peuls, regardez ce que font les Malinkés ! Soussous, regardez ce que font les Kissis !… Regardez-vous, les uns les autres ! Que personne ne regarde ce que font les Français !»
Une stratégie qui continue d’orienter la politique africaine
On a l’impression que cette stratégie politique mûrement réfléchie continue d’orienter la politique africaine de l’ancienne puissance coloniale.
Les Français qui par ailleurs ne tarissent pas d’éloges sur la culture et les institutions peules, s’en méfient comme de la peste dès qu’il s’agit de politique active.
C’est pour barrer la route à Yacine Diallo et à Barry Diawadou (les premiers députés de la Guinée Française) que dans les années cinquante, Bernard Cornu-Gentil puis Pierre Messmer avec la complicité d’Houphouët-Boigny, levèrent le lièvre Sékou Touré.
Un Lièvre qui leur échappera d’ailleurs très vite pour tomber dans les bras du Parti Communiste Français et donc du grand-frère soviétique avec les conséquences que l’on sait.
Comment de nouveau ne pas songer à Faidherbe quand on considère les conditions rocambolesques dans lesquelles s’est déroulée l’élection présidentielle de la Guinée en 2010 ?
Arrivé en tête au premier tour avec 44 % des voix (contre 18 à son adversaire), Cellou Dalein Diallo s’est retrouvé battu au second tour alors qu’entre-temps, 5 mois se sont écoulés et que le fichier électoral a été réduit en cendres dans un incendie resté inexpliqué à ce jour.
La France garderait-elle dans ses tiroirs africains un agenda secret du type « tout sauf un Peul » ?
A tort ou à raison, bon nombre de Guinéens ne sont pas loin de le penser a enfin lancé Tierno Monénembo.
Et c’est ce que cette même France fait aujourd’hui en Guinée à travers son ancien légionnaire français Mamady Doumbouya depuis le 05 septembre 2021.
Le pouvoir français ne peut pas être l’allié des Fulbhès
Il faut noter que le Colon, tout comme ses héritiers ne peuvent en aucun cas être nos alliés.
Nos États africains tout comme les Fulbhè sont en grande partie victimes des conséquences du colonialisme qui était fondé sur la politique de diviser pour régner.
En outre, « le colonialisme nie et piétine les cultures négro-africaines. Il est assimilable à une oppression collective d’ordre économique, politique et culturel; ce qui bloque le système de référence des peuples colonisés, en même temps que l’évolution normale des sociétés ».
Et nous subissons encore aujourd’hui ses conséquences.
Car après l’indépendance ce système s’est transformé en une sorte de volonté de domination et éventuellement dans des formes détournées ou discrètes dénommées le néocolonialisme.
Le néocolonialisme a pour objectif la perpétuité de la dépendance économique, politique et culturelle comme l’attestent d’ailleurs les accords de coopération des États africains avec la France juste après les indépendances.
Il entrave de par sa forme et ses méthodes, le développement des anciennes colonies françaises d’Afrique, en créant des inégalités et en provoquant des tensions politiques et sociales.
Et c’est surtout ce système qui soutient aujourd’hui les pouvoirs despotiques, les républiques héréditaires, les coups d’États militaires sur le continent africain. Des pouvoirs politiques tenus par une élite criminelle satrapique qui n’a pour objectif que le maintien du peuple africain dans le sous-développement.
On arrive toujours pas à se libérer de l’emprise spectrale du maître.
Le dominant ne peut panser les plaies du dominé
Nous devons comprendre qu’il n’existe aucune page de l’histoire, où l’on voit le dominant panser les plaies du dominé.
Postcolonisés que nous sommes, nous devons désormais être les seuls responsables de notre salut.
Il nous est surtout interdit d’être l’allié ou « la voix du maître».
Car son objectif à travers sa politique de diviser pour régner est de participer à la fragilisation des régimes politiques capables de développer nos pays dans l’union des peuples africains qu’il met à mal depuis l’indépendance par des coups d’Etats, des assassinats de leaders…
Nous devons donc commencer par générer en notre sein des lumières, ces intellectuels qui vont éclairer le peuple afin d’atteindre la maturité nécessaire, pour mettre fin à la stigmatisation des Fulbhês et à la division de nos peuples partout en Afrique.
À défaut, ils continueront d’opposer les peuples africains, de soutenir des pouvoir politiques exerçant la violence contre leur propre peuple comme leur pion Mamady Doumbouya en Guinée et avoir enfin de compte une société aliénée, sans pensée propre, sans identité, sans éducation.
Pour finir il existe pour nous Fulbhè et pour nous Africains aucunement de préalables nous conduisant à croire au messianisme de la France sur le destin de l’Afrique
Aïssatou Chérif Baldé
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