Les causes du blocage du processus de démocratisation en Guinée. (Par Aissatou Cherif Baldé-Diallo). 

Le pluralisme socioculturel ne devrait pas être incompatible avec la démocratie, comme idée et mode de régulation politique en Guinée.

Mais de 1958 jusqu’à nos jours, ce qui, sous d’autres cieux, constitue une richesse de l’espace sociopolitique, est devenu dans ce pays de l’Afrique de l’ouest, dénommé la Guinée, le « nœud gordien » du marigot politique guinéen

Manipulation des différences ethniques, l’une des causes du blocage de la démocratie en Guinée 

Et pour cause, le débat politique est réduit à l’instrumentalisation ou à la manipulation des différences ethniques à des fins strictement électoralistes et ultimement pour accéder ou se maintenir au pouvoir.

Ce phénomène demeure d’ailleurs l’une des causes de participation de certains partis politiques de l’opposition au référendum constitutionnel prévu ce 21 septembre 2025, un référendum fondé pourtant sur une constitution caractérisée par une légalité forcée. 

Certes, c’est un euphémisme de dire que les acteurs politiques et étatiques guinéens, tout bord confondu, procèdent à la substitution de l’intérêt communautaire à l’intérêt national, au favoritisme, ou népotisme, le clientélisme.

Mais qu’à cela ne tienne, les questions essentiellement liées au développement du pays, à la réduction des inégalités sociales, tout comme celles relatives à la sauvegarde des acquis démocratiques, sont reléguées au dernier plan au profit des idéologies ethnicistes.

Et d’ailleurs pendant les campagnes électorales, comme c’est le cas actuellement où toute l’administration est au ralentie pour faire une pré-campagne présidentielle en vue de permettre à un ancien légionnaire français de devenir par effraction, le prochain Blaise Compaoré de la sous-région ouest africaine. Il n’est jamais question de programme électoral ou de programme politique, tout tourne autour des questions superflues, autour des mensonges. 

Pourtant aucune démocratie ne peut fonctionner dans une société ethniciste, aucune vision d’ensemble des choses, aucune politique sérieuse ne peut être entreprise, avec succès dans un tel contexte.

La déconstruction de la dimension institutionnelle du pouvoir politique, un autre instrument de blocage 

À côté de l’ethnocentrisme politique comme instrument de blocage de la consolidation démocratique en Guinée, existe cet autre facteur axé sur la déconstruction de la dimension institutionnelle du pouvoir politique par des acteurs politiques eux-mêmes en usant de la culture du mythe du chef dans les sociétés africaines.

Une posture qui a eu en Guinée, depuis le régime de Sékou Touré jusqu’à nos jours, des conséquences très négatives, qui est donc devenu un héritage empoisonné, car donnant à la notion du pouvoir politique un caractère patrimonial.

Dès lors, aussi bien ceux qui gouvernent que ceux qui aspirent à gouverner, se comportent comme si le pouvoir était leur propriété personnelle, un élément de leur patrimoine qu’ils pourraient transmettre à leurs héritiers. Et ces comportements commencent d’abord au sein de leurs partis politiques respectifs et se poursuivent une fois au pouvoir.

Le cas de l’actuel chef de la junte militaire guinéenne en est un exemple illustratif. 

Aussi, il n’est pas surprenant de constater que les constitutions depuis 1990 ont toujours été du « taillée sur mesure » en Guinée, c’est-à-dire en faveur d’un chef inamovible. Une façon donc  d’assurer la pérennité d’un régime, enterrant ainsi, définitivement, toute possibilité d’alternance démocratique en Guinée.

On nous impose une vaste plaisanterie démocratique 

À côté de ces facteurs cités ci-dessus favorisant le blocage de la consolidation démocratique en Guinée, Il y’a aussi cet autre dû à la vaste plaisanterie démocratique orchestrée par la classe politique guinéenne, avec comme tendance majeure la prolifération des partis politiques inutiles.

En Guinée les partis politiques poussent comme des champignons, chacun veut faire de la politique, même s’ils n’ont ni la capacité, ni les compétences, ni les valeurs et vertus morales pour occuper les services publics, ils s’y engagent quand même, puisque l’État guinéen est le seul endroit où l’on peut devenir riche sans fournir des efforts.

Le phénomène est souvent couplé avec celui d’un réel vagabondage politique dont les coupables se retrouvent acteurs au sein de plusieurs partis politiques qu’ils créent suite à des désaccords avec leurs anciens collaborateurs.

Un système système multipartite mal ficelé 

Et ce fait prouve que le système multipartite facilitant la création des partis politiques est mal ficelé en Guinée et favorise immanquablement la discorde sociale dans ce pays avec la naissance de nombre élevé de partis politiques et des candidats qui semblent confondre les élections présidentielles aux élections de quartiers de Conakry.

Les futures sélections qui seront organisées par le monarque valet de la françafrique ne fera pas exception, puisqu’il  ya beaucoup de partis politiques sans base électorale qui y participeront et qui font déjà allégeance au chef d’état d’une junte militaire au pouvoir excessif. 

En effet, une telle situation  exhorte assurément une politique qui ne se fait que dans le contexte régionaliste, éthniciste, clientéliste et encourage la comédie démocratique, la polarisation des divisions ethniques et surtout des violences post-électorales meurtrières. 

Et les partis politiques au lieu d’être des organisations véhiculant des idéologies, où on parle de projets de sociétés, de projets de développement de la société guinéenne; être un endroit où l’on parle de l’édification d’une société démocratique caractérisée par une culture politique élevée qui demeure un travail quotidien et incessant; sont passés plutôt maîtres dans l’organisation de véritables calembours déguisés en alliances politiques. Celles-ci se font et se défont au gré des enjeux électoraux, juste avant leur précipitation mécanique dans une dislocation plus ou moins parfaite. 

Et les grands partis de l’opposition sont victimes constantes des manipulations du pouvoir visant la scission au sein de leur formation politique. C’est ce qui explique aujourd’hui la suspension des plus grands partis politiques du pays pour ainsi célébrer la birmanisation du pays avec la bénédiction de la communauté internationale dont les ficelles sont solidement tenues par l’État français. 

Comment y mettre fin ? 

Ainsi, pour lutter contre ces phénomènes de blocage de la consolidation de la démocratie en Guinée; notamment l’ethnocentrisme politique, la comédie démocratique, le tripatouillage constitutionnel, le néopatrimonialisme, il est impératif de réinstaurer le caractère institutionnel du pouvoir politique, à commencer par les partis politiques d’abord, afin d’amener les dirigeants à se conformer aux textes préétablis, et ne pas être tenté de les modifier à leurs ambitions politiques personnelles. Et surtout les amener enfin à reconnaître qu’ils ne sont que des représentants de la nation et non les propriétaires de la souveraineté.

En somme, pour éradiquer l’instrumentalisation des questions ethniques afin d’accéder au pouvoir, il faudrait mettre impérativement en place des systèmes qui reconnecteront les partis politiques avec leur mission primaire: Celle de constituer des vecteurs d’idéologies axées sur la résolution de problèmes de développement dans un monde bloqué par la complexité d’idéaux socio-politiques et économiques.

Quant à l’armée, source fondamentale du retard de la Guinée, du blocage de la démocratie guinéenne et pionnier de la perpétuité d’une généalogie de la violence de l’Etat, et actuellement actrice principale de la mise sous tutelle de la Guinée par le système françafrique d’asservissement et de domination des africains doit retourner par la force d’une révolte populaire dans les casernes. 

À défaut, la Guinée restera une sorte de cul-de-sac, de terminus de voie de garage où aucun espoir de mobilité ascendante n’est permis.

Un commentaire

  1. Voilà ce qui est bien réfléchi et écrit à travers cet article.
    Le mal de ce profond. Quand tout ce qu’un pays compte comme élite décide de l’enfoncer personne ne peut le sauver de l’abîme.
    C’est pourquoi chaque Guinéen conscient doit se remettre en cause afin de trouver une solution plausible et idoine à ce mal qui nous ronge depuis notre indépendance.

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