D’ici la fin de l’année 2025, on s’attend à sept élections présidentielles en Afrique :
-Une en Afrique de l’Ouest : Côte d’Ivoire (25 octobre 2025).
-Deux en Afrique centrale : Cameroun (octobre 2025 ?), Centrafrique (décembre 2025).
-Trois en Afrique de l’Est et Océan Indien : Tanzanie (octobre 2025 ?), Malawi (septembre 2025), Seychelles (27 septembre 2025).
Mais si elles sont source de stabilité dans les pays anglophones d’Afrique, et pourquoi dans les pays francophones d’Afriques, au lieu de stabiliser, elles les déstabilisent le plus souvent.
Les élections qui sont en temps réel la pierre angulaire de la démocratie, puisque c’est à travers elles que le pouvoir du peuple par le peuple et pour le peuple se manifeste aisément, sont malheureusement depuis l’avènement du multipartisme dans les anciennes colonies françaises d’Afrique et notamment en Guinée au début des années 90 source de conflit et d’affrontement meurtrier.
Une situation incompréhensible pour les populations de cette zone et surtout celles qui militent pour l’opposition politique.
Et ce qui donne l’impression que les peuples de ces zones avec pour exemple la Guinée, le Cameroun, la Côte d’Ivoire, le Tchad désabusés aujourd’hui par la situation commencent à regretter l’époque du monopartisme, du parti-État, où de tels conflits ne pouvaient pas paraître puisque le vainqueur des élections était connu d’avance et qu’il n’y avait qu’un seul parti qui participait aux élections.
L’exemple de la Guinée
En effet, on avait pourtant cru qu’avec l’arrivée de l’opposant historique à la tête de l’État en 2010, les guinéens n’allaient plus faire face à de tels conflits puisqu’il en a été victime de par le passé.
Sauf que la réalité fut tout autre avec l’ancien président Alpha Condé en Guinée. Et sous son règne, les élections ont continué de plonger la Guinée dans une situation conflictuelle, dans une crise électorale récurrente ayant entre autres conduit au putsch militaire du 05 septembre 2021.
Et pourtant les élections étant cet instrument à travers lequel le peuple doit librement exprimer son choix ne doit pas être perçues comme source de conflit ou utilisées comme telles, puisqu’elles doivent forcément être très fréquentes dans un processus démocratique.
On voit bien dans ce pays avec un héritage étatique violent et empoisonné, même une simple élection référendaire ne peut se faire sans terreur des autorités.
Et c’est ce que l’élection référendaire unilatérale de la junte militaire guinéenne qui s’est tenue le 21 septembre 2025 nous a prouvé.
Les acteurs étatiques font du processus électoral source de conflit
À l’évidence, les acteurs politiques mais surtout étatiques, c’est-à-dire les détenteurs du pouvoir passent par tous les moyens pour faire du processus électoral, une source de division, de haine, d’affrontements meurtriers.
L’attaque du cortège de l’opposant guinéen Cellou Dalein Diallo à la rentrée de la ville de Kankan le 11.10.20 ou encore l’exclusion de l’opposant historique camerounais Mauro Kamto du processus électoral en cours dans le pays de Paul Biya sont illustratifs de cet état de fait.
Ce qui pousse à se demander, pourquoi les élections qui sont censées favoriser un cadre nouveau, sont sources de violences et de haines?
Pourquoi les élections au lieu de stabiliser, déstabilisent le plus souvent en Guinée, au Cameroun, en Côte d’Ivoire et même au Sénégal ?
Des causes multiples
Au fait les causes de cette situation crisogène liée à l’organisation des élections dans les pays francophones d’Afriques et plus particulièrement en Guinée sont surtout très variées.
Mais elles ne sont pas propres à la Guinée, puisque dans beaucoup de pays africains, elles font parties de ce qu’on appelle la violence politique, qui est une forme de conflits anarchiques et destructives, destinés à atteindre un but politique, comme paramètre de la stratégie.
Et ce genre de violence politique vise le contrôle du pouvoir politique en passant par la force.
L’élection présidentielle de 2010 en Guinée ou encore celle de 2011 en Côte d’Ivoire constitue un exemple très illustratif de ce genre de violence.
Cependant, il faut noter cette violence politique voulue et entretenue par le pouvoir est favorisée par le manque de culture politique, citoyenne des guinéens, par l’appétit du pouvoir chez les leaders politiques et les tenants du pouvoir, et surtout par la lutte du contrôle des structures en charge d’organisation des élections.
Le manque de culture du peuple pose problème
En effet le manque de culture politique démocratique des guinéens demeure l’une des causes principales de ces crises électorales émaillées d’affrontements voire même meurtriers. Et le manque de culture politique constitue un véritable frein à l’enracinement du pluralisme dans les pays francophones d’Afriques et plus particulièrement en Guinée qui se traduit par le manque d`éducation démocratique de la population guinéenne.
Une population qui a malheureusement une méconnaissance des principes fondamentaux de la démocratie démocratiques tels que : la liberté de presse et de l’information, l’existence de l’alternance véritable du pouvoir, le respect de la constitution, l’existence de plusieurs partis politiques aux idéologies différentes qui luttent sainement pour la conquête du pouvoir, la séparation réelle des pouvoirs , le respect de la dignité humaine, la liberté de travail etc…
Une méconnaissance observée aussi chez les acteurs politiques
Plus inquiétant encore est le fait que cette méconnaissance des principes fondamentaux de la démocratie soit observée même chez les intellectuels notamment les leaders politiques. Une situation qui complique donc l’émergence d’une société démocratique en Guinée. Car la classe politique guinéenne caractérisée d’ores et déjà par une déficience morale et intellectuelle, font une très mauvaise appréciation du jeu démocratique. Et leur appréciation est souvent liée à la satisfaction de leurs intérêts égoïstes. Étant d’ailleurs toujours de mauvaise foi, ils nagent dans le dilatoire,oubliant qu’ils sont d’abord des formateurs et des exemples et feignant de comprendre qu’ils sont en face d’une population à presque 80% analphabète, privilégiant ainsi leurs ambitions et droits par rapport à leurs devoir.
L’appétit du pouvoir, source du conflit électoral
La plupart des hommes politiques et acteurs étatiques guinéens ont des comportements despotiques et autoritaires. Le pouvoir rien que le pouvoir sans conviction aucune, sans un idéal semble être le leitmotiv du politicien guinéen
Ils sont tellement obnubilés par le pouvoir d’État, qu’ils oublient tout autour d’eux et perdent le sens même de leur humanisme.
Tel est d’ailleurs le cas aujourd’hui avec le putschiste Mamadi Doumbouya devenu en trois ans une déception programmée de l’histoire récente de la Guinée.
L’État étant dans ce contexte, la seule source de revenus intarissable et le seul moyen d’enrichissement rapide, chacun se transforme donc en politicien et pense avoir la capacité de la gestion des services publics.
Car ils savent qu’une fois avoir occupé un poste ministériel, de DAF, de DG ou une fois devenu Président le de la République , ils seront libres de dilapider les ressources de l’État sans être inquiétés.
Ils savent qu’en Guinée lorsqu’on est président de la République ou ministre, outre le budget officiel qui permet le fonctionnement du pays, on dispose facilement d’un budget spécial qui échappe à tout contrôle fiscal.
Et ils disposent donc d’une caisse noire qui leur permet d’acheter une clientèle politique. C’est ce qui facilite actuellement le débauchage des cadres de l’opposition politique par la junte.
Ensuite, être au pouvoir est un moyen de placer dans l’administration publique tous ses proches. Encourageant ainsi le népotisme, le clientélisme,l’ethnisme politique.
L’actuel chef de la junte Mamadi Doumbouya ainsi que les membres du CNRD sont l’incarnation de ces pratiques nocives.
Le pouvoir, un instrument qui confère honneur
Ainsi le pouvoir devient cet instrument qui confère honneur et prestige à son détenteur.
Et c’est pourquoi les chefs leaders se battent pour être la clé de voûte de leur société et de leur clan mais jamais pour être un chef d’État.
Et dans ce contexte les élections deviennent forcément un champ d’affrontement. Un fait qui explique d’ailleurs pourquoi certains membres du gouvernement de transition se distinguent pendant cette période préélectorale par un écart de langage inédit, teinté de haine et de mépris.
Le contrôle des structures en charge des élections, source de conflit
Les crises pré-électorales et post-électorale sont liées au contrôle des structures
chargées d’organiser les élections telle que la DGE créée récemment par la junte militaire guinéenne, qui demeure tant au niveau des opposants que du pouvoir un aspect de leur programme de gouvernement ».
En effet, le contrôle de ces structures focalise leur attention, créant ainsi la suspicion et la méfiance entre eux. Et dans cette bataille fausse ou vraie que livre l’opposition et chaque partie voulant vaille que vaille avoir une mainmise sur le dispositif électoral, la tension devient extrême.
Et c’est le cas d’ailleurs aujourd’hui en Guinée, puisque la nouvelle structure chargée d’organisation des élections prochaines en Guinée est devenue sous le régime actuel, un instrument de recensement démographique sur fond de calculs ethnicistes et hégémoniques.
Ainsi dans ce bras de fer engagé entre les deux camps, on aboutit le plus souvent à une absence de dialogue inclusif et constructif; chaque partie campant sur ses positions.
S’appuyant alors sur les forces régaliennes, le pouvoir impose ses points de vue en accaparant tout le déroulement du processus électoral.

Des facteurs externes, sources de conflits électoraux
Il existe outre les facteurs internes précités, d’autres qui sont exogènes tels que le rôle de la communauté internationale qui manque de tact et de transparence dans la gestion de telle crise.
Mais aussi et surtout le rôle de la presse internationale qui, ayant des objectifs inavoués, tentent souvent de travestir les informations selon une vision dictée par leur gouvernement et enveniment ainsi la tension dans les pays francophones d’Afriques.
Mais nonobstant cet état de fait, les facteurs endogènes cités ci-dessus sont plus déterminants dans la naissance d’une telle crise.
Des solutions possibles pour éviter ces conflits
Face aux insuffisances des systèmes électoraux dans les pays francophones d’Afriques et en Guinée avec pour conséquence une crise électorale sans fin, la subvention par l’État des Organisations de la Société Civile, l’engagement des jeunes à assumer plus de responsabilité, la formation de la population par le pouvoir, la société civile et les partis politiques en vue de promouvoir l’émergence d’une culture politique citoyenne sont d’une impérieuse nécessité.
Le gouvernement guinéen, les leaders politiques surtout les jeunes leaders doivent s’engager à œuvrer pour des élections inclusives, apaisées et participatives en Guinée, pour pousser les autorités guinéennes à institutionnaliser le dialogue politique, dans le respect des règles du jeu démocratique, pour éviter qu’à chaque fois qu’un conflit électoral se pose, qu’il ne soit remplacé par un accord.
Il faudra aussi nécessairement encourager à cet effet, l’alternance au sein des partis politiques, pour empêcher la pérennisation des présidents de partis politiques. Car en Guinée une fois président de parti politique, toujours président.
Et l’État guinéen, si État y’en à doit surtout travailler sur la formation et la compréhension du fonctionnement des systèmes électoraux des leaders politiques, et des citoyens guinéens en général, car ils en manquent profondément.
Enfin, l’État, une fois le retour à l’ordre constitutionnel rendu possible, doit mettre en place un mécanisme juridique de lutte contre la fraude électorale, notamment par l’élaboration de codes électoraux consensuels, tout en renforçant l’indépendance de la structure chargée d’organiser les élections.
À défaut les élections continueront à empêcher l’enracinement de la démocratie en Guinée et resteront source de conflit, de diversion et de division en Guinée.
Et les coups d’États récurrents avec des putschistes galvanisés par des sbires sans foi ni loi continueront d’être la règle.
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