Guinée: Le général et les 369 otages (Par Alpha Issagha Diallo).

Le légionnaire s’était juré de ne jamais trahir la parole donnée. Il l’avait même scellée sur son palpitant, devant Dieu, les caméras et la nation. Quatre ans plus tard, le même cœur bat au rythme d’une ambition qu’il jurait étrangère.

Le soldat de la République s’avance donc, la main sur le Code électoral qu’il a lui-même bricolé, en candidat indépendant. Indépendant de qui ? De la honte, peut-être.

Car dans ce théâtre d’ombres, tout le monde connaît le scénario. Les présidents de délégations spéciales, qu’il a lui-même nommés, se sont alignés comme des élèves devant l’instituteur. Trois cent soixante-huit signatures ! Un exploit de soumission collective. 

On dirait une opération de recouvrement politique : il les a nommés à crédit, ils remboursent en acompte par le parrainage de sa candidature. Le reste se réglera par la caution de la mascarade électorale.

Le peuple, lui, observe, fatigué mais lucide. Il sait que le « candidat indépendant » dépend de tout : du décret, du silence des juges, des uniformes qui gardent la nuit et des micros qui s’éteignent dès qu’un opposant tousse. Il dépend même du mensonge, car c’est la seule chose qu’il n’a jamais eu besoin de prouver.

Le soldat qui se voulait transition devient transition lui-même : interminable, verrouillée, éternelle. 

Il voulait « rendre le pouvoir au peuple » ; il a préféré le louer, à durée indéterminée. Et pour donner un parfum de démocratie, on parle de « parrainage populaire ». 

Populaire, vraiment ? Quand ceux qui signent sont ceux qui tremblent ? Quand la loyauté se compte en décrets et se paie en silence ?

Le légionnaire n’a plus besoin de convaincre : il suffit d’ordonner. Et il a surtout remplacé la propagande par la peur, et la légitimité par l’unanimité des obligés. Même le mot « élection » a perdu son sens. Ce sera plutôt une inspection militaire, où chaque bureau de vote ressemble à une caserne, chaque électeur à un soldat en permission.

Et dire qu’il avait promis. Promis de ne pas être candidat. Promis de rendre la démocratie. Promis à restaurer la confiance. Aujourd’hui, il n’a restauré que le culte du parrainage, de la démagogie populiste, de la personnalité, sa personnalité surtout, la prière du décret et le mensonge d’État érigé en doctrine. 

Sa parole est devenue aussi légère qu’un communiqué du CNRD : elle flotte, puis s’évapore.

La Guinée, encore une fois, rejoue sa tragédie préférée : le militaire qui venait pour sauver finit toujours par s’élire pour durer. Et chaque fois, on nous demande d’applaudir l’effort.

Mais l’histoire, elle, n’applaudit plus : elle ricane. Elle sait que la prochaine promesse sera celle de ne pas briguer un troisième mandat… avant de briguer la République tout entière.

Alors qu’il profite de ses signatures, le général-candidat. Qu’il compte ses parrains comme on compte ses complices. Qu’il savoure l’illusion d’un peuple qui fait semblant d’y croire. Car quand viendra le moment de solder le crédit, il découvrira que les signatures ne valent rien quand le peuple efface la dette.

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